Lors d'une manifestation à laquelle je participais pendant que j'étais étudiante, je me souviens d'avoir vu, un jour, une tite madame quitter les rangs des badauds qui nous observaient et venir marcher parmi nous. Elle avait l'air déplacée, avec ses talons hauts et son tailleur au milieu de nos jeans et de nos espadrilles. Visiblement, elle sortait du boulot et elle prenait le temps de venir nous appuyer. On l'avait applaudie.
Hier, à la sortie du travail, j'ai consulté l'itinéraire de la gigantesque manif en cours. Ils étaient sur René-Lévesque, tout près. Dès que j'ai mis le nez dehors, j'ai entendu les hélicoptères. Qui, à cette distance de la manif, faisaient d'ailleurs plus de bruit que les manifestants. Je me suis dépêchée et j'ai rejoint le cortège.
Quand je me suis glissée parmi la foule qui avançait sur René-Lévesque, bord à bord de la chaussée dans les deux sens, j'ai entendu des cris et des applaudissements. J'ai regardé autour de moi et j'ai vu une dizaine d'étudiantes en jeans qui m'adressaient des bravos, des applaudissements et des grands sourires, pouce levé. C'était à mon tour d'être la tite madame.
Je les ai suivies un temps. Leur pancarte dénonçait la loi 78. Leurs propos aussi. "La loi spéciale on s'en câlisse", c'est pas très recherché comme slogan, mais ça se scande bien. Je les ai quittées quand une odeur suspecte s'est répandue autour d'elles. Pas du gaz de poivre, non, mais plutôt de la bonne vieille marie-jeanne. J'avais pas le goût de sentir le pot dans l'autobus du retour.
J'ai avancé un peu plus vite, pour remonter vers la tête de la manif. Ça m'a permis de croiser un gars habillé en arbitre dont la pancarte donnait une pénalité à Charest pour anti-démocratie, quelques ados qui portaient des masques à l'arrière de leur tête pour faire un pied-de-nez au nouveau règlement, des papas avec leurs bambins sur les épaules...
En tout, j'ai marché à peu près une heure. Je n'ai jamais vu ni le début, ni la fin du cortège. Il y avait vraiment beaucoup de monde. J'ai quitté parce que mes pieds, pas chaussés pour l'occasion, protestaient.
Je vais garder des chaussures de marche dans mon tiroir de bureau désormais. Si l'occasion se représente, je serai parée. Prête à apporter ma pierre à l'édifice.
Je n'aurais pas marché contre la hausse. La hausse, pour moi, n'a toujours été que la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Les étudiants s'y sont opposés un peu par réflexe militant. Mais ils se sont mobilisés mieux que toutes les dernières générations d'étudiants. Ils ont occupés l'espace public, défilé pacifiquement... Et on les a ignorés. Ignorés comme jamais les militants de ma génération ne l'ont été. Ridiculisés, méprisés.
Et, finalement, on a créé une loi spéciale pour les museler. Pour dénoncer cette loi, ça valait la peine que j'aille marcher hier, ne serait-ce qu'une heure. Quitte à être la tite madame d'une nouvelle génération! ;) (Au moins, j'étais pas la seule)
9 commentaires:
Bravo.
Ben, euh, merci. Mais je cherchais pas les félicitations. Juste envie de faire ce que je pouvais.
Cette petite madame-ci aussi y étais, et crois-moi nous étions plusieurs de tous âges. Cette loi 78 a fait sortir beaucoup de gens qui appuyaient de loin, sans encore se mêler aux manifestants. Tu as écrit à peu près le billet que je souhaitais écrire hier en retournant chez moi, mais j'étais trop brûlée et j'ai fait autre chose. Merci donc! J'ai joint la manif avant le départ et je leur ai faussé compagnie vers 16h30, quand j'ai vu qu'on en avait encore pour un bout. Belle expérience, ces jeunes sont créatifs, allumés et engagés. Moi aussi je planifie déjà ma prochaine participation.
@Hélène : Ça me fait plaisir d'avoir écrit ce que tu voulais dire! ;) lol! Oui, ces jeunes sont allumés et engagés. Beaucoup plus que nous ne l'étions.
Et on sent que leur ras-le-bol ne concerne pas seulement les frais de scolarité. Ils se disent anti-capitalistes, mais en fait, ce qu'ils veulent, c'est un renouveau du projet social. C'est beau à voir et à entendre.
J'ai hâte de voir ce que sera le paysage politique dans 15 ans.
D'ici là, je prie pour qu'on passe au travers sans trop de casse.
J'aurais aimé faire mon "ti-monsieur" :( Je suis persuadé que je pourrai me reprendre...bientôt!
Il y avait une belle variété d'âges!! Des bébés naissants aux têtes argentées. J'ai vu pas mal de personnes âgées aussi, avec leurs chaises sur le bord de la rue. Une dame qui balançait un sac rouge sur son balcon, bref, quelle belle énergie!! Ah oui, aussi deux demoiselles en costumes d'Ève. ;-)
@Pierre : Je te souhaite de trouve une occasion. C'est pas facile quand on n'habite pas en ville.
@Caro : Ouais, il y avait de tout!
Jolie billet! Merci de t'être jointe à nous! ^-^ (et de nous en faire part, trop de gens se taisent en ce moment sur la présente situation)
Bravo! J'applaudis la tite-madame. Je vais aller "madamiser" moi aussi. :)
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