Quand on parle de science-fiction, de fantasy et de fantastique (SFFF pour faire plus court), il faut qu'un univers ait un certain niveau de complexité pour être intéressant. En tout cas pour un lecteur averti.
Il faut un arrière-monde fouillé et nuancé. Dans plusieurs cas, il faut aussi une mythologie ou une histoire ancienne qui se tienne et qui n'ait pas trop l'air de venir tout juste d'être inventée par un esprit super cartésien. Et il faut expliquer comment fonctionne la magie ou la technologie.
En fait, dans plusieurs romans de SFFF, ce dernier point, le fonctionnement de la magie ou de la technologie, finit par se retrouver au cœur de l'histoire. On dévoile peu à peu les explications aux yeux du lecteur (et parfois, en même temps, aux personnages). Puis on laisse le lecteur s'amuser avec le jeu intellectuel consistant à combler les vides et les blancs. À tirer ses propres conclusions devant les événements. À tenter de concevoir des plans qui pourraient sortir les personnages du pétrin...
... Et là, souvent, quand le lecteur croit avoir tout compris, c'est le moment où l'auteur décide d'introduire des exceptions à ses règles. Ou de rajouter un niveau de complexité que le lecteur n'avait pas prévu (et que, souvent, il n'aurait pas pu prévoir), en comblant les vides et les blancs d'une manière inattendue.
Si c'est cohérent avec le reste des règles ou, à tout le moins, que ce nouveau niveau de complexité reste compréhensible, ça peut être très intéressant et relancer l'histoire. Pimenter le jeu pour le lecteur.
Mais, parfois, ça peut aussi devenir n'importe quoi. Notamment quand l'envie de surprendre l'emporte sur la cohérence.
Ou alors ça passe la première fois que l'auteur nous fait le coup, parce qu'il sait rester cohérent et nous donne davantage de matière à réflexion, mais comme il y en a qui ne savent pas s'arrêter en si bon chemin, il y a des auteurs qui vont s'empresser, cent pages plus loin, de nous rajouter un troisième niveau de complexité. Puis un quatrième. Puis encore un autre. Si bien qu'à un moment donné, le lecteur ne comprend plus les règles. Il sait juste que tout est à peu près possible et que l'auteur, après lui avoir raconté la solution géniale inventée par les personnages, finira aussi par lui expliquer pourquoi cette solution a fonctionné.
Arrivé à ce niveau de complexité-là, l'histoire est mieux d'être bonne, parce que le lecteur ne peut plus participer au jeu intellectuel du début. Au lieu de s'investir dans sa lecture, de se questionner, il se laisse porter. Parfois en se demandant en souriant comment l'auteur va justifier son dernier effet de manche. D'autres fois en espérant juste que ça finira bientôt, parce qu'il en a un peu marre des explications.
Je ne sais pas si je suis juste malchanceuse, mais il me semble que, dernièrement, ça fait plusieurs fois que je tombe sur des romans de SFFF compliqués pour rien (non, je ne nommerai personne, mais oui y'avait des québécois dans le lot). Ça gâche mon plaisir de lecture. Je comprends que certains auteurs introduisent ces complexités par peur que le lecteur comprenne trop vite et se lasse.
Mais, tant qu'à moi, l'histoire et les explications sur la magie/technologie devraient être équilibrées de manière à ce que le lecteur attentif comprenne avec juste un peu d'avance sur les personnages... puis assiste, cœur battant, à la mise en œuvre du plan (ou à la révélation, ou à la catastrophe) qu'il a prévu, lui aussi. Qu'il se sente partie prenante de l'action.
Qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce que c'est ce qu'on devrait viser dans un monde idéal? Ou c'est mon amour pour les polars qui déteint sur mon appréciation de la SFFF?
En passant, je vais prendre une petite pause des nouveaux billets de blogue pour le reste de la semaine, histoire de profiter du temps qu'il me reste avant l'accouchement pour essayer de finir le retravail sur Hanaken III. Je vous rejase lundi si bébé n'est pas arrivée! ;)
6 commentaires:
Cet été, je me suis gâtée: j'ai acheté toute la suite des Asimov, série Fondation. J'en avais lu quelques uns par-ci par-là, mais jamais dans l'ordre ou toute la série. J'adore. C'est intelligent, plein de petites tournures qui te donnent le goût de lire la série sur les robots parce que tu veux comprendre encore mieux... Mais ça reste un monde cohérent et quand tu as compris, tu as compris.
Ce qui me semble important aussi quand je lis de la SFFF, c'est d'avoir des référents. Par exemple, quand ils nous parlent d'une secte qui se referme sur elle-même et les conséquences que ça a sur les gens qui sont dedans: disons que ça nous rappelle notre propre monde! Et c'est ça la beauté d'un bon livre: malgré l'étrangeté d'un monde nouveau, inconnu, futuriste, tu reconnais bien l'être humain et ses comportements (bon, la sociologue qui revient s'exprimer!) ;)
@Nomadesse : Asimov est sans doute le meilleur exemple d'une complexité bien maîtrisée : à partir de ses Trois lois de la robotique (puis plus tard des règles de la Psycho-histoire), il a créé une tonne de romans et d'histoires, en jouant avec ses propres règles et en donnant possibilité au lecteur d'embarquer dans le jeu.
Et oui, comme tu dis, ce qui est intéressant en SFFF, c'est quand le réel n'y est pas totalement évacué, quand on a le loisir de comprendre les réactions des personnages.
Je m'en balance un peu. Si le monde fictif est engageant c'est définitivement un plus mais je pense pas que y'a de solution magique.
Peut-être aussi que mes attentes sont rendu basse, je veux juste pas avoir le feeling de lire une game de Shadowrun découlé de fanfiction de Ghost in the Shell.
Aussi, si le protagoniste est un elf avec training tape, habillé d'un trenchcoat puis des lunettes fumé pour caché ses yeux hanté d'un passé mystérieux, j'exige que l'écrive reçoive un coup de pied sur le tibia à chaque copie vendu.
@Joe : Mon point était que le monde fictif, pour être engageant, ne doit pas être plus complexe que, disons, un setting de jeux de rôle justement! (et même, ça risque d'être déjà trop complexe)
Et, malheureusement, la machine à donner des coups de pied aux auteurs nuls pour chaque copie vendue ne semble pas avoir atteint ses objectifs sur Kickstarter! :p
En fait, tu veux savoir? Oui, je pense que ton amour des polars déteint dans ton appréciation des autres types d'oeuvres! ;)
Je me suis déjà fait la réflexion suite à certains de tes commentaires passés. Comme je ne suis pas tellement "polar" de nature, je compare nos impressions et j'ai l'impression que ton amour du polar t'amène à avoir des attentes dans les autres genres. Comme si ces mêmes codes devaient s'y retrouver aussi (alors qu'à mon sens, ce n'est pas nécessairement le cas).
Pour le cas présent, par contre (ben oui, j'ai une p'tite idée de ce dont tu parles, hein!), ce n'est pas faux de dire que la relation auteur-lecteur a été un peu biaisée en ce qui concerne les "codes" sous-jacents de l'histoire. Les nouveaux éléments qui sont amenés au fur et à mesure viennent tout changer, le lecteur ne peut plus deviner (ce qui me convient à moi, qui aime me faire porter, mais peut-être pas à toi, qui aime faire un exercice intellectuel plus poussé).
Alors c'est quoi la bonne réponse? Je pense que ça dépend du lecteur. De notre prédisposition au moment de la lecture. De nos lectures passées. D'un tas de facteurs, quoi! :)
Ce qui me fait penser à une sage réflexion dite par un de mes agents d'immeubles passés : "Il y a un acheteur pour chaque maison!" On pourrait paraphraser et dire : "Il y a un lecteur pour chaque manuscrit!" Le reste, c'est vraiment subjectif... :)
@Isa : Faudra alors que tu me donnes des exemples de ce que tu considères comme des codes venus du polar.
C'est vrai qu'en polar la mécanique a tendance à être bien huilée (mais souvent trop apparente), mais je ne pense pas que c'est spécifique au polar. Par contre, c'est sûr que ça aide le "jeu intellectuel".
Je sais aussi que mes incursions en polar et littérature générale me rendent plus exigeante sur le plan de la psychologie des personnages... mais comme Nomadesse le souligne, quand la SFFF utilise bien la psychologie, c'est une force.
Mais je réalise, plus j'y pense, que ce qui me dérange, c'est quand le début d'un roman semble me promettre un jeu intellectuel exigeant... puis révèle que je vais devoir "me laisser porter" finalement.
Cela dit, attention à ta conclusion : si on se met à dire "il y a un roman pour chaque lecteur", là on entre dans le classique éculé-gnagnan "toutes les opinions se valent" et non seulement on peut plus discuter, mais on peut se demander pourquoi on publie ou pourquoi on essaie de s'améliorer... Après tout, y'aurait quelqu'un même pour nos fonds de tiroir! ;p
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