lundi 26 septembre 2022

Tant qu'à être damnée...

Le Mouroir des anges paraîtra la semaine prochaine chez Alire. 

Entre deux moments d'exaltation, j'ai parfois des poussées d'angoisse. 

Voyez-vous, ce roman met en scène un trio de personnages créés en 2012, bien avant qu'on parle d'appropriation culturelle et de l'absence de diversité parmi les artistes québécois et dans les produits culturels du Québec. L'une de mes personnages est une québécoise "de souche" (quoiqu'à demi-Irlandaise), l'autre une Japonaise. Le dernier est Noir. 

En écrivant ces personnages, je représentais le monde tel que je le voyais : j'ai toujours vécu dans la banlieue montréalaise, dans des quartiers plutôt multi-ethniques et j'avais envie de mettre en scène des personnages qui font écho à mon quotidien. Je voulais aussi, avec mon personnage japonais, exploiter les années de recherche faites pour écrire mes Hanaken (non mais! lol!).

J'ai consulté mon ami.e Noir.e (iel existe pour vrai, vous en faites pas) pour ne pas dire trop de niaiseries, en sachant que ce ne serait pas parfait. Qu'il doit rester des clichés racistes et des micro-agressions ou des propos que des gens jugeront qu'il n'était pas ma place de tenir. J'ai eu la tentation, au dernier moment, de passer une couche de peinture blanche sur tout ça. Après tout, ça ne changerait pas grand chose à l'histoire. 

Et puis je me suis dit que non, justement, c'est parce que ça ne changeait pas grand chose que ça devait rester. Parce qu'on reproche souvent à la littérature québécoise d'être uniformément blanche. 

Damned if you do, damned if you don't. 

J'en suis venue à la conclusion que tant qu'à être damnée, je préfère que ce soit en essayant de faire mieux, quitte à me planter, plutôt qu'en restant cantonnée dans mon confort.

J'espère que ce sera reçu ainsi. Si c'est pas le cas, si je vous ai blessé, venez m'en jaser. Je ne pourrai pas changer ce roman-là, mais je vous promets de faire mieux avec le prochain.

4 commentaires:

Annie Bacon a dit…

De ce que j'ai compris du dossier il ne faut pas s'empêcher d'avoir des personnages diversifiés, bien au contraire. Il y a deux choses qu'il faut éviter:
1- Prendre le point de vue en premire personne d'une minorité spécifiquement sur une histoire qui appartient profondément à ce groupe (ex: raconter l'histoire de l'esclavage à travers un héros noir à la première personne)
2- Donner une rôle caricatural à une personne issue d'une minorité (ex: les mexicains qui font la sieste dans Luky Luke)
Donc, de ce que tu me dis, avec trois personnages différents, dont la couleur de peau n'est pas au centre de l'histoire, ça me semble bon!

Gen a dit…

@Annie : C'est ce que je me suis donné comme lignes directrices, en effet. J'ajoute : "Ne pas mettre une expérience qui n'est pas la mienne au centre de mon propos". Reste qu'on ne sait jamais comment ce sera reçu. Je me croise les doigts.

Margaret a dit…

J’ai suivi des conversations en ligne sur ce sujet parmi des scénaristes télé canadiens anglophones, et il me semblait que l’avis général était que des relectures (au pluriel, idéalement) par des personnes issues de la minorité en question sont de mise. Mais dans ce milieu, il y a des budgets pour cela! J’imagine qu’une maison d’édition québécoise n’aurait pas forcément les moyens de payer pour des lectures de sensibilité. Et demander à quelqu’un de relire et commenter un roman au complet sans rémunération, c’est une grande faveur! Un vrai dilemme. Je me compte très chanceuse d’avoir pu échanger récemment la traduction anglaise d’une nouvelle contre une lecture de sensibilité de ma nouvelle.

Gen a dit…

En effet, pas trop de budget pour ça (même si ça change) chez les éditeurs... et encore moins pour les écrivains. J'avais contourné le problème en faisant lire un seul chapitre et en "payant" avec une copie fu roman.