lundi 25 avril 2016

De l'usage du narrateur omniscient

Lorsqu'on commence à écrire, deux narrateurs s'imposent "par défaut" : le "je" et le narrateur omniscient qui joue allègrement au ping-pong entre les psychés des divers personnages et nous révèle au petit bonheur la chance les informations qu'il plaît à l'auteur de dévoiler.

Ateliers vonarburgesques (vonarburgiens?) obligent, voilà plusieurs années que je me suis à peu près sevrée de ces deux narrateurs. Si le "je" fait une apparition de temps à autres, je préfère nettement utiliser un "il" aligné sur un personnage qu'un narrateur omniscient.

Parce que le narrateur-qui-sait-tout a un gros défaut : il sait tout. Pas moyen, lorsqu'on l'utilise, de manipuler le lecteur en lui cachant des informations. Ou, en tout cas, pas moyen de le faire sans tricher (par exemple avec un personnage qui nous avoue au bout de trois chapitres quelque chose qu'il aurait normalement pensé bien avant). Et les lecteurs aguerris, ça n'aime pas la triche.

Cela dit, je me suis rendue compte dernièrement que mon amour du narrateur aligné vient de la nature même des histoires que j'écris : des récits de noirs ou de mystère, où la tension dramatique dépend des émotions des personnages. Dans ce genre de récit, forcer le lecteur à adopter un seul point de vue, cela sert une double fonction : premièrement, cela permet de lui ménager des surprises et, deuxièmement, cela le place dans une situation plus près de sa réalité, soit celle de l'individu qui ne connaît que ses propres pensées et qui peut juste deviner celles des autres. Je crois que ça renforce l'identification avec le personnage.

Par contre, si la tension dramatique de mes récits dépendaient des actions entreprises, par exemple dans une quête épique, un roman à énigme ou certains types de thriller, je pourrais me permettre d'entrer allègrement dans la tête de tout le monde, sans que l'histoire n'en souffre. Il me suffirait d'éviter l'effet ping-pong et de garder une certaine logique dans les changements de point de vue, histoire que le lecteur ne soit pas désorienté et ne pogne pas mal au cœur.

Qu'est-ce que vous en pensez?

4 commentaires:

Daniel Sernine a dit…

Est-ce que le changement de police de caractère dans l'avant-dernier paragraphe de ton billet reflétait un changement de narrateur? :O)

Gen a dit…

@Daniel : Non, juste un petit problème avec blogger! :p Mais la question est de circonstances! :p

Luc Dagenais a dit…

Tous les points de vue narratifs ont leur points forts et leurs points faibles, l'omniscient comme les autres. Selon nos goûts personnels et le genre de texte qu'on écrit ont est tous plus portés naturellement vers l'un ou l'autre. Mais comme tu dis, selon l'effet qu'on recherche, on gagnera à utiliser un narrateur plutôt qu'un autre (remarque, c'est la même chose qu'avec le ton, le rythme, etc).

Gen a dit…

@Luc : En effet. :) Je dois admettre que j'en étais venue à avoir des œillères et à rejeter en bloc le narrateur omniscient, mais ma réflexion m'a rappelé qu'il avait lui aussi son contexte approprié.