Avant de lire ce billet, je vous suggère fortement d'aller lire mon texte "L'épée et le templier" si ce n'est pas déjà fait. Faites-vous en pas : c'est pas trop long et, contrairement à plusieurs de mes textes, ce n'est ni noir, ni déprimant.
Bon, c'est fait?
Alors, laissez-moi vous raconter comment m'est venue cette histoire d'épée pas-vraiment-intelligente.
Vous le savez peut-être (si vous avez déjà joué à Donjons et Dragons, vous le savez certainement), mais les armes intelligentes, plus particulièrement les épées, c'est un grand classique des histoires de fantasy. Elles sont dotées d'une personnalité (souvent féminine) et la plupart peuvent communiquer avec leur porteur (masculin) et contrôler au moins partiellement leurs actions. Les divergences d'opinion entre porteurs et épées donnent parfois lieu à des situations fort intéressantes. Mais si on regarde ça avec un regard moderne, les pauvres épées sont juste d'ultimes femmes-objets!
Cependant, je n'avais jamais lu d'histoire narrée du point de vue d'une de ces lames. Et vous savez comme j'aime jouer avec les narrateurs atypiques.
Donc, il y a deux ans, lorsque j'ai commencé à cogiter pour un texte à rédiger durant l'atelier que je donnais, je me suis dit que je pourrais essayer. J'ai rapidement patenté un plan autour d'une épée intelligente enfermée dans un temple en ruines, qui se désespère de trouver un porteur et qui se souvient de l'époque de sa gloire. Un voleur survient finalement et elle s'empare de son esprit, décidée à le transformer en héros et à regagner sa gloire perdue.
Bon, c'était pas génial comme idée, mais je devais aussi préparer des exercices pour l'atelier, alors ça ferait la job.
Puis arriva l'atelier. Et là, en écoutant mes participants décrire leurs idées, j'ai constaté que plusieurs avaient créé des personnages principaux qui leur ressemblait un peu, soit par l'âge, soit par le sexe, soit par la race, soit par l'éducation. Ça donnait des récits un peu convenus. Je leur ai donc donné le défi d'éloigner leur personnage d'eux-mêmes et de voir si cela avait des impacts intéressants sur leur histoire et leur narration.
Ils se sont mis à l'ouvrage et j'ai baissé les yeux sur mes propres notes :
Personnage principal : arme intelligente
Sexe : féminin
Race et âge : épée, ancienne
Ouille! Je n'avais pas là beaucoup de caractéristiques avec lesquelles jouer. Certes, je pouvais renverser le cliché et créer une épée avec une personnalité masculine, puis la mettre dans les mains d'un personnage féminin... Cependant, j'ai déjà écrit souvent des narrateurs masculins, alors ça ne me satisfaisait pas, ça ne me semblait pas assez différent de moi et de mon expérience (après tout, j'suis mariée depuis 18 ans, alors je ne vois pas les hommes comme une espèce étrange et mystérieuse).
Puis mes yeux sont tombés sur la première ligne. Arme intelligente. Je me considère comme une personne plutôt intelligente (comme tout le monde, sans doute, mais bon, laissez-moi mes illusions) et j'ai un assez haut niveau d'éducation, alors j'ai tendance à créer des personnages mentalement agiles. Mais peut-être que ça pourrait être intéressant de créer une arme dotée de conscience et de raisonnement, certes, mais pas particulièrement intelligente. Comment est-ce que je pourrais expliquer cela...
J'ai alors pensé à certaines camarades d'étude que j'ai eues, des filles qui se débrouillaient académiquement, mais qui étaient incroyablement distraites, maladroites (oui, oui, plus que moi) et naïves. J'ai imaginé une magicienne avec ce genre de personnalité, qui tenterait de créer une arme intelligente et s'y retrouverait piégée. L'épée idiote était née.
Pour bien mettre en valeur la sottise de mon épée, j'avais besoin d'un personnage qui ferait contraste... Mon imaginaire en contenait déjà un : Sakirel, un machiavélique roi des voleurs, un enjôleur et stratège hors pair... Et, accessoirement, un personnage créé jadis par mon chum pour une campagne de Donjons et Dragons dont j'étais le maître de jeu et qui s'est étirée sur plusieurs années. (Ledit personnage avait même fini par voler son trône au Dieu du Mal!). Mes sources d'inspiration se recoupaient soudain!
J'ai tiré quelques détails de mes souvenirs de ces parties (le Sakirel maniait une lame véritablement intelligente nommé Dania), remanié mon plan et écrit un premier jet de cette nouvelle.
Quelques mois plus tard, Alain Ducharme m'a demandé si je n'aurais pas un inédit à proposer à la République du Centaure. C'est tout ce que j'avais dans mes tiroirs, mais ça l'a fait bien rire. On a retravaillé le texte, ajouté l'allusion finale au Dieu Sanglant et à l'objectif ultime de Sakirel-le-Templier et voilà, l'épée idiote était bel et bien née.
J'espère avoir l'occasion d'écrire un jour la suite de ses aventures, parce qu'il est fort amusant de mettre en scène un personnage aussi naïf! Hihihihihi! Mais ça doit être dur de vivre quand on est affligé d'un tel handicap! O.o
3 commentaires:
Inutile de dire que je suis très content d'avoir publié cette nouvelle à la République!
Et en ce qui concerne une suite... il faudrait bien qu'on s'en jase.
Je viens de lire la nouvelle et c'est vrai que c'est rafraîchissant! Et bonne idée de créer un personnage naïf et pas intelligent. Elle fait pitié la pauvre épée, mais ce qu'elle fait rire par contre!
@Alain : Je serai toute ouïe! :)
@Prospéryne : En effet, elle fait pitié, mais on a du mal à s'empêcher d'en rire. Tsé, si elle vivait de nos jours, elle répondrait aux princes nigérians qui nous écrivent des pourriels! :p
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