On parle beaucoup d'écriture inclusive ces temps-ci et elle me pose un gros gros problème : les formes tronquées ou pointées (mes ami.e.s sont allé.e.s) et les néologismes à outrance (celleux, heureuxe et autres épouxe), ça agace et ça devient vite illisible.
(Je fais une exception pour le pronom "iel", néologisme nécessaire pour désigner un individu qui tient à ce qu'on ne le rattache pas à un genre.)
Je n'ai pas de problème avec l'accord à la majorité (deux cents femmes et un gars sont allées) ou à la proximité (Vincent et Geneviève sont remises de leurs blessures), même si je trouve que ce dernier peut introduire un peu de confusion (Xian et Geneviève sont remises... oups, Xian est-il un garçon ou une fille?), à laquelle nous ne sommes pas habitués en français. Dans les deux cas, je ne pense pas les utiliser, mais bon, si vous êtes plus confortables ainsi, pourquoi pas.
Par contre, je suis contre, mais alors là totalement contre, l'accord au choix (la robe et le pot sont bleus devenant aussi valables que la robe et le pot sont bleues). Un moment donné, pour lire et comprendre rapidement un texte, faut qu'on s'entende sur quelques règles de base.
Le pire, c'est que, tant qu'à moi, la réponse aux interrogations actuelles sur la langue, elle est connue depuis 30 ans : c'est la rédaction épicène. Qu'est-ce que ça veut dire? C'est un type de rédaction qui prend pour acquis, dès la conception du texte, que le lectorat en sera à la fois féminin et masculin, alors on mêle dans le texte les formes masculines et féminines, en les écrivant au long, sans surcharger le texte. (Bref, c'est le genre de texte où on écrit "ceux et celle", puis les "auteurs et auteures", puis "les individus" et on accorde la suite au masculin, puis "les personnes" et on accorde la suite au féminin, etc.)
L'Office québécois de la langue française préconise la rédaction épicène depuis 30 ans et elle est enseignée dans les écoles depuis... ben aussi longtemps que je suis allée à l'école! (Ce qui est, tant qu'à moi, la preuve que le débat actuel sur la féminisation est surtout un problème importé de France, où on n'a toujours pas découverte les mots "présidente" et "mairesse", mais où on essaie très fort d'imposer "autrice" au reste de la francophonie...)
La rédaction épicène est, à mes yeux en tout cas, élégante, inclusive, et elle permet d'utiliser la grammaire actuelle au lieu d'essayer de la réformer "au goût du jour".
D'accord, ça ne règle pas le problème de la règle des accords où "le masculin l'emporte"... mais on aura beau s'insurger contre cette règle au nom du féminisme, reste qu'elle simplifie pas mal l'écriture. D'ailleurs, je vous gage qui si ça n'avait pas été le cas, ben ça n'aurait jamais pogné!
Qu'est-ce que vous en pensez?
9 commentaires:
On a justement vu ce sujet dans mon cours de révision, hier. On a vu divers textes rédigés selon diverses approches et ma foi, c'est la rédaction épicène, prônée par l'OQLF depuis longtemps, qui marchait le mieux et qui remportait l'adhésion du groupe. On voyait bien que certaines approches ne faisaient que rendre le texte incompréhensible ou illisible, alors que l'épicène marche très bien. (On a lu des phrases avec les iel, ul, ol, mo, etc. La prof a fini par dire : "Prochaine séance: on apprend le Klingon!")
J'avoue avoir de la misère avec les approches typographiques, comme écrire "amis.es" ou "amis,es", ou pire : ami.e.s / ami,e,s -- avec non-distribution du nombre. Ça syncope la lecture et irrite plus qu'autre chose.
Bref, rédaction épicène aussi pour moi.
@Phil : Comique que tu aies vu ça récemment! :) (synchronicité aurait dit feu Joël)
Et ça ne m'étonne pas que vous soyez arrivés à la même conclusion. Sur un long texte, les formes inclusives finissent par embrouiller la lecture. (Et oui, quand le texte est plein de iel, celleux, épouxes et autres, ça finit par avoir l'air d'une langue étrangère! Comment écrire de la SF sans écrire de la SF quoi! :p)
D'accord avec vous deux.
J'ajouterais que je trouve important de conserver une connexion avec notre patrimoine littéraire. Si le français devient une langue étrangère à trop vouloir imposer de formes inclusives, on éloigne les générations futurs de toute la littérature déjà existante.
Là où j'ai aussi beaucoup de difficulté, c'est avec la mentalité du "chacun choisit pour lui-même quelles règles il utilise", qui nous arrive beaucoup de l'anglais. Non. Qu'on adapte le dictionnaire et le Grevisse, bien sûr, mais l'objectif devrait rester d'avoir un consensus large là-dessus. Le français n'est pas l'anglais, il n'évolue pas de la même manière.
Le problème avec certaines des nouvelles formes proposées, c'est qu'elles proviennent d'une conversation s'étant effectuée dans un groupe restreint. Lorsque la discussion est élargie, on se rend compte qu'il existe beaucoup de points de vue divergents - même parmi les progressistes de la langue!
@Alain : Même en anglais, chacun ne fait pas vraiment ce qu'il veut! (Même le slang afro-américain, qui nous sort des affaires comme "He dead", a ses règles intrinsèques)
Mais oui, cette manie de "laisser le choix", c'est bien beau dans les décisions de la vie, mais c'est pas applicable au niveau du langage qui doit, comme tu le dis, être un consensus général.
Sinon, on verra bientôt apparaître l'uquamien, forme de français parlé uniquement sur le campus de l'université du même nom, par les étudiant.e.s de sociologie, surtout celleux qui se définissent comme non-binaires, car iels sont les militant.e.s les plus vocaulles! O.o
Étudiant, j'ai eu la chance de parcourir les archives du Polyscope, qui fêtait son trentième anniversaire. Les excès des discours militants marxistes-léninistes des années 1970 me font beaucoup penser à certaines parties du discours inclusif actuel.
Car même si les intentions sont bonnes (et elles l'étaient tout autant chez les jeunes étudiants marxistes-léninistes de l'époque), on voit qu'il est facile de tomber dans une idéologique hermétique qui ne cherche ni le compromis, ni le consensus. Et je trouve ça dommage, car en bout de ligne ça ralentit le progrès plutôt que de le faciliter.
@Alain : Il y a une autre ressemblance entre les discours actuels et ceux des militants des années 70 : dans les deux cas, ils tendent à tomber dans le révisionnisme (on revoit les héritages culturels du passé et on les "épure" de tout ce qui choque notre sensibilité présente). Et ça, c'est une pente très très dangereuse!
Alain, «patrimoine»... Ouh le vilain mot!
@Gen: Entièrement d'accord!
@Daniel: C'était un choix conscient :-)
@Daniel : Révisionnisme, disais-je... (Surtout que si on veut comment à discriminer les mots en raison de leurs racines latines, on a pas fini! O.o)
@Alain : :P
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