Le terme de "réalisme magique" m'a été présenté à Toulouse, l'an passé, lors d'une table ronde d'auteurs Sud-Américains de romans policiers. Ceux-ci se défendaient d'écrire des romans avec des éléments fantastiques. Leurs romans, disaient-ils, sont collés à la vie réelle de leur pays d'origine. Cependant, cette vie réelle n'est pas dénuée de magie.
Un auteur mexicain nous a donné comme exemple le fait que, dans sa région, lorsqu'une fille non mariée tombe enceinte dans un village, on dit que c'est le vent qui est le père de l'enfant. Ça évite à la famille de la jeune fille une vendetta potentiellement sanglante avec les jeunes hommes du village.
Un autre a raconté que, en Argentine, le président est officiellement le parrain de tous les septième fils d'une même famille. Parce que les septième fils ont la réputation de se changer en chien les nuits de plein lune (il n'y a plus de loup depuis longtemps dans ces régions) et qu'ils étaient auparavant abandonnés par leurs parents, mais qu'on ne va quand même pas abandonner un filleul du président...
Bref, les auteurs ont raconté qu'ils écrivaient tout simplement en suivant leur culture, en bâtissant du concret autour de superstitions, en amalgamant les prétextes magiques avec les causes connues. Le résultat pouvait avoir l'air fantastique, mais il restait, à leurs yeux, parfaitement ancré dans le réel.
J'avais adoré cette idée de "réalisme magique", parce qu'elle est très proche de la réalité que l'on retrouve dans les textes anciens. Par exemple, les Grecs et les Romains éduqués savaient bien que le soleil n'était pas un char enflammé conduit à travers le ciel, mais en l'absence d'une meilleure explication ou de preuves indéniable, cette histoire-là en valait une autre. De plus, les Anciens avaient remarqué que les dieux ne semblaient pas intervenir souvent dans les affaires des hommes et que les rituels étaient sans doute inutiles, mais ils continuaient de s'y livrer, à tout hasard...
À ce que j'en comprends, le réalisme magique, c'est le point de rencontre entre les traditions et les faits, la mythologie et le raisonnement scientifique. C'est une avenue que je vais garder en tête lors de mes prochains projets! :)
Et vous, est-ce que ça vous inspire?
12 commentaires:
J'ai un peu de mal quand le réalisme devient trop magique dans les romans sud-américains, mais comme tu l'expliques, ça a l'air plus cool. Je vais essayer d'avoir ça en tête lors de ma prochaine lecture d'un auteur du sud du Rio Grande...
M'inspire pas vraiment. Comme si mon cerveau n'avait plus le goût de transposer, de chercher l'interprétation. Le livre par excellence de réalisme magique serait-il la Bible? Si, oui, tu vois pas le goût de chercher l'explication... réaliste ou autre.
J'ai trouvé ça super intéressant d'entendre ces auteurs sud américains dire que certains éléments surnaturels sont tout à fait naturels dans leur culture. C'est dur à concevoir. Mais même en gardant ça à l'esprit, c'est dur de ne pas décrocher en lisant un passage surnaturel au milieu d'un livre très réaliste.
@Prospéryne : Moi aussi j'avais du mal avec ce mélange des genres. Par contre, j'aime bien quand la magie est utilisée comme explication par certains personnages du livres, mais que d'autres cherchent la cause réelle. Ça peut faire une bonne histoire policière! ;)
@ClaudeL : Non, la Bible, c'est le premier roman fantastique! lolol! (J'entends déjà les croyants se lancer à ma poursuite en hurlant "hérétique"). Le réalisme magique, c'est lorsqu'un malade se fait soigner par son médecin et se fait exorciser par un prêtre, puis que, une fois guéri, il choisit de croire que c'est l'exorcisme qui a fait la différence.
@Vincent : C'est sûr que quand c'est trop surnaturel, je décroche aussi. Mais c'était vraiment hot de les entendre raconter leur réalité.
Je pense que c'est une théorie, une conception tout à fait logique et plausible, même ici. J'avoue que j'aime bien aller à la "limite du possible" dans mes histoires, mais je fais tout pour que ça reste justement, même infiniment, possible! Et pour ça, ben, je m'inspire de la réalité, je la mélange, je fais arriver "l'impossible" aux mêmes personnages. Mais personnellement, j'ai expérimenté "l'impossible" (qui est somme toute assez relatif) à quelques reprises... Alors pourquoi pas?
Ça me fait pensé à la montagne des bas perdu,
l'application de la lois de Murphy comme une vérité absolu et le fait que la qualité d'une année est directement lié à la perfomance de l'équipe de hockey locale.
Mais bon, rien d'aussi jolie et romantique que ce tu as écris plus haut.
@Nomadesse : Oui, je pense que c'est tout à fait possible, même ici : il suffit de jouer avec les superstitions et les légendes urbaines! ;) Et, comme tu dis, l'impossible, c'est toujours plutôt relatif ;)
@Joe : lolol! Toutes des explications tout à fait rationnelles, en effet! (mais la montagne des bas perdus, si tu la trouves, tu me le diras : j'y ai fait des contributions involontaires)
Très intéressant! Le bagage culturel joue en effet pour beaucoup dans la perception d'un texte donné, et ce sont des exemples probants que tu donnes. J'aurais bien aimé y être (et pour plus que la discussion, mais bon!)
@Hélène : Toulouse était génial! ;) Et la discussion était particulièrement drôle, parce que les intervenants se battaient presque pour s'enlever le micro les uns aux autres, alors les traducteurs (tout se déroulait en espagnol) avaient du mal à suivre! lol! ;)
Hum... Effectivement, c'est inspirant comme concept... On a toujours cette limite du "réalisme" dans les textes ancrés dans la réalité et qui ne sont pas de la SFFF.
Moi aussi, je verrais cette possibilité de réalisme magique dans une histoire policière ou du noir... Les croyances de certains mis dans un contexte qui peut porter à croire que ça pourrait être vrai. Mais si on est dans le genre réaliste, je suppose qu'il faut démystifier le tout quelque part, que quelqu'un dans l'histoire sache ce qui se passe et ait une explication rationnelle? Ou à tout le moins, que le lecteur se doute que les croyances ne sont pas fondées, qu'il y a une explication logique. Sinon, on tombe dans la SFFF, difficile d'y échapper...
Hé! J'y songe : la nouvelle d'Ariane Gélinas, parue dans Alibis (Le lac du fou), est-ce que ça peut être qualifié de réalisme magique par certains aspects?
Tiens tiens, ça me fait penser à un projet sur la tablette, où ce serait une excellente avenue à explorer, le réalisme magique... Concept intéressant... Hum...
Hé! Qu'est-ce que tu me fais là, vilaine? Je suis supposée me concentrer sur mon projet en cours, pas réfléchir à d'autres! Ouaip, j'avoue que je suis facilement corruptible... (que celui qui n'a jamais péché me jette la première pierre!) ;)
@Isa : Oui, plusieurs textes d'Ariane seraient à classer dans le réalisme magique je pense (et là on peut s'obstiner à savoir si on doit inclure là-dedans les textes où le personnage a juste sauté un plomb et agit en fonction de ses croyances inspirées de la folie...)
Ce qui est bien avec le réalisme magique, c'est que, oui, on le démystifie pour le lecteur, mais ça se peut que des personnages continuent à croire à l’explication irrationnelle. Comme dans la vraie vie quand on parle des colliers en pur noisetier… ;)
Pour les tentations... ouais, je sais, j'suis pas fine! :p
OK, alors je suis contente, j'avais bien compris le concept! Intéressant, ce réalisme magique, vraiment intéressant...
Et ne dis rien contre les colliers en pur noisetier... Y en a pour qui ça marche! (remarque par contre que je ne porte plus le mien... Hihi!);)
C'est correct pour les tentations... Je suis trop influençable, faut que je travaille encore un ti-peu là-dessus... ;P
Enregistrer un commentaire