J'ai fait trois découvertes ces derniers jours.
Premièrement, j'ai appris que ce blogue (oui, oui, celui que vous lisez) avait été étudié dans une perspective sociolittéraire tout à fait académique et sérieuse! (Je sais pas si je dois être surprise, flattée ou gênée.) Les résultats sont ici, disponibles gratuitement en pdf si ça vous tente.
Deuxièmement, j'ai découvert dans cet article un nouveau terme : "journal extime". C'est-à-dire un journal qui a conscience d'exposer la vie privée aux regards et qui tente donc de la rendre amusante et divertissante. J'aime toujours quand j'apprends les mots pour désigner ce que je faisais "à l'instinct"! Hihihihi!
C'est très juste comme terme, parce qu'en effet, c'est pas mal ce que j'ai toujours essayé de faire avec le blogue : raconter ma vie privée, en restant consciente que je l'exposais. Au départ, c'était plutôt sous l'angle de l'exercice d'écriture : je me disais que si j'arrivais à tirer quelque chose d'intéressant de ma routine plate d'employée de bureau banlieusarde qui tentait d'écrire dans ses temps libres, je venais de m'équiper pour être capable de trouver un angle d'attaque pour n'importe quel sujet! (Et puis, lors des journées grises, être capable de trouver de quoi rire de ma vie, de mes doutes et de mes difficultés, ben ça m'aidait moi-même à dédramatiser!)
Le blogue était aussi une manière d'entrer en contact avec une communauté, de socialiser sans quitter ma maison (et l'autrice de l'article l'a très bien vu!). J'aime parler avec les gens (au cas où vous le sauriez pas déjà), j'aime découvrir la vie des autres, leurs manières de penser, leurs opinions... J'aime les débats, les vrais, ceux où on part de faits avérés pour exposer les divers points de vue, en écoutant l'autre, en essayant de se mettre à sa place, sans essayer de "gagner" la discussion (même s'il m'est arrivé de commettre cette erreur, mais bon, j'ai appris et je continue d'évoluer). Des discussions où on réfléchit en groupe et où, des fois, on arrive à des justes milieux fructueux.
Ces échanges et débats étaient très présents aux débuts de l'ère des blogues. Puis Facebook est devenu plus populaire, les textes se sont raccourcis, les trolls sont arrivés, les techniques rhétoriques malveillantes se sont popularisées (cherry picking, ad hominem, sealioning, moving the goal post, etc) et les faits alternatifs et le mépris de la science ont tué ce qui restait d'espaces de discussion.
L'autrice de l'article - Maryline Brick que je ne connais pas mais que je remercie de m'avoir lue si attentivement - note que le blogue a perdu de la vitesse à partir du moment où les commentaires se sont raréfiés. Elle a tout à fait raison : c'est le moment à partir duquel je me suis dit que tant qu'à écrire des textes qui ne susciteraient pas de réactions immédiates, j'étais sans doute mieux de me consacrer à mes fictions. (Je m'en sers aussi pour entrer en relation avec les gens, mais c'est moins directement "moi" et c'est plutôt à sens unique.)
L'autre aspect - qu'elle ne pouvait pas deviner - c'est que depuis 2020, j'ai dû énormément me censurer. Plusieurs anecdotes de mon quotidien auraient fait de très bons billets (où sans doute d'autres divorcées se seraient reconnues)... mais elles étaient liées à mon divorce (ou à mes prises de conscience sur mon ex-relation de couple) et donc elles auraient souvent fait mal paraître mon ex et il n'aimait déjà pas, quand nous étions ensemble, que je le dépeigne autrement que sous son meilleur jour, alors post-divorce, sachant qu'il surveillait sans doute ce que je publiais, ouf, j'ai décidé de m'épargner ses réactions. (Je me suis plutôt servi de tout ça en fiction. ;) J'ai aussi beaucoup moins de temps d'écriture qu'avant, mais ça c'est un autre dossier.
Troisièmement, j'ai (re)découvert, en plongeant dans mes archives, à quel point j'ai évolué, tant personnellement que professionnellement depuis 2009. Je la trouve parfois d'une telle naïveté la petite Gen des débuts! (Faut dire qu'elle était solidement gaslightée pis subissait une bonne dose de misogynie internalisée.) Mais bon, elle avait 27 ans, j'en ai 43. La tentation est grande par moment de la faire disparaître, d'expurger les billets gênants. Cependant, je me retiens. Parce son(mon) parcours est valide. Le blogue montre qu'on peut évoluer comme personne et comme écrivaine. Qu'on peut même finir par gagner sa vie avec l'écriture au Québec, même si on ne devient jamais connue.
J'vais d'ailleurs essayer de voir si je ne pourrais pas reprendre un peu le fil du blogue. Maintenant qu'on n'ose plus dire quoique ce soit d'un peu dérangeant sur FB et que beaucoup d'écrivains s'ouvrent des substacks, peut-être que je pourrais reprendre l'habitude des textes longs, réflexifs ou informatifs (ex : "comment ne pas soumettre un manuscrit") dans cet espace qui est certes public, mais tout de même un peu secret... Par contre, y aura-t-il des gens pour les lire?
On verra, hein?