Je ne compte plus le nombre de fois où j'ai vu des listes du genre "les dix mots à éliminer de vos écrits". Invariablement, on y retrouve à peu près les mêmes : beau, laid, petit, grand, gros, avoir, être, faire, dit-il, ça, comme... et tous les adverbes en "-ment". (Oui, je sais, ça fait plus de dix)
Ça m'attriste. Pauvres petits mots mal aimés!
Il me semble pourtant que, du point de vue de l'écrivain, il n'y a pas de "mauvais" mot. (Non, même pas les "mauvais mots"!) Il n'y a que des mots mal employés, qui ne servent pas le style et l'histoire.
On peut écrire tout un texte avec des "mots de base" comme petit, grand, gros, avoir, être, etc., si on écrit du point de vue d'un enfant ou d'une personne très peu éduquée.
Il est possible de parsemer un texte d'anglicisme si le narrateur est anglophone. Ou si les personnages lisent ou entendent un texte qui est supposé être en anglais ou traduit de l'anglais.
Même chose pour les québécismes et autres régionalismes : si leur emploi se justifie, ils ont leur place. Ils peuvent même donner de la couleur aux dialogues si le narrateur utilise pour sa part un niveau de français plus relevé.
Les sacres, jurons et autres injures sont tout à fait à leur place dans la bouche d'un personnage mal élevé, peu éduqué ou en colère.
Même les faux emplois ("récuré" utilisé à la place de "récupéré" ou "stimulé" au lieu de "simulé") peuvent jouer un rôle s'ils sortent de la bouche (ou de la tête) d'un personnage pédant qui se croit plus cultivé qu'il ne l'est.
J'admets que les mots supposément "pauvres" ou "à bannir" doivent être maniés avec prudence. Ce sont, tant qu'à moi, des termes "à surveiller". Vous ne voulez probablement pas (sauf en présence des contextes particuliers cités ci-haut) en mettre un par ligne.
Mais vous ne voulez pas non plus écrire un texte où "Possédant un cœur semblable à ceux des saints, l'homme de taille minime effectua l'amour à la superbe esseulée." (Traduction : Comme le nain avait bon cœur, il fit l'amour à la belle esseulée.)
Tsé veut dire... :p
15 commentaires:
Effectivement, c'est une distinction importante à avoir! Mais les nuances, les nuances, c'est difficile à saisir et ça pogne moins bien comme statut Facebook que "10 mots à bannir"...
Lecture obligatoire : La langue rapaillée de Anne-Marie Beaudoin-Bégin.
Aussi, je dois avouer que mon plus gros problème à écrire pour la jeunesse, c'est d'éviter la langue familière. Je trouve que le contraste littéraire/familier pimente bien un texte! Et le familier, c'est autant la langue des jeunes que celle des vieux. Je trouve un peu triste qu'on ne permettent pas aux enfants de lire ce qu'ils parlent. On veut leur apprendre à bien parler et écrire, c'est louable, mais ça reste moins l'fun...
@Nomadesse : Ah, ère maudite où le statut Facebook règne en maître. T'as ben raison. Mais remarque "10 mots à surveiller", me semble que ça irait aussi.
@Fred : Je n'ai pas lu celui-là, mais j'en ai lu d'autres sur le même thème. Et pendant mes études, j'ai étudié le même genre de polémique, mais entre le latin et le grec! (quand on dit que plus ça change, plus c'est pareil!) Cicéron était un grand partisan de "utiliser des termes latins familiers ou des termes grecs quand le contexte s'y prêtait" lol!
Ce ne sont pas tous les éditeurs jeunesse qui refusent la langue familière à ce que je sache. Certains la permettent dans les dialogues, ce que je trouve fort pertinent, parce que ça apprend aux jeunes que, justement, on n'écrit pas (la narration) comme on parle!
Je suis d'accord : le familier, c'est autant la langue des vieux que des jeunes. Tout le monde dit "chum et blonde" pourtant certains éditeurs insistent pour qu'on écrive "copain et copine" (ce qui, soit dit en passant, est une familiarité pour les Français puisque ça détourne un mot qui devrait vouloir dire "amie"!) ou "amoureux et amoureuse".
Je me souviens d'un prof de secondaire trois qui nous avait fait lire du Michel Tremblay. Ça avait été une révélation pour plusieurs d'entre nous! Notre langue pouvait être ÉCRITE! Wow! En rétrospective, c'est ridicule. Je n'aurais pas dû attendre d'avoir 15 ans avant de lire du joual!
Je suis tellement d'accord avec toi! L'important, est surtout d'éviter les lieux communs, les mots, eux, n'ont rien fait de mal! Il fut un temps ou j'évitais à tout prix le verbe "dire", alors que j'ai fini par lui trouver son utilité!
En fait, pour le cas du verbe "dire", je trouve qu'il est plutôt invisible. Ceux qui froncent les sourcils en le voyant sont généralement ceux qui se sont fait répéter à outrance que c'était mal de l'utiliser. Même chose pour les adverbes en -ment.
En anglais, on recommande d'utiliser "said" au lieu de n'importe quel autre synonyme, sous prétexte que les autres mots attirent trop l'attention. Stephen King y consacre un chapitre entier dans On Writing, d'ailleurs. Les règles sont peut-être différentes en français, mais pour ma part, "dire", je l'aime bien.
Et je suis d'accord avec Frédéric : La langue rapaillée, ça nous réconcilie beaucoup avec notre français québécois.
@Annie : En effet, les lieux communs (et surtout les expressions toutes faites!) affaiblissent tellement l'écriture. Tsé quand tu lis "blond" et que tu sais que "comme les blés" va suivre, ça énerve!
@Dominic : Je pense que "dire", faut surtout éviter de l'utiliser pour rien. Quand on sait qui parle, pas besoin de mettre "dit-il" au bout! Et Stephen King prêche pour le "said" dans On Writing... mais ne l'utilise pas nécessairement dans ses écrits. Parce que non, des fois on ne fait pas que "dire" quelque chose, on l'énonce ou on le crie ou on le chuchote ou on le rugit... Faut juste pas, encore une fois, préciser pour rien ou préciser à outrance. J'ai eu l'impression dans "On Writing" que King réagissait à l'habitude de certains auteurs d'éviter "said" pour utiliser n'importe quel autre verbe à la place... alors que la précision est inutile et qu'on suit le dialogue même en l'absence d'incise!
D'ailleurs, puisqu'on parle de dialogues, je trouve l'usage de la langue familière d'autant plus important que les régionalismes ou expressions ou degrés de familiarité vont permettre, dans un dialogue, de différencier plus facilement les personnages. L'enfant ne parlera pas comme l'adulte, l'éboueur comme l'avocat, le gars de Shawinigan comme celui de Hull.
En anglais, les auteurs utilisent ce procédé à fond, mais en québécois, on dirait que ça nous gêne et c'est triste!
Un mot à bannir: «de» devant une voyelle.
Est-ce que ça s'enseigne encore?
@Daniel : Je l'ai appris, mais j'ai appris l'ancienne grammaire, alors je sais pas si c'est encore expliqué (ça doit, sinon on lirait aussi "le" suivi d'un mot commençait avec une voyelle). Je sais par contre qu'il est de plus en plus souvent l'usage de ne pas faire d'élision devant les prénoms ("de Anne" plutôt que "d'Anne"). La chose me laisse perplexe.
@Gen: on peut avoir le reste de l'histoire du nain? Ça avait l'air intéressant! ;o)
@Luc : C'était pas vraiment dans les plans... ;)
J'ai aussi lu "La langue rapaillée" Fait un bien énorme, et nous déculpabilise.
Sauf que l'auteure en faisait la nette distinction entre la langue familière et soignée ne règle pas (et ce n'est pas son but) la question de la littérature québécoise.
Si MIchel Tremblay a réussi à me convaincre du bien-fondé de l'utilisation de notre langue parlé dans les dialogues, j'ai bien du mal avec les romans des Sophie Bienvenu, Stéphanie Boulay et plusieurs autres, même Marie Laberge dans Ceux qui restent, qui utilisent la langue parlée dans la narration. En fait, ils n'écrivent pas, ils parlent.
Ça fait souvent des textes très percutants, comme un bon spectacle sur scène, mais j'ai "ben d'la misère" à y voir là notre littérature.
Mais Bob Dylan n'a-t-il pas gagné le prix Nobel de la littérature!
Il va falloir, encore une fois, redéfinir ce qu'est la littérature.
oups:
Sauf que l'auteure en faisant...
bien-fondé de l'utilisation de notre langue parlée...
@Claude : Encore une fois, question de contexte selon moi. Quand le romane est écrit au "je" ou très focalisé sur un personnage, je peux comprendre qu'on "entende" sa voix. Mais j'ai déjà vu le même procédé en narrateur omniscient et là je trouve que ça grince.
Et la littérature québécoise est, comme la Française, un amalgame de langue soignée et de langue familière. Parce qu'on l'oublie souvent, mais ce ne sont pas tous les Français qui écrivent en argot et verlan émaillé d'anglicisme. Y'en a qui écrivent encore en français! :P
roman et non romane...
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