vendredi 23 novembre 2018

Poésie

Je le dis depuis des années : je suis nulle en poésie.

Je n'y connais à peu près rien, à part quelques textes de théâtre en alexandrins (notamment Cyrano de Bergerac), quelques poèmes classiques en vers et, Japon oblige, les haïkus.

Mes profs ont bien essayé, au cégep, de me présenter la poésie moderne, mais je lui ai faussé compagnie dès que j'ai pu, parce que je ne retirais aucune plaisir de sa conversation, trop confuse pour moi.

Avant même de commencer ma carrière littéraire, j'en suis arrivée à une conclusion : la poésie, ce n'était pas pour moi.

D'ailleurs, ceux qui ont lu mes écrits publiés pourront témoigner du fait que le lyrisme et moi ne nous sommes jamais rencontrés. Les rares fois où j'ai voulu aller le visiter, semblerait que j'me suis trompée de porte et que j'ai cogné chez la mièvrerie. Je pourrais pas vous dire : je ne les distingue pas bien l'un de l'autre.

Tout allait bien pour moi dans mon univers sans poésie, jusqu'à ce que les dames de mon atelier d'écriture me lancent "On aimerait ça un atelier sur la poésie!"

Ouille! Il n'en fallait pas plus pour que mon syndrôme de l'imposteur sorte en grand du placard.

Mais bon, je me suis retroussé les manches et, pour mon premier atelier de poésie, j'ai parlé poèmes classiques, quatrain, tercets, alexandrins, pieds, vers, haïkus, rimes plates, croisées, embrassées...

J'ai dû faire illusion, parce que mes dames en ont redemandé!

J'ai donc appelé Luc Dagenais à la rescousse (parce que lui, il en lit de la poésie et ça paraît quand il écrit sa prose!). Il m'a fourni une pile de recueils de poésie. En parallèle, je me suis renseignée sur la poésie moderne, le slam, j'ai rafraîchi mes connaissances sur les figures de style, les jeux sonores... J'ai lu partout, avec scepticisme, que "si on aime pas la poésie, c'est qu'on n'est pas encore tombé sur le poète qui nous parle".

Je me suis mise à faire des exercices de création poétique trouvés ici et là. Ressortis mes manuels de littérature. Plongé dans les recueils empruntés...

Et là, au bout de presque un mois, y'a eu un déclic. Entre deux poèmes de "Priscilla en hologramme" d'Érika Soucy, puis entre deux pages de "Fourrer le feu" de Marjolaine Beauchamp et plus tard en lisant le texte du slam "Je te suis, tu m'es" de David Goudreault, ma cervelle a commencé à comprendre.

J'ai soudain visualisé les poèmes comme des textes effondrés sur eux-mêmes, des vestiges magnifiques d'une construction disparue. Les suites poétiques devenaient des instantanés un peu flous, des artefacts d'une histoire terminée, qui, mis bout à bout, permettaient presque de retrouver une trame narrative.

Et je me suis mise à tripper!

J'ai enfin l'impression d'avoir ouvert une porte dans mon esprit. On m'avait dit "pour lire de la poésie, faut se laisser flotter sur les mots", mais je crois que je n'avais pas compris. Pour moi, un livre ça se dévorait d'une couverture à l'autre, le plus vite possible. Alors qu'avec la poésie, je dois développer une autre manière de lire, plus calme, plus contemplative, un poème à la fois, en laissant le temps aux images de se développer entre les mots. Et en bavant d'admiration devant tout ce que les poètes arrivent à placer entre les mots!

Ce ne sont toujours pas tous les poèmes qui me plaisent, car ceux avec des longs vers me donnent l'impression d'étouffer, mais je suis prête à accepter que c'est normal. Je ne sais pas si j'ai dépassé le mièvre lorsque je m'essaie moi-même à écrire des vers, mais peu importe. J'ai découvert une nouvelle manière de m'amuser avec les mots et ça, pour moi, c'est toujours merveilleux!

Merci à Luc pour le coup de main! Et à mes dames (et Jean-François) de m'avoir poussée dans cette direction.

Et vous, la poésie, ça vous parle ou pas?

15 commentaires:

Prospéryne a dit…

Je me suis profondément reconnue dans tes cinq premiers paragraphes :/

Gen a dit…

@Prospéryne : Je sais et je te comprends tellement! Mais essaie "Priscilla en hologramme", pour moi ça a vraiment été le déclic. Des petits morceaux de texte, on ne s'y perd pas et le tout forme une trame narrative.

Luc Dagenais a dit…

@Gen : Hehee ! je suis content d’avoir réussi à trouver de la poésie qui t’a allumée. Maintenant que je sais plus ce que tu aimes, je peux te prêter PLEIN d’autres recueils — plus ciblés selon tes goûts — si tu veux. Oh, et « ... les poèmes comme des textes effondrés sur eux-mêmes, des vestiges magnifiques d’une construction disparue...... des artefacts d’une histoire terminée. » C’est pas mal poétique ça, ce n’est pas de la mièvrerie du tout. ;-)

Gen a dit…

@Luc : Oui, oui, je veux d'autres recueils! Pis merci de me rassurer quant à ma rencontre avec le poétique. (Ça aura juste pris un mois de lecture quotidienne et d'exercices d'écriture. O.o Dire qu'on me paie une heure de préparation pour chaque atelier que je donne... lolol!)

Luc Dagenais a dit…

@Gen: Hahaha! Dis toi qu'au moins, ce mois de travail/lecture va te servir pour ton écriture future aussi. Si je ne lisais pas autant de poésie, jamais je n'aurais pu écrire "La déferlante des mères" comme je l'ai fait.

Prospéryne a dit…

@Gen, je lis en ce moment un recueil de slam et j'aime bien sans être amoureuse. J'ai déjà essayé pas mal de fois de lire de la poésie, mais bon, Priscilla en hologramme, non. Peut-être, mais pas tout de suite! J'ai lu un recueil de poésie en septembre-octobre pour le Grand Défi de la littérature Québécoise, je lis en ce moment un recueil de slam et ensuite, je vais être due pour une assez longue pause!

Gen a dit…

@Luc : Je me suis dit la même chose en lisant ta Déferlante. Pas pour rien que je ne me suis pas fait tordre un bras trop fort pour me mettre à la poésie!

@Prospéryne : Quel recueil de slam? Je suis curieuse, parce que ça c'est une écriture qui me fait tripper depuis longtemps.

Prospéryne a dit…

Celui-là!
https://www.leslibraires.ca/livres/slam-poesie-du-quebec-pierre-cadieu-9782895371809.html

Gen a dit…

Merci!!!

Prospéryne a dit…

Qui aurait cru qu'un post sur la poésie te vaudrait autant de commentaires! :P

Daniel Blouin a dit…

Et c'est aussi
Par la musique et les chansons
Que la poésie
Devient maqique en tourbillons de sons

Alors que les émotions derrière les mots
Appellent des mélodies montantes ou traînantes
Les syllables, dites comme il le faut
Savent nous emmener, à taper du pied

Est-ce que la poésie est un moyen
Pour faire passer un message
Ou bien en soi, une fin
Une créativité qui voyage

Chacun peut la visiter
Pour en savourer la lecture
Et si on finit par trop l'aimer
En osera-t'on l'écriture

Est-ce qu'on y trouvera
Notre propre réponse
Celle qu'on voudra
Si on l'énonce

Gen a dit…

@Prospéryne : Et ça continue! (mais est-ce que ça compte si c'est mon papa? ;P )

@Daniel : En effet, la poésie, c'est aussi les chansons. Mais si on accepte encore la rime dans les chansons, dans les poèmes modernes elles ont plutôt disparu et je crois que c'est ce qui me déstabilisait au début.

Une femme libre a dit…

Il y a des arts faciles et accessibles avec du plaisir immédiat et puis il y a les autres...
La poésie et l'opéra en font souvent partie. Tellement de gens m'ont dit ne pas aimer l'opéra après y avoir assisté une seule fois. Et pourtant, la persévérance, voire l'acharnement peuvent faire toute la différence. On s'endort parfois la première et même la deuxième année et avec le temps, les conférences, les lectures et l'écoute encore et toujours l'écoute, le plaisir naît et puis il ne fait que croître et on se demande comment on aurait pu s'en passer et on se félicite d'avoir laissé le temps et l'apprivoisement faire son oeuvre.

Chaque parcelle d'investissement dans une activité nouvelle et au départ rébarbative enrichit la vie et combat l'alzheimer. Et une vie plus riche culturellement, ça n'a pas de prix. Tu remercieras les dames de ton atelier d'écriture!

Lily a dit…

Il y a longtemps, une amie de fac passionnée de poésie m'a lu des poèmes. C'est, quand on aime la musique, la meilleure entrée possible. La mort du loup d'Alfred de Vigny, la fin de Satan de Victor Hugo. Epique. Parfois, Jean-Louis en écrit aussi au fil de son blogue. David Goudreau, je l'ai rencontré à une soirée Slam avec Grand Corps malade. Ca me parle aussi.

Anonyme a dit…

Ici Gen :

@Femme libre : Je ne crois pas qu'il y ait des arts vraiment faciles et accessibles du premier coup, en tout cas, pas pour tout le monde. Peut importe l'art, il faut une certaine pratique et une certaine affinité avec le médium pour l'apprécier pleinement.

Mais on est initié tôt à l'art narratif, tandis que l'opéra ou la poésie, ça vient plus tard (ou pas du tout).

Dans mon cas, en partant, tout ce qui est musique me laisse un peu indifférente. J'aime l'aspect théâtral de l'opéra par contre.

@Lily : Lire des poèmes à haute voix, ça reste la meilleure manière de les apprécier. C'est d'ailleurs pour ça que j'aime bien les poèmes classiques en alexandrins je crois : ils sonnent si bien à l'oreille. J'avais connu un deuil, jadis, quand on m'avait expliqué qu'on n'écrivait plus de poèmes comme ça. Maintenant, je comprends qu'on peut faire sonner les vers autrement, plus librement.