Dans le domaine de la cuisine, un plat se catégorise selon deux critères : le subjectif (ce qu'il goûte) et l'objectif (sa valeur nutritionnelle).
Par exemple, il est clair, d'un point de vue factuel et objectif, que la bouffe de chez McDo ou de la Belle Province est pas ce qu'il y a de mieux pour notre santé. Mais d'un point de vue subjectif, il y a des gens qui ne peuvent pas s'en passer! (Et j'avoue avoir moi-même un faible pour les hotdogs steamé all dressed... auquel je succombe environ une fois par an.)
De la même manière, d'un point nutritionnel, un sauté de tofu agrémenté de chou kale et de poivrons rouges, avec un accompagnement de quinoa, c'est dur à battre. Y'a des gens (dont mon chum et moi) qui vont s'en régaler. D'autres personnes vont en manger à l'occasion, par principe, mais ce sera quasiment une punition.
Entre ces deux extrêmes, il y a tout un spectre, du plus savoureux au plus fade, du plus nutritif au plus dommageable, en passant par la bouffe réconfort de grand-maman, sur laquelle on préfère ne pas réfléchir trop longtemps, occupés à s'en bourrer la panse.
En littérature, c'est la même chose. Une œuvre s'apprécie d'un point de vue objectif (la technique narrative, la construction, le vocabulaire, la solidité de l'arrière-monde, la présence de clichés) et subjectif (le style, l'impression d'originalité, la sympathie pour les personnages, le plaisir qu'on prend à la lecture).
Certaines personnes ont de la facilité à passer par-dessus les pires défauts objectifs (soit parce qu'elles ne les voient pas ou parce qu'elles s'en fichent) pour se laisser porter par l'histoire et l'apprécier subjectivement. (De la même manière, y'a des gens qui trippent sur le bacon frit, mais moi, juste à y penser, j'ai mal au cœur!)
D'autres personnes (ça m'inclut) seront agacées par les maladresses techniques et leur appréciation subjective d'une œuvre sera largement tributaire de ses qualités objectives. (Traduction : si le narrateur est mal maîtrisé, ça se peut que je dépasse pas le premier 10% du récit.)
Parmi ces pointilleux, certains deviendront si sévères qu'ils finiront par se tourner presque exclusivement vers des œuvres subjectivement un peu pénibles à lire, sous prétexte qu'elles sont "bien faites". (Imaginez, y'a des gens qui ne mettent même pas de sauce dans leur sauté tofu/kale/poivron!)
L'idéal, selon moi, c'est de viser, en terme de qualités objectives et subjectives d'un texte, l'équivalent de la bouffe de grand-maman : faut mettre assez de légumes pour que personne ne remarque qu'ils ont cuit dans la graisse de rôti et il faut que ce soit assez goûteux pour qu'on n'ait pas le temps de s'interroger sur la composition exacte de la recette.
Un bon exemple de cette écriture qui s'avale toute seule, c'est Georges R. R. Martin. On s'en fout qu'il utilise trop d'incises et multiplie les personnages, on veut juste savoir quel Stark va mourir dans le prochain tome!!! ;)
Bon, maintenant, on peut s'obstiner sur le fait que les critères objectifs, en littérature, ne sont pas si objectifs que ça, mais il y a quand même des règles de base. Pis en nutrition aussi, on change souvent d'idée, alors... :p
2 commentaires:
Et ce narrateur si important correspond à quoi en alimentation?
Question que je sache si je suis meilleure écrivaine que cuisinière!
@ClaudeL : Je dirais les protéines. Si y'a un manque à ce niveau, c'est pas long que ça se fait sentir! ;)
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