Le lendemain, la puce
était un peu plus plaignarde. Elle chignait entre les boires et
était difficile à rendormir. Mais bon, c’est ça aussi avoir un
bébé, on le savait, alors malgré notre fatigue intense, on s’est
relayés pour la bercer. C’est là qu’on a découvert que j’avais
vraiment eu une bonne idée en demandant un porte-bébé « Maman
Kangourou » comme cadeau. Une fois enroulée dans l’écharpe
et bien serrée contre nous, notre fille dormait comme un charme.
Cette nuit-là a été
difficile. La puce refusait de dormir après les boires. À
l’hôpital, lors du suivi, on a découvert qu’elle avait encore
perdu du poids. À un rythme alarmant. Maudite balance! Ma puce
n’avait même pas deux semaines que déjà elle en subissait la
tyrannie. On m’a dit de tirer mon lait après le boire et d’essayer
de lui donner au gobelet. Peut-être qu’elle ne tétait pas
efficacement... On nous a donné un rendez-vous pour le lendemain.
Je n’ai pas pu
essayer leur histoire de gobelet : dès le retour à la maison,
ma fille s’est mise à pleurer et à hurler presque sans
discontinuer. La seule chose qui la calmait, c’était lorsque je la
mettais au sein. Je me suis donc retrouvée à allaiter pendant
presque 18 sur les 24 heures suivantes. Au moins, me suis-je dit,
elle prendrait du poids avec toutes ces tétées...
Hé bien non. Le verdict est tombé à l’hôpital : elle avait encore maigri. Elle s’était épuisée à téter. Soit je n’avais pas assez de lait, soit elle n’arrivait pas à aller chercher le lait le plus nutritif. On nous a donné des biberons de lait pour prématuré, à donner à la puce après le boire au sein, histoire d’essayer de lui faire prendre de l’énergie et des calories. Et on devait retourner à l’hôpital le lendemain matin. La méthode, crève cœur pour moi car je ne voulais pas que la puce prenne l’habitude du biberon, a fonctionné : 24 heures plus tard, elle avait repris un peu de poids. On m’a prescrit un médicament pour augmenter ma production de lait, puisque je leur ai dit que je n’avais jamais les seins engorgés. Peut-être que c’était ça le problème. On m’a aussi dit de tirer mon lait après chaque boire et de lui donner au biberon.
J’ai cru voir une
amélioration de ma production de lait. La puce semblait dormir un
peu mieux. On s’est déplacés à l’hôpital tous les matins
pendant trois autres jours. La puce engraissait enfin, quoique
vraiment lentement. On a diminué la quantité de lait pour prématuré qu'on lui donnait et on a compensé avec le lait que je tirais entre deux boires. L’hôpital a passé la main au CLSC pour
assurer le suivi. On a eu des nuits un peu plus faciles. Pas beaucoup
plus faciles, mais un peu.
L’infirmière du CLSC est venue peser la puce... Et, merde, elle avait à peine engraissé! J’étais découragée. Je pleurais. L’infirmière m’a examinée et a constaté que ma montée laiteuse ne semblait pas s’être vraiment installée, malgré le médicament. Elle nous a donné un horaire à respecter : toutes les trois heures, je devais mettre la puce au sein, puis la changer de couche, puis la remettre au sein, puis lui donner à boire du lait que j’avais préalablement tiré, puis tirer du lait (en prévision du boire suivant), tandis que mon chum essayait d’endormir la puce. L’infirmière a dit qu’elle reviendrait 48 heures plus tard pour faire un contrôle.
L’infirmière du CLSC est venue peser la puce... Et, merde, elle avait à peine engraissé! J’étais découragée. Je pleurais. L’infirmière m’a examinée et a constaté que ma montée laiteuse ne semblait pas s’être vraiment installée, malgré le médicament. Elle nous a donné un horaire à respecter : toutes les trois heures, je devais mettre la puce au sein, puis la changer de couche, puis la remettre au sein, puis lui donner à boire du lait que j’avais préalablement tiré, puis tirer du lait (en prévision du boire suivant), tandis que mon chum essayait d’endormir la puce. L’infirmière a dit qu’elle reviendrait 48 heures plus tard pour faire un contrôle.
On s’est lancés dans
cette nouvelle routine. En tout, il nous fallait entre une heure
trente et deux heures pour la compléter, car la puce tétait
longtemps, puis pleurait et refusait de dormir. Et le cycle se
répétait toutes les 3 heures. Ça nous laissait une heure pour
dormir entre les boires. Quand l’infirmière est revenue, on était
épuisés, physiquement et moralement.
Et la puce, bien
qu’elle ne montre aucun signe de déshydratation, n’avait pas
pris un gramme. Et mes seins produisaient plus, mais ne devenaient
toujours pas engorgés. C’est alors qu’on a fini par mettre le
doigt sur le problème. Mon lait maternel, une fois réfrigéré,
aurait dû se déphaser en une bonne couche de gras (jaunâtre chez la plupart des femmes) et du
lait (blanc ou bleuté) à haute teneur en eau. Le mien, même après deux
jours de réfrigération, restait blanc et clair, comme du lait 1%.
Ma montée laiteuse s’était faite à moitié, sans doute à cause
de l’épuisement de mon séjour à l’hôpital (ainsi que de l'absence de contact peau à peau précoce avec ma puce, et du fait qu'elle n'a pas vraiment été allaitée à la demande dans ses premiers jours de vie, et peut-être aussi parce que j'ai été mal coachée puisqu'on aurait dû me dire que des tétées de deux heures c'était pas normal...). Enfin, bref, mon corps n’avait
pas reçu les bons signaux et ne produisait pas de lait nutritif.
L’infirmière,
pourtant plutôt du genre « nazi de l’allaitement »
comme il y en a tant dans les hôpitaux et les CLSC, m’a alors
dit : « Tu as fait tout ce que tu pouvais, c’est le
temps de passer au biberon ».
Je pense que j’ai
braillé toutes les larmes de mon corps. Je voulais tellement
allaiter! Je n’avais pas réalisé à quel point c’était
important pour moi avant qu’on me dise que je ne le pouvais plus.
Je n’avais pas pensé que j’aurais des problèmes pour ça aussi.
Nourrir son enfant au sein, c’est un contact magique, chargé
d’émotions. En plus, pendant les premiers jours de la vie de ma
fille, ça avait été notre seul contact. Je ne voulais pas le
sacrifier. Dans les cours prénataux on nous avait chanté sur tous
les tons que l’allaitement était toujours possible, que c’était
une question de volonté, de discipline, deux trucs dont je manque pas d'habitude! Depuis la naissance de ma
puce, j’avais fait tout ce que je pouvais pour sauvegarder mon
allaitement et lui donner tous les bienfaits du lait maternel... Et
là j’apprenais qu’en faisant tout ça, je lui avais nuit. Je
pense que je n’ai jamais eu aussi mal de ma vie. J’aurais repassé
immédiatement à travers trois accouchements juste pour ne pas vivre
cette sensation-là.
Quand j’ai réussi à
penser à nouveau clairement et logiquement, Vincent et moi, avec l'aide de l'infirmière, avons établi une nouvelle marche à suivre. Je
donnerais le sein à ma puce quelques minutes au début de chaque
boire, puis on lui servirait le lait commercial au biberon. Ensuite,
si elle voulait encore du réconfort, je la remettrais au sein un
peu. Et tandis que mon chum la bercerait pour l’endormir, j’irais
tirer mon lait, histoire d’en faire des réserves et de pouvoir,
lorsque ma production se sera tarie (ce qui arrivera plus tôt que
tard en limitant ainsi les moments où c’est bébé qui tète),
mêler un peu de lait maternel à la préparation commerciale. Parce
que même s’il n’est pas nutritif, mon lait contient des
anticorps qui seront bénéfiques à ma puce tout au long de sa
croissance.
On suit cette méthode
depuis une semaine. La routine du boire est passée d’une heure
trente toutes les trois heures à environ quarante-cinq minutes
toutes les trois heures et demi ou même quatre heures. Notre fille
va mieux : elle pleure moins, dort plus profondément, sourit
davantage. Elle s'est arrondie sous nos yeux et, à la visite de contrôle au CLSC il y a trois jours, elle avait enfin engraissé notablement. Ouf!
Par contre, l'infirmière du CLSC, pas au courant des détails du dossier, a essayé de me pousser à reprendre l'allaitement exclusif. Pas question. Je ne vais pas jouer avec la santé de ma puce.
Par contre, l'infirmière du CLSC, pas au courant des détails du dossier, a essayé de me pousser à reprendre l'allaitement exclusif. Pas question. Je ne vais pas jouer avec la santé de ma puce.
C'est dur, mais je fais tranquillement
mon deuil de l’allaitement. J’essaie de voir le bon côté des
choses : avec le biberon, mon chum peut s’impliquer davantage.
Ce sera plus facile de faire garder notre fille.
Même si, pour le
moment, tout ce que j’ai envie de faire, c’est de la garder
serrée contre moi.
Est-ce que la maternité
c’est ce que j’espérais? Quand, comme en ce moment, ma puce dort
dans le porte-bébé, oui, tout à fait.
Mais je souhaite que
les prochains mois comportent moins d’inquiétudes et de larmes,
davantage de sourires. Que les prochaines aventures d’Éliane
soient des comédies plutôt que des drames.
J’haïs ça les
drames! :p
14 commentaires:
De la donpéridonne, j'imagine, pour le lait? En tout cas, ici, c'est ce que Gab avait comme prescription parce qu'elle tardait aussi à produire du lait en bonne quantité au premier bébé... et ça n'a pas fonctionné. Gab a finalement allaiter 1 semaine et demi. Au deuxième bébé, ça a mieux fonctionné: elle a allaité trois mois environ, mais avec difficulté et douleurs. Faut croire que c'est pas pour rien qu'il y avait des nourrices avant...
Et tu diras à Vincent qu'on finit par s'habituer à dormir par morceaux et qu'au bout du compte, on finit par avoir moins besoin de sommeil tout court...
Toute une finale de ce début d'aventure de famille... On dirait qu'après mon accouchement, plusieurs mamans m'ont partagé des difficultés avec la façon dont l'allaitement avait été présenté. Comme si en y mettant beaucoup d'insistance et de conseils, on "responsabilisait" la maman. Ce qui avait comme conséquence malheureuse que lorsque ça ne fonctionnait pas pour plusieurs raisons diverses (c'est là qu'on voit que ce n'est pas parce que c'est "naturel" que ça se passe "naturellement"), la mère prenait ça comme un échec personnel. Maudite culpabilité.
À l'hôpital, l'infirmière m'avait dit: "Quand ça fait 20 minutes qu'il est branché à ton sein, ça va faire là." Ça m'avait un peu troublée, surtout qu'il fallait compléter l'alimentation de Léo au gobelet de lait maternisé ensuite (pour ce bébé de plus de 9 livres, le colostrum, ce n'était pas suffisant). Maintenant, en lisant ton récit, je comprends mieux pourquoi l'infirmière me disait ça. C'était pour éviter de l'épuiser et de m'épuiser. Après la montée de lait, je n'ai plus eu besoin de compléter (au contraire, j'avais alors le problème inverse: douleurs d'engorgement). Comme c'est compliqué, tout cela!
Ce que j'en retiens toutefois, c'est que ce sont des choses trop délicates pour se culpabiliser. C'est comme quand on se marie: on m'avait dit de relaxer la journée du mariage, de ne rien superviser. Que si ça ne passait pas comme prévu, c'était comme ça, et c'est tout, c'était juste le temps d'en profiter, de savourer le moment. Tu me rappelles que les débuts avec un nouveau bébé (le 2e aussi), c'est ça: un lâchez-prise immense sur nos souhaits, nos prévisions, nos désirs.
En tout cas, vous êtes pas mal bons ensemble. J'aime que tu parles de ton chum aussi souvent, ça montre que sa présence est plus qu'un soutien, que c'est un super partenaire! :)
Ouf! Ton histoire m'a fait réfléchir, j'avais tendance à toujours juger un peu le personnel médical qui disait de supplémenter l'allaitement avec des biberons, comme c'est le meilleur moyen pour réduire la production de lait... mais je vois qu'il y a de cas où c'est juste pas possible! (Surtout que je sais que tu es ostineuse et que tu n'as pas arrêté par découragement!) Tu as pris la meilleure décision pour vous trois, c'est évident, même si je te comprends de devoir faire un deuil de l'allaitement. J'espère que la suite va mieux aller. Je pense beaucoup à vous! Merci de tous ces détails, c'est tellement le fun à lire :)
Toute une histoire... de tout coeur, je souhaite que désormais votre petite famille ne vive que le mieux.
Merci de partager avec nous cette épopée...
Santé et bonheur !
@M : Oui, c'est ça, du Domperidone. Pour le moment, ça ne fonctionne pas pour moi non plus. J'aurai allaité deux semaines exclusivement. Mais je poursuis l'allaitement partiel. Je n'ai aucune difficulté ou douleur et ce depuis le début. Ce qui m'a fait croire un bout de temps que j'avais des gênes de nourrice! ;)
Pour le sommeil... on attend que le "moins besoin" se fasse sentir!
@Nomadesse : En effet, je trouve que la façon dont l'allaitement est présenté est assez culpabilisante merci si ça marche pas bien. Là j'essaie de profiter des jours qui passent sans trop m'en faire avec ça. Ma puce tète un peu et grandi bien, c'est l'important.
Et oui, mon chum est un super partenaire. Je sais ben pas comment je passerais à travers mes journées s'il était pas là (parce que la puce refuse de dormir le jour, sauf dans nos bras ou dans le porte-bébé)
@myr_heille : À l'hôpital où j'étais ils sont très pro-allaitement, alors quand on m'a recommandé les compléments (parce que la puce perdait 50 grammes par jour autour de 10 jours de vie!), on m'a aussi expliqué comment et à quelle fréquence tirer mon lait pour ne pas diminuer ma production.
Et oui, je me suis obstinée à allaiter tant que la santé de la puce le supportait. Mais un moment donné mon chum m'a fait réaliser qu'allaiter par principe, ça n'avais pas de sens si ça ne faisait pas de bien à notre fille.
@Sébas : Justement à cause du discours ambiant sur l'allaitement, je tenais à partager ce dernier épisode.
Ma puce va bien maintenant. Elle dort dans son porte-bébé pendant que j'écris ce commentaire! :)
Aye, j'avais commenté pis mon commentaire n'est pas apparu. J'ai pas vraiment envie de le réécrire, alors je vous fais la version courte. Je pourrai raconter l'histoire de vive voix un de ces jours. En bref, les infirmière devraient prendre leurs jolies balances et se les enf... À mon avis dans bien des cas c'est possiblement une surmédicalisation de l'accouchement. Et il y a aussi le paradoxe des infirmières qui vantent l'allaitement cinq minutes puis qui vous poussent à donner du *&?$%$ de lait maternisé à votre enfants. Comme si l'humain n'évoluait pas depuis des millénaires à nourrir ses enfants! Je ne donnerai pas à mes enfants quelque chose que je trouve dégueux. En tout cas, ça nous a beaucoup énervé, trois fois plutôt qu'une (mais la première était pire que les deux autres). Fin de la montée de lait. -sic-
Y'a pas à dire, vous ne l'avez pas eu facile depuis le début!! Je te souhaite sincèrement que ce soit la fin des sagas et que la suite soit douce et remplie de bonheur.
J'ai bien hâte que vous n'ayez plus affaire avec cette armée de spécialistes et que vous puissiez vivre votre parentalité en paix et en toute intimité avec votre bébé.
@Fred : J'aurais tendance à être d'accord avec toi pour la balance qui est de la surmédicalisation et pour le lait maternisé (qui est vraiment dégueux), mais quand tu vois ta fille de trois semaines qui a l'air d'un enfant du tiers monde tellement elle est maigre et qui hurle toute la journée, ça change la perspective. J'aurais pas cédé pour quelques grammes et un jour ou deux de retard, mais elle n'engraissait pas du tout avec mon lait.
Cela dit, là je lui en donne davantage et elle semble prendre du poids quand même, alors qui sait. Peut-être que le lait maternisé ne sera pas toujours au menu. Mais je ne veux pas me stresser avec ça.
Faudra que je pense à te demander l'histoire complète de vive voix.
@Caro : En effet, me semble que ça a ENCORE été compliqué notre affaire! :( Mais là ça va très bien... Enfin, à part le manque normal de sommeil! ;)
@Femme libre : C'est pas mal chose faite. Prochain rendez-vous médical dans un mois et d'ici-là, on va vivre au rythme de notre puce, sans nous casser la tête (enfin, tant qu'elle ira bien).
Tu sais, je ne crois pas que l'absence de corps à corps au début et le fait qu'elle n'a pas été allaitée à la demande dans ses premiers jours de vie ai causé le problème.
Mon fils est né prématuré, on a jamais vécu le corps à corps à l'hôpital (même si on a été 5jours) et je n'ai pas pu allaiter avant la 2-3ième journée (il buvait dans un petit gobelet). Et pourtant, même en l'absence de tout ça, je n'ai jamais eu de difficulté à allaiter.
Même si tu n'as pas pu allaiter comme tu voulais, ne vois jamais cela comme un échec et ça ne veut pas dire que ça ne marchera pas pour un 2ième enfant.
Éliane est chanceuse d'avoir des parents qui sont autant à son écoute et qui pense autant à son bien-être.
Tu es une merveilleuse maman :)
Ouf!!! Je crois que le plus important est d'écouter les signaux du bébé et de ton corps aussi. C'est pas une course du tout. Prends les décisions au meilleur de ta connaissance et surtout, évite de culpabiliser. Ça ne sert pas à grand chose. :) (P.S. Je sais que tu es capable de discipline et de volonté, ça en prend quand on est dans les arts martiaux et je sais que tu l'as amplement pratiqué!)
@Gaby : Je sais qu'il y a des femmes pour qui ça ne change rien, mais disons que selon toutes les infirmières et conseillères en allaitement que j'ai vu (et j'en ai vu pas mal), ça n'a sans doute pas aidé.
Et pour ce qui est d'un deuxième enfant... Bon, on va s'occuper un peu de la première, on verra ensuite!
@Prospéryne : C'est dur de prendre des décisions "au meilleur de sa connaissance" quand on est devant l'inconnu total. Mais oui, j'essaie de m'écouter là. Et de décoder ce que me dit Éliane! ;)
Enregistrer un commentaire