Ce Solaris s'annonçait composé presqu'exclusivement de nouvelles. J'en salivais avant même de l'ouvrir. En plus, c'est mon numéro le plus dédicacé : pas une, mais bien deux signatures (Luc et P-A), glanées au Salon du Livre de Montréal :) Un jour, il va valoir cher, je vous le dis moi! ;)
Surtout que le contenu n'est pas piqué des vers. Il compte :
La vie des douze Jésus de Luc Dagenais, nouvelle gagnante du concours Solaris. Celle-là, en participante déçue du concours, je l'attendais avec le couteau "qu'est-ce qu'elle a de plus que la mienne cette histoire?" bien serré entre les dents. Je me suis avouée humblement vaincue au bout de la troisième page, quand j'ai compris où l'histoire s'en allait, et j'ai dû cracher le couteau pour rigoler un bon coup! La nouvelle de Luc nous entraîne dans la visite d'un musée prenant pour objet une version moderne des saintes reliques médiévales. Si vous êtes de ceux qui ont déjà entendu dire qu'avec toutes les échardes de la sainte croix retrouvée au Moyen Âge on aurait pu construire une flotte de navire, vous allez bien apprécier votre visite. Surtout le crescendo mercantile de la finale. Seul bémol que j'ai trouvé à cette nouvelle : le format du texte nous empêche un peu de se faire une idée de la plume de Luc. Elle semble agréablement incisive et dépouillée, mais on en saura probablement plus dans un prochain texte! Bref, un prix Solaris bien mérité!
Comme Sasha de Gaël-Pierre Covell. Le style est plutôt lourd et verbieux, mais cela sied bien au sujet de la nouvelle, une espèce de Dumas ou de Druon à tendance lovecraftienne. On raconte l'action plus qu'on ne la vit, mais, là encore, cela va avec l'ambiance créée. La trame temporelle éclatée insuffle un rythme qui évite de tomber dans la froideur du pastiche d'époque. Au final, malgré ces quelques réserves, j'ai beaucoup aimé l'univers parallèle et l'histoire imaginée par l'auteur. J'en reprendrais une autre du même tonneau à présent que je me suis habituée à sa plume.
Le masque du clown rouge de Tyler Keevil. Variation moderne et cubaine sur Le masque de la mort rouge de Poe. Le personnage principal, désabusé par son propre travail, porte un regard dénué de complaisance sur les relations humaines modernes, terriblement conditionnées par les rapports économiques. Il devient obsédé par un personnage symbolisant ces inégalités. C'est dépaysant, sombre, pas réjouissant pour deux sous. À vous dégoûter des vacances dans le Sud. Excellente nouvelle, quoi!
Cold storage de Raymond Dumoulin. Un guitariste de talent, porté vers le jazz, se fait engager dans un groupe de heavy metal à succès pour payer ses études. Le groupe se révèle formé d'être étranges qui finissent par s'en prendre à lui. C'est la nouvelle que j'ai le moins appréciée dans ce numéro. Quelques phrases m'ont agacée et je n'aime pas les histoires laissant autant de faits inexpliqués. La chute m'a tout de même fait sourire.
La visite du vendredi, L'appel de la pluie et De l'amour dans l'air de Claude Bolduc. La plume de Claude, dans toute sa splendeur et son efficacité! :) La première nouvelle explore cette angoisse qu'on a tous ressenti un jour ou l'autre en découvrant un bouton ou une rougeur suspecte sur notre peau. Disons qu'elle ne vous donne pas le goût de passer la nuit chez votre conquête d'une nuit! La seconde a dû être écrite cette été... ou pendant l'inondation du Lac St-Jean! C'est le récit d'une angoisse paranoïde, étrange. D'autant plus étrange pour moi qui trouve réconfortant le bruit d'une bonne averse et qui découvre un personnage que ça rend fou. La troisième nouvelle tourne autour d'un philtre d'amour et d'un homme miné par son obsession pour une femme. On se laisse prendre par la tristesse de cette tragédie moderne. (Quoique dès que le philtre entre en jeu, on se doute que ça va mal finir... Y'a-tu une histoire où ça marche ces potions-là?!?) Trois histoires, trois ambiances, trois bons moments de lecture! :D
Le patient de l'interne Freud de Philippe-Aubert Côté. J'ai a-do-ré cette histoire, qui raconte un cas de possession traité par un Freud encore tâtonnant dans ses méthodes. Philippe-Aubert nous dépeint admirablement un Paris et un Londres en pleine Révolution Industrielle, avec leurs inégalités sociales et leur ouverture à une science qui a encore un aspect tellement magique. L'auteur est professeur d'histoire des sciences et cela paraît dans cette nouvelle, qui a dû nécessiter une bonne recherche et qui a décidément fait vibrer mes cordes d'historienne! (D'autant que l'époque ne m'étant pas connue outre mesure, je n'ai pas eu matière à prendre mes petits pieds horriblement pointilleux dans les fleurs du tapis historique). Le texte exploite les théories freudiennes pour raconter une aventure mystérieuse à souhait, qui s'achève sur une chute en forme de savoureuse référence littéraire. Félicitation Dr Jekyll! ;)
Bref, un excellent numéro de Solaris. Si vous n'en avez jamais lu, c'est le bon moment de vous y mettre!
12 commentaires:
Hi hi hi! En fait, j'aurais pu dire que L'Appel de la pluie a été écrite à la fonte des neiges, puisque ma maison prend l'eau!
Mais non. L'idée de cette histoire m'est venue après la lecture de «La Tempête circulaire», où je me suis émerveillé de voir tout ce qu'on peut dire à propos de la pluie - du moins avec la plume d'un auteur incomparable et inclassable comme Gaston Compère. Celui-ci a fait partie de mes lectures fantastiques à l'adolescence. Mais surtout, j'ai eu la joie de le rencontrer en 1999 lors d'une rétrospective de la littérature fantastique, en Belgique. Nous avons entretenu une brève correspondance quelques années plus tard, lorsque je l'ai invité à participer à l'anthologie «Petites danses de Macabré». Il nous a quittés l'année dernière. C'est justement après son décès que j'ai commencé à en relire, par-ci par-là.
Le nom de cet auteur ne me dis rien (pause Google) et ses titres d'oeuvres non plus. Je note donc! (dans ma liste de trucs à lire qui ressemble à un annuaire... :p )
Superbe évocation du bruit de la pluie en tout cas :)
Plouc plouc.
Tu ne trouveras pas de livres de Gaston Compère d'après moi, mais tu trouveras Petites danses de Macabré, eh eh!
En vente au prochain Boréal peut-être? ;)
Je ne sais pas trop, mais c'est en tout cas possible de le commander dans n'importe quelle librairie.
Ce n'est pas une antho fantastique, c'est une antho sur le thème de la mort, avec des écrivains de toutes tendances même si la nouvelle n'est pas nécessairement leur mode habituel d'expression. Il y a un petit descriptif dans la section «Livres» de mon site - avec une mise en page assez atroce, je dois dire.
Merci, je jette un coup d'oeil de ce pas. :) Par contre, c'est sûr que l'achat ne sera pas pour tout de suite. Mes lunettes, mon manteau et mes bottes viennent de me lâcher juste avant Noël, alors ça plus les cadeaux, mettons que je suis dans le rouge solide...
Je n'ai pas enore fini de lire ce numéro de Solaris, mais la nouvelle de Philippe-Aubert est pour l'instant celle que je préfère dans ce numéro, bien d'accord avec toi, meme si la Vie des Douze Jesus a fait vibrer plusieurs choses chez moi :).
Je n'ai pas encore lu les nouvelles de Claude cela dit, mais vais m'y mettre.
Woot!
Ma première critique "officielle" (à ce que je sache du moins); merci pour les bons mots!
8-)))
Ben de rien, mon cher! ;)
Merci pour les bons mots, Geneviève.
(Hum... qui de moi ou de mon double a écrit ce commentaire? Mouhahahahahahaha!!!)
:-)
lol! ;)
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