Luc est toujours en contrôle du blogue pendant que Gen poursuit des vacances... pas très relaxantes... elle va vous raconter tout ça lundi.
Une des premières choses que l’on apprend lorsque l’on devient archiviste, c’est comment manipuler les documents et artefacts de façon sécuritaire pour éviter de les endommager ou d’accélérer leur dégradation en faisant notre travail. En effet, les particules qu’on peut avoir sur les mains - saleté, résidus de savon, sécrétion naturelle de la peau - peuvent endommager bien des médiums, comme le papier, les photographies ou certains métaux. La façon la plus universelle, et la plus efficace, c’est d’y aller avec des gants blancs, littéralement.
Après la base de données, ces gants de coton sont nos outils de travail les plus importants. Sauf que parfois, on se sent un peu obsessifs avec nos réflexes hyperprécautionneux. Je vous donne un exemple :
C’était en 2007, et je travaillais avec le cinéaste Frédéric Back au montage d’une exposition portant sur ses œuvres et sa vie. J’avais devant moi un Oscar (THE Oscar comme on dit à Hollywood) qu’il avait remporté au cours de sa carrière. Je regardais la statuette avec, probablement, les yeux ronds et brillants d’envie, m’imaginant au Kodak Theatre devant une salle comble en liesse, en train de la lever victorieusement à bout de bras, sourire triomphant aux lèvres. Frédéric, qui malgré ses 83 ans avait gardé son espièglerie d’enfance, lut dans mes pensées. Il prit la statuette doucement de ses deux mains, nues, pour me la donner, m’encourageant amicalement à la brandir au-dessus de ma tête.
L’horreur archivistique!
Bon, c’était sa statuette, il avait bien le droit d’y toucher tant qu’il voulait. Quand il l’avait reçu à Hollywood, il avait probablement les mains moites d’un cinéaste couronné dont le pouls battait à cent soixante à l’heure; il l’avait sûrement embrassée avant de renverser du champagne dessus et de la passer ensuite à ses collaborateurs, qui l’avaient pris dans leurs mains, l’avaient embrassée à leur tour, avant d’y renverser d’autre champagne, peut-être. Et de retour à Montréal, ça avait été ensuite le tour de la famille et des amis. L’Oscar était pourtant en parfait état de conservation, bien brillant, doré, sans bosses ni égratignures.
Malgré tout le ridicule de mon geste, tel un robot programmé pour conserver, j’ai tout de même enfilé mes gants de coton avant de prendre la statuette et de la soulever à bout de bras! Pas étonnant qu’il y ait peu d’archivistes sur les tapis rouges.
L'archiviste
6 commentaires:
Ma mère a quelque part une photo polaroid d'elle tenant ce même oscar... à mains nues :-) Là où elle travaille, il y avait des bureaux de l'ONF où elle a déjà croisé Robert Lepage. UN moment donné, ils avaient l'oscar de Frédéric Back en visite pour quelques jours et on pouvait se faire prendre en photo avec. Elle n'a pas hésité :-)
C'est Tom Selleck qui l'avait remis à Back, je crois.
Tant qu'à t'avoir sous la main, j'ai un vieux cahier de généalogie (qui date de 1917), celui-là même qui m'a permis d'écrire en partie mon roman qui sort aujourd'hui... pour le converser, je pense qu'il faudrait que j'arrête de le manipuler, mais qu'est-ce que je fais: des photocopies? Mais pour faire des photocopies, il faudrait que j'ouvre le cahier jusqu'à la reliure pour l'écraser contre la vitre de la photocopieuse. J'ai peur d'abîmer le livre. Technique svp. Si trop long à expliquer, oublie-moi.
Et comment le laisser à la génération suivante pour qu'il soit encore utilisable, que l'écriture ne soit pas toute effacée,
Cher archiviste,
C'est pas en touchant à un Oscar à mains nues que tu feras de la compétition à Valérie (souvent appelée "ma tante Valérie") : elle a échappé un vase Ming qui a éclaté en morceaux. (Note: elle avait dix ans.) Un grand nombre d'élucubrations qu'elle raconte en ligne sont des inventions, mais un nombre surprenant est vrai. Cette histoire, malheureusement, est authentique.
Le messages ci-haut est de Joël Champetier... on aura deviné à la mention de matante Valérie.
Joël
@Phil: Argh! Mes yeux saignent de te lire! LOL. ;op En fait Frédéric a gagné un Oscar à deux reprises, mais je ne sais pas qui lui a remis lors des cérémonies (si ma mémoire est bonne, une des deux fois, c’est une animation de Mickey Mouse qui a fait l’annonce du gagnant !)
@ClaudeL : Surtout pas de photocopieuse ! Non seulement « l’écrasage » sur la vitre va effectivement l’endommager, mais la lumière émise par la photocopieuse risque aussi d’accélérer sa dégradation. Le mieux pour en faire des copies c’est de prendre chaque page en photos numériques et des les imprimer ensuite. Mais si le document est en relativement bon état, une manipulation précautionneuse ne l’endommagera pas tant que ça. Pour ce qui est de la conservation à long terme, le mieux est de le conserver dans un contenant (chemise, boîte ou enveloppe) sans acide.
@Joël : =8-O ! Le pire que j’aie fait, c’est de passer à deux doigts (merci réflexes professionnels) de cracher une grosse gorgée de café sur des documents du début XVIIIe siècle. Ouf !
Tant que tu n'as pas enfilé les gants pour lui serrer la main... ;)
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