À la suggestion de Vincent et pour satisfaire les curieux qui doivent se demander de quoi ça peut bien avoir l'air quand j'écris, voici un extrait de la nouvelle que j'ai publiée
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Le Double
J’ai rien vu venir quand ils nous sont tombés dessus. Un instant, je discutais avec Gueule d’Ange. L’instant d’après, les deux malabars défonçaient à coup de pied la porte du salon et entraient, arme au poing, semant la panique parmi les filles… je crois qu’ils se sont servi de balles en caoutchouc pour nous neutraliser et nous faire perdre connaissance. Ça expliquerait pourquoi la dernière chose dont je me souviens, c’est de la gueule noire d’une arme pointée vers moi… Ça expliquerait aussi pourquoi j’ai aussi mal au plexus. On dirait qu’il y a un point brûlant à cet endroit-là et qu’il m’empêche de me remplir les poumons correctement… mais je ferais mieux de pas me plaindre : le pire est à venir.
J’ai envie d’une cigarette… même si je fume plus depuis cinq ans. J’ai remplacé ça par la gomme à mâcher pis les cure-dents. Tiens, d’ailleurs, j’ai encore ma gomme à mâcher dans la bouche, coincée contre ma joue droite. Je pensais que c’était ma joue qui avait enflé… elle est un peu sensible. Mais non, c’est bien ma gomme. Elle est dure comme de la roche, mais au moins, ça va m’occuper les mâchoires. Je la chique énergiquement, la bouche un peu trop ouverte, comme toujours quand je suis nerveux. Ça énerve les gens d’habitude, mais pour l’heure, j’en ai rien à foutre.
Je sais pas trop comment on est arrivés ici… ni même ce qu’est cet « ici ». C’est glauque, mal éclairé. Plancher et mur de béton. Tuyaux au plafond. Un sous-sol sans doute. Pas de bruit reconnaissable. Où est-ce qu’on est bordel ? J’ai une vue imprenable sur une armoire en métal vert sombre et sur un coin de pièce poussiéreux, mais j’arrive pas à regarder par une des petites fenêtres étroites. Elles sont situées au raz du plafond et je peux pas me lever. Je suis ficelé comme un saucisson sur une chaise en métal qui me rappelle désagréablement mon école primaire. J’ai encore les idées embrouillées. Est-ce qu’ils savent pour moi ?
En me tordant le cou du bord de mon épaule gauche pour essayer de voir le reste de la pièce, j’aperçois Gueule d’Ange. Je le reconnais à sa tignasse de courtes boucles brunes. Il est ficelé sur une chaise lui aussi, placée presque dos à la mienne. Un poil en angle quand même, ce qui fait que je le vois en partie sur la gauche, mais pas du tout sur la droite… Hum... me tourner la tête à ce point-là, c’est pas de tout repos. Je me sens déjà des crampes... Mais, ouf ! S’ils ont embarqué Gueule d’Ange aussi, c’est qu’ils ne savent pas. Ils doivent juste penser qu’on projetait de les trahir et de passer aux Motards… C’est pas la situation idéale, mais dans mon cas, ça pourrait être bien pire. Avec ces Latins au sang bouillant, vaut mieux être un traître qu’un double. Tant que ma couverture de dealer tient, j’ai au moins l’espoir de mourir vite.
Je peux pas m’empêcher de regarder Gueule d’Ange à nouveau. Il est toujours dans les vapes, le visage tourné à l’opposé de ma position. Je l’imagine, les bouclettes sur le front, ses yeux tristes et suppliants enfin fermés, les lèvres pleines tirées et pas mal moins sensuelles que d’habitude. Gueule d’Ange le tombeur. Gueule d’Ange le pimp. Je suppose que même dans la position où on est là, y’aurait encore des filles pour le trouver irrésistible. La seule chose que j’espère, c’est que les Latinos vont lui arranger la gueule assez bien pour qu’il puisse plus jamais attirer une adolescente dans ses filets et la transformer en pute à grand renforts de taloches et de poudre blanche. Si en prime je peux assister à ça, je vais mourir heureux.
Je suppose qu’il y a un dieu pour les flics...
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4 commentaires:
Encore, encore !!
Salut! Une belle écriture avec du mordant. Alibi 25, je vais mettre la main dessus, assurément
J'ai lu ton texte ... génial !!!
Ah ben merci :)
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