lundi 29 novembre 2010

Le Nano kossa donne?

Bon, je fais suite à des billets publiés ( et  et ) dans les derniers jours. Je vous avoue tout de suite que j'ai bien failli ne pas l'écrire ce billet. Parce qu'il s'est dit des trucs qui ne m'ont pas semblé me toucher tellement (j'ai écrit 3 billets en 30 jours donnant ma progression en fait de mots écrits, alors je pense pas avoir submergé mes lecteurs avec l'impression que je visais la quantité plutôt que la qualité...). Et parce qu'il s'est dit des trucs qui m'ont semblé relever du préjugé et que ça a tendance à me mettre en beau calvaire.

Mais bon, je me suis rendue compte que je n'ai peut-être pas mis mes réflexions noir sur blanc ici et que, peut-être, il y aura des intéressés. La question est donc : pourquoi je fais le Nano? Ou plutôt : kossé ça me donne d'essayer d'écrire 50 000 mots en 30 jours une fois par an?

Commençons avec ce que ça donne pas :

- un roman
Dans le meilleur de cas, un Nano, ça donne un premier jet mal fichu. Mais c'est un premier jet. Du matériel de base, quoi. Et l'avantage d'un premier jet, c'est qu'on peut le foutre dans un tiroir et le retravailler plus tard. Une fois qu'il est écrit, y'a plus de danger d'oublier des bouts de l'histoire. On y reviendra, ou pas, si l'occasion, le marché, le cours du thé sur Mars ou toute autre conjoncture cosmique s'y prête.
Ah, et un premier jet, on peut aussi le faire lire à un ami. Qui pourra nous dire si c'est de la merde ou s'il y a des éléments à sauver. C'est plus simple que d'essayer de raconter le projet de A à Z!

Maintenant, kossa donne?

- une discipline de travail...
Après un mois de Nano, vous vous rendez compte que si vous assoyez votre derrière sur votre chaise et que vous vous mettez au travail, vous allez finir par être capable d'écrire. Même si les muses ne semblent pas au rendez-vous. J'avais tendance à attendre "le bon moment" pour écrire. Après deux Nano, je crois que ça m'est définitivement passé. J'ai écrit des passages très intéressants sous pression à 11h30 le soir, au moment où il fallait que je finisse mes mots du jour malgré mes paupières fort lourdes. Et j'ai écrit des bouts très très nuls un samedi matin alors que j'avais l'impression d'être dans la meilleure ambiance du monde. Bref, le Nano m'a forcée à apprendre à écrire partout, tout le temps.

- ... mais moins de perfectionnisme acharné au premier jet!
 Avant, j'avais tendance à piocher sur les passages qui ne sortaient pas bien jusqu'à ce qu'ils finissent par prendre le tour voulu. Ce faisant, je pouvais bloquer sur mon histoire pendant une semaine, deux semaines... Avec le Nano, on apprend vite à passer à la scène suivante. À ne plus nécessairement écrire les scènes de façon chronologique. J'avais besoin de cet apprentissage. Un mois plus tard, en relisant les passages problématiques, la bonne façon de dire les choses, l'angle d'attaque d'une scène, a tendance à vous sauter aux yeux.

- une réflexion sur vos méthodes de travail
Vous apprenez vite ce qui vous bloque et ce qui vous fait planer. J'ai découvert à quel point je suis l'esclave de mon plan. Résultat : à présent, j'y passe beaucoup plus de temps qu'avant, en sachant que plus je le mûris, plus l'écriture va être agréable. J'ai également découvert que je suis incapable de ne pas faire des recherches sur des détails, même pendant le Nano. Je dois donc prendre l'habitude de me documenter beaucoup avant de commencer un projet, parce que me documenter pendant, ça m'énerve. C'est comme un téléphone qui sonne pendant qu'on fait l'amour : ça casse le fun!
Vous découvrez aussi si vous travaillez bien ou pas sous pression. Ça peut se révéler utile pour plus tard. Qui sait? Un jour, vous aurez peut-être à essayer de finir un manuscrit en deux jours. Le Nano vous permet de savoir tout de suite si vous pourrez, en cas de force majeure, torcher un truc à peu près passable (traduction : où la dir litt froncera les sourcils, mais n'ira pas jusqu'à réclamer votre tête) ou si vous êtes mieux d'appeler tout de suite l'éditeur pour lui dire que vous allez être en retard.

- un trip de gang
Le reste de l'année, même avec les collègues écrivaillons, on n'est jamais tous au même point en même temps. Un tel écrit, un autre ré-écrit, un troisième jongle avec deux trucs en même temps, un quatrième est en pause pour cause de nouveau bébé... Pendant le Nano, on est tous à la même place : plongés dans notre écriture jusqu'au coup. Alors on se donne les tape dans le dos et les coups de pied au cul qui sont de mise. Une fois par an, c'est sympa. :)

- un premier jet
Pas mieux qu'aucun autre premier jet. Pas nécessairement pire non plus. Ça dépend de vous, de votre façon de travailler. Du genre de projet que vous avez choisi d'écrire. De votre capacité à planifier, à travailler sous pression, à écrire de belles phrases au fil de la plume, etc... Personnellement, comme j'écris à l'aide d'un plan détaillé, je n'ai pas à revenir en arrière pour ajuster l'histoire pendant que j'écris. Je file toujours du début à la fin. Hors Nano, je relis les passages écrits la veille pour les polir. Durant le Nano, je saute cette étape. Ça ira à la ré-écriture.

- une opinion définitive sur la réécriture
Après le Nano, faut réécrire. Beaucoup. Et c'est là que vous découvrez à quel point vous aimez cette partie là du boulot. Chacun a sa démarche d'écriture et chacun a sa perception de la réécriture. Personnellement, j'aime bien retravailler un texte brut et lui donner forme, même quand le travail est colossal. (Oui, je me suis plains des 55 000 mots de mon roman jeunesse où je dois changer le narrateur, mais non, une fois le choc initial passé, c'est pas si mal).
Si vous préférez plutôt retravailler 5 000 mots à la fois, vous allez le découvrir très vite après le Nano. Vous allez regarder votre manuscrit de 50 000 mots et vous allez être pris de nausée à la pensée d'y replonger pour le décortiquer, l'analyser, le secouer, le reconstruire... Vous allez donc l'abandonner. C'est correct. Le Nano aura servi à vous apprendre quelque chose. Et on ne vous y reprendra plus! ;)

Bref, le Nano kossa donne? Le fruit d'un autre mois de travail, mais un mois où vous avez été forcé à faire des expériences. Ni plus. Ni moins.

24 commentaires:

ClaudeL a dit…

J'ajouterais dans le trip de gang: permettre un échange - discussion - voire débat autour de la question. À compter les 37 commentaires de l'un, les 8 commentaires de l'autre et les x d'un troisième, c'est tout un sujet de discussion!

Gen a dit…

@ClaudeL : lolol! ;) En effet, la discussion fait partie du trip de gang :)

Elisabeth a dit…

@J'avais simplement avis de spécifier que le fait de se mettre soit même de la pression, en décidant de faire un Nano, a bien peu de ressemblance avec la pression qui vient du lectorat ou de la maison d'édition. Le Nano, tu peux toujours le balancer, tu n'auras de compte à rendre qu'à toi-même... Sans vouloir t'offenser ;)

Gen a dit…

@Élisabeth : Ça n'a aucune commune mesure avec la pression qui vient du lectorat, c'est sûr.

Mais un dead line, c'est un dead line, peu importe qui l'a fixé... à condition, évidemment, d'être capable de vivre avec une certaine fiction et de respecter les engagements pris même si c'est juste envers soi-même. Perso, c'est à ces engagements-là que je me sens le plus tenue. Mais je suis bizarre! ;p

Gen a dit…

L'idée est aussi de voir, en se relisant quelques semaines plus tard, si on est capable d'écrire quelque chose de potable en travaillant à ce rythme. Je trouve que ça aide à évaluer la durée des projets quand on prend des engagements.

Elisabeth a dit…

Je ne crois pas que tu sois si bizarre que ça, dit la fille qui te ressemblais ;p Avant, je pensais comme ça aussi. Avec le recul, je peux affirmer qu'un dead line, ça dépend maintenant beaucoup de qui l'a fixé. Je travaillais également très bien sous pression et même mieux. Aujourd'hui, c'est différent. Mais peut-être est-ce seulement moi qui me suis mal adaptée à ma vie qui a changé beaucoup plus vite que prévue... ;)

Gen a dit…

@Élisabeth : Je pense que la différence, c'est que maintenant ta pression te vient de ton lectorat : des milliers de personne que tu ne peux pas appeler pour leur expliquer pourquoi le roman va être en retard ou pourquoi il ne va pas correspondre à leurs attentes, etc.

C'est une réalité que bien peu de nous vivent, j'pense que c'est normal que ça te déstabilise!

M a dit…

Yé! Je suis content de lire une réflexion sur l'écriture, et je tiens à spécifier que tu as très souvent de belles réflexions sur l'écriture.

Gen a dit…

@M : Merci. Sauf que ce post étant vachement long, je l'ai écrit APRÈS avoir fini mon objectif-Nano :p (qui n'avait soit dit en passant rien à voir avec le nombre de mots, mais tout à voir avec le fait de rusher un premier jet histoire de m'enlever de la tête une histoire mauditement envahissante!!!)

Audrey a dit…

Merci pour ce billet qui permet de donner un autre son de cloche sur le Nano et de corriger certains préjugés. Pour ma part, j'adore cette expérience pour diversaires raisons (j'en ferai un billet également) et j'ai été cherché très loin l'énergie et la discipline pour rattrapper mon retard en fin de semaine. Et je suis fière ce matin de pouvoir me dire que oui, je franchirai les 50 000 mots ce soir !

Isabelle Lauzon a dit…

Tu apportes des points hyper intéressants sur le sujet, Gen! Tellement que je me demande si je ne ferai pas le Nano un jour... quand j'aurai un peu plus de "lousse" dans mon horaire!!! C'est beau rêver!!! :D

Gen a dit…

@Audrey : Et dire que tu savais même pas si tu embarquerais cette année! :) Bien hâte de lire tes réflexions en tout cas! :)

@Isa : J'pense qu'écrire à ce rythme c'est une expérience intéressante à faire une fois. Ensuite, tu vois ce que ça t'apporte et tu répètes... ou pas.

Gen a dit…

@Isa : Pour le temps... tes enfants seront grands un jour ;)

Audrey a dit…

Ah, ah, je suis tellement fatiguée que j'invente des nouveaux mots : diversaires raisons ??? Qu'est-ce que c'est ça ??? Je pense que je vais bien rigoler en relisant le premier jet de mon roman Nano !

Gen a dit…

@Audrey : Vive la vérification orthographique en cours de frappe! :p

Pat a dit…

Pas d'accord!
Les Nanoistes sont des machines à écrire sans âmes qui n'en ont que pour leur rendement et qui cherchent à inonder le marché littéraire québécois de romans rédigés et corrigés en 30 jours! ;)

Ou plutôt, réflexion vachement intéressante, Gen. En apprendre plus sur soi et sur ses méthodes de travail, c'est aussi ce que je percevais de ce défi.

Me reste plus qu'à le tenter à mon tour l'an prochain :)

Gen a dit…

@Pat : lolol! ;) Sans blague, si ça t'adonne, je t'y invite. Comme je le dis dans le billet, c'est pas tout le monde qui va répéter l'expérience je pense, mais même en abandonnant en cours de route, on peut en apprendre beaucoup sur nous-mêmes.

Karuna a dit…

Bon billet, Gen. Posé et structuré.

Gen a dit…

@Karuna : Posé? Lol! Moi ça? hihihihihi ;)

Isabelle Simard a dit…

@ Gen : =) Merci de m'avoir fait connaître le Nano et pour l'expérience... je suis contente d'avoir tenue le rythme un bon 2 semaines avant que mon mois de novembre vire au calvaire.
J'arrive à plusieurs conclusions communes...

Gen a dit…

@Isabelle S. : De rien! :) Moi aussi j'ai découvert le phénomène via les blogues l'an dernier! :)

Annie Perreault a dit…

Superbe billet, Gen ! Tu as une vue claire et ça fait du bien. Merci beaucoup ! :o)

Gen a dit…

@Annie : C'est ma vision personnelle des choses. Mais bon, le Nano, on en retire ce qu'on y apporte. :)

Annie Perreault a dit…

Vrai !! Et Merci encore... :o)