Je crois que le Alibis #35 est sorti. J'ai d'ailleurs reçu mes exemplaires (enfin, mon voisin les a reçus et est venu me les porter... la malédiction de la poste est sur moi je vous jure!). Alors je vous offre un extrait de ma nouvelle qui s'y trouve... mais il vous manque les illustrations qui vont avec mon texte et qui sont vraiment extra! :) Si vous voulez le tout, passez par là pour l'obtenir!
________________________________________
Seppuku
Le bruit de ses pas a dû trahir son arrivée, car Robert Saint-Onge, son partenaire, abandonne son occupation, qui semblait être de se tenir immobile au centre de la pièce, et se dirige vers elle.
— Mishima, il était temps !
Miuri comprend son impatience : la dernière fois qu’elle l’a rejoint sur une scène de crime, il lui a demandé d’aller lui chercher un café. Il doit être en manque, le pauvre.
— Dufour ! lance Saint-Onge par-dessus son épaule. Elle est arrivée, là ! Oublie pas de lui expliquer comment fermer le dossier comme du monde.
Là-dessus, le sergent-détective Saint-Onge s’engouffre dans l’escalier en bousculant presque sa partenaire au passage. Interloquée, Miuri se tourne vers Claude Dufour, le technicien médico-légal, qui se tient à présent sur le seuil de l’appartement.
— Qu’est-ce qui lui prend ? demande-t-elle.
Elle a posé la question pour la forme, en s’attendant à ce que Dufour lui réponde par une banalité fataliste ou un haussement d’épaules, mais celui-ci grimace avant de s’expliquer.
— Pour lui, l’affaire est classée, mais j’ai insisté pour que vous veniez jeter un œil sur la scène.
L’incrédulité fait lever un sourcil à Miuri. Jusqu’à maintenant, elle n’aurait même pas cru que Dufour était au courant de son existence, alors apprendre qu’il a fait pression pour qu’elle prenne part à un dossier…
— Entrez voir ça, Mishima-san. Vous allez comprendre.
L’emploi du suffixe de politesse nippon donne déjà un indice à Miuri. Serait-ce à sa qualité de Japonaise que le technicien médico-légal souhaite faire appel ? Répondant au geste d’invitation de Dufour, elle pénètre dans l’appartement. Le hall d’entrée est exigu, coincé entre la salle de bain et le coin cuisine, et rendu encore plus étroit par les quatre hommes qui s’y pressent. Par contre, sitôt les premiers mètres franchis, l’espace du loft se déploie de façon ininterrompue jusqu’aux grandes baies vitrées donnant sur le fleuve.
Joyau central de ce vaste espace dépouillé, la scène funèbre ressemble à un tableau moderne peint à grands traits. Sa violence n’a d’égale que son esthétisme : drap immaculé sur le sol, belle jeune femme aux cheveux d’ébène et kimono de soie blanche aux plis flottants, poignard à la poignée de laque noire, arabesques écarlates dessinées par le sang. La mise en scène a été parfaite. Malgré sa gorge tranchée et la flaque écarlate qui la baigne, la défunte a une allure douloureusement sereine.
— Vous comprenez pourquoi je vous ai fait appeler.
Miuri considère l’énoncé comme une affirmation plutôt que comme une question et se dispense d’y répondre. Elle ne peut détourner les yeux du cadavre. Il la fascine inexplicablement.
— L’équipe technique a photographié les lieux sous tous les angles, mais personne ne s’est approché.
Elle acquiesce. La nervosité fait débiter des évidences au technicien. Le sang ayant giclé en longues traînées sur le drap qui recouvre le plancher de la pièce principale, personne n’aurait pu s’approcher du corps sans brouiller les tracés délicats.
— Avez-vous déjà vu ça, sergent Mishima ?
22 commentaires:
Wow, Geneviève, le début de cette nouvelle est très réussi ! Je vais de ce pas lire la suite dans Alibis !
Je l'ai depuis hier. Elle s'est même promenée en bagnole.
Bravo pour cette publication.
@Ariane : Je dois dire que j'en suis très fière. :) Elle est très orientale, tant dans son sujet que dans sa facture. C'est pas une nouvelle à grande chute, mais elle a un certain style! :)
@Pat : Cool! :) Ma nouvelle se balade ;)
Je la suspecte d'avoir eu une discussion animée avec Hydro. Monsieur électricité a été tranché en deux.
@Pat : Noooon, mes nouvelles feraient pas ça ;)
Mishima? Ça sent l'hommage ;)
Sinon, pour l'extrait, juste ce qu'il faut pour mettre l'eau à la bouche. C'est parfait.
P.S.: vous avez la permission de m'appeler Pat 2 lorsque l'autre Pat est déjà intervenu dans la discussion!
@Pat-the-cat : (ça va encore mieux que Pat 2, non? ;) Disons juste que c'est le premier nom de famille japonais qui m'est venu à l'esprit. J'aime beaucoup sa sonorité et il ne fait pas trop alien dans un texte où les autres noms sont occidentaux. (Pas comme Ikutsuku ou autre)
Vous pouvez me surnommer pépé; j'ai vu une ride près de mon oeil droit ce matin en me regardant dans le miroir.
@Pat : Juste une? ;p
Peut-être plus, mais j'ai eu peur de me regarder trop longtemps.
Hé, si même les gars se mettent à capoter à cause de leurs rides, on en a pas fini du photoshop et du bistouri!!!
Allez, oublie le miroir ;)
D'accord. :)
J'ai ma copie, reste à la lire!
@Fred : Je l'ai pas lue non plus ;)
Moi je l'ai lu la journée que j'ai reçu Alibis! J'ai passé tout les autres pour commencer par ton texte! Bravo... c'est très réussi! Je referai des commentaires sur mon blogue comme pour les autres Alibis ;)
Encore une fois bravo! J'ai aimé!
J'avais déjà eu l'immense honneur de lire cette nouvelle, et même de te faire mes commentaires! (quoique, je dois dire qu'il n'y avait vraiment pas grand chose à y changer, dès le départ, c'était super!).
Encore une fois, j'ai adoré cette nouvelle! D'ailleurs, ce numéro d'Alibis est vraiment incroyable, je n'y ai trouvé aucune fausse note, les fictions sont toutes très réussies. La crème de la crème!
@Keven : Ah ben, merci, j'ai hâte de lire ça.
@Isa : Tes commentaires (et ceux des autres) m'ont été fort utiles! Ils ont permi de boucher des trous dans l'intrigue.
Cela dit, je suis d'accord avec toi : ce numéro d'Alibis, c'est du solide! J'essaie encore de me remettre du punch de la nouvelle de Sébastien Aubry!
J'ai lu Seppuku dans le voyage de retour hier et j'ai vraiment adoré. J'aime pas trop le policer d'habitude, mais ton texte m'a presque donné le goût dans lire plus. Je lirais un roman mettant en vedette ton héroïne n'importe quand. Même si c'est un policier.
... d'en lire plus ...
@Fred : Je suis pas sûre que Miuri ferait une bonne héroïne à long terme. Éducation japonaise oblige, elle a de la glace dans les veines cette fille!
Cela dit, les personnages secondaires de cette nouvelle ont déjà fait des apparitions dans d'autres textes (écrits, mais dans la pile du "à retravailler"). Alors peut-être qu'éventuellement ça pourrait donner une série de nouvelles... Surtout que j'ai un personnage qui permet un lien entre les histoires policières classiques et mes chers arts martiaux mixtes...
Enfin, qui vivra verra! :) Contente que tu aies aimé :)
Salut Gen, J'ai eu le plaisir de te rencontrer a Toulouse le W.E. passé. Je me suis empressé de lire ta nouvelle en rentrant. J'ai adoré. J'ai été ému par le final qui est d'une tristesse et pourtant d'une telle réalité. Merci pour la gentillesse et la joie de vivre dont tu est animé contrairement a Miuri. Au plaisir de te croisé lors de mon futur voyage au Quebec.
@Jean-Batiste : Merci beaucoup d'avoir pris le temps de m'écrire! :) Toulouse fut une expérience géniale, que j'espère renouveler un jour! :)
En effet, je suis assez différente de Miuri (poussons tous un soupir collectif ici! ;)
Enregistrer un commentaire