Faut se rendre à l'évidence : mathématiquement, la conciliation travail-famille, ça marche pas.
Anciennement, Madame passait son temps à s'occuper de la maison. Repas, courses, lavage, ménage, éducation et soins aux enfants. Monsieur travaillait, puis rentrait se reposer. Chacun travaillait à temps plein, quoi.
La modernisation a changé certaines données de la situation : les familles se sont mises à être moins nombreuses, les électro-ménagers ont rendu courses, lavage, ménage et repas moins prenants. Les femmes n'étaient plus nécessairement occupées à temps plein par la maison. Elles ont voulu travailler à l'extérieur du foyer.
Après un peu de résistance, le marché du travail les a finalement accueillies. Mais à ses conditions. À temps plein. Le gouvernement s'est frotté les mains. Plus de travailleurs, ça voulait dire plus d'impôts. Tout le monde était content.
Les familles où il n'y avait plus personne à la maison se sont mises à déléguer : gardienne pour les enfants, femmes de ménage, traiteur. On pouvait se le permettre, avec deux salaires.
Mais voilà, quand une majorité de famille s'est mise à gagner deux salaires, les prix ont commencé à monter. Le deuxième salaire est devenu une nécessité pour arriver. Il fallait conserver la gardienne pour les enfants, mais la femme de ménage a pris le bord et on a remplacé le traiteur par le prêt-à-manger-moins-cher-trop-salé-plein-d'additifs. On a réalisé que ménage, courses et lavage se faisaient pas tout seul.
Madame travaillant à temps plein elle aussi désormais, elle a demandé à Monsieur de faire sa part. Ils se sont donc mis à se partager la job qui occupait anciennement Madame à temps presque plein. À faire trois boulots à deux, quoi.
Pendant ce temps-là, la gardienne a commencé à manquer d'argent à garder juste un ou deux enfants. Faut dire que la gardienne n'est plus une amie, une parente ou une mamie qui rend service, mais une femme dont c'est l'emploi. Elle a donc regroupé les enfants dans un CPE. Et parce qu'elle aussi doit faire son souper, elle ferme à 17h maintenant. 18h00 contre supplément.
Épuisés, fatigués de courir pour aller porter les enfants au CPE, pour aller les chercher, pour faire les courses, préparer les soupers, laver, frotter et éduquer, Madame et Monsieur se sont tournés vers le marché du travail et le gouvernement, pour demander un peu de mesures permettant de conjuguer travail et famille.
Marché du travail et Gouvernement leur ont répondu en leur permettant obligeamment de déplacer un peu leurs heures de boulot, histoire de pas manquer la fermeture du CPE. Et de prendre un congé de maternité plus long.
Mais le problème n'est pas réglé. Monsieur et Madame (dès son retour au boulot) essaient toujours de faire rentrer dans deux horaires le travail de trois personnes. Et on continue à répéter que c'est parce que les gars ne participent pas également à ce partage des tâches que c'est si difficile d'avoir une famille. Qu'ils laissent encore toute la planification reposer sur les épaules des femmes...
Ben moi je dis que c'est pas la faute des gars. Certains en font peut-être pas autant que leur douce moitié, mais je suis sûre que si vous demandiez à n'importe quelle femme si elle voudrait en faire moins, elle vous dirait oui. Que la moitié de ce qu'elle fait déjà, ce serait déjà trop. Qu'elle aimerait bien avoir une soirée sans tâches ménagères de temps en temps. Dans ces circonstances-là, peut-on en vouloir aux gars qui ne se portent pas volontaires pour faire plus de travail? La quantité de boulot à partager est anormale! La majorité des familles parviennent à s'en sortir quand même et je les admire. Mais ils y parviennent stressés, fatigués, épuisés.
C'est pas ça que j'appelle de la conciliation moi.
Le travail des femmes, ai-je lu récemment, ça permet leur indépendance et leur sortie de la pauvreté. En théorie oui, sans doute. Le fait de pouvoir travailler a cet effet. Pas le fait de devoir travailler. Parce que tant qu'à moi, le travail à temps plein des deux parents, ça s'apparente le plus souvent à une condamnation aux travaux forcés pour toute la famille.
18 commentaires:
Là, je craque. Gen, me prêterais-tu ton épaule pour pleurer? C'est ça, c'est exactement ça que je vis! Mon seul moyen pour arriver à tout concilier, c'est de couper. Couper sur le ménage, sur les visites à la famille, sur les activités des enfants. On glane du temps partout où on peut, mais on court quand même. J'ai quand même trouvé une soupape, qui me permet de tenir : j'ai déniché un emploi qui me permet de travailler uniquement 4 jours par semaine. Donc, mes lundis me servent à rattraper le temps perdu. Perdu? Je ne le perds pas, mon temps, il me semble! Non, ce n'est pas tous les jours facile, mais comme tu dis, a-t-on vraiment le choix? J'aime ma maison et mon train de vie. La simplicité volontaire, très peu pour moi. Rester entre quatre murs? Dépression assurée. Alors je m'accroche, je cours, je stresse. Vivement la retraite... ;)
Pleure tant que tu veux : je braille déjà, alors on fera ça à deux.
J'ai vu ma mère adopter ce train de vie. Je vois mes collègues tenter de le maintenir. Et j'ai peur. Je ne me vois pas faire ça. La conciliation boulot-ménage m'épuise déjà parfois, même si mon chum est un ange qui fait sa part tout naturellement, et je n'ai pas d'enfant.
Quelle vie est-ce que je leur offrirais?
Isa et Gen: votre problème, c'est qu'en plus, vous voulez écrire!!! Ç'est bien plus ça qui vous frustre: ne pas avoir le temps de faire ce que vous aimeriez faire: écrire.
Notre grande frustration vient de ce qu'on veut tout. Et ça n'arrête pas à la retraite, croyez-moi.
@ClaudeL : Ça, on en parle même pas. L'idée c'est que si on a déjà pas le temps de s'occuper comme il faut du quotidien bébête (boulot + tâches ménagères), on peut oublier l'écriture.
Et non, je veux pas tout : je laisserais tomber mon boulot sans regret si c'était financièrement possible.
C'est vraiment ça le problème: si c'était financièrement possible. Je ne pense pas que ce soit possible d'arriver pour un jeune couple avec un seul salaire. :(
J'ai l'impression que la "conciliation travail-famille" c'est un beau mythe sociétal, comme l'a été la "société des loisirs" avant elle (ou même, dans un contexte plus restreint, le "bureau sans papier"): on en parle, on en rêve, c'est illusoire, ça le demeure, et une fois que plus personne n'y croit, on passe à un autre mirage... 8-S
@Vince : Bah, continuons de rêver mon ange, ça, ça coûte rien.
@Luc : Bienvenu dans le club des pessimistes ;) T'as oublié les accommodements raisonnables dans tes mythes modernes! :p
C'est un cercle vicieux. On s'en sort pas. Et la génératio qui suit, ca va être pire car le cout de la vie sera plus grand, l'accès À la proprité :un privilège,les emplois encore plus précaires. Je vois l'avenit sombre mais je garde espoir. Notre société devra faire des choix un jour ou l'autre.
Des fois, j'aurais le gôut de décrocher et de m'enfermer dans ma cabane de bois rond, avec mon poêle à bois, ma canne à pêche pis ma guitare en chanter du Paul Piché en mangeant ma sandwich au Baloné ! ..Bien sûr qu'avec ca j'aurais rescapé ma TV 50 pouces, mon antenne sattelite, mon accès Internet et mon laptop ;) Ouias...on s'en sort pas hein....
En passant, ça se peut un jeune couple qui vit avec un seul salaire, qui a deux enfants -dont un qui en vaut quatre ;)- et qui n'en est pas mort... En plus, mon chum travaille sur les toitures, alors l'hiver, c'est le chômage quand la température fait des siennes, même chose pendant la belle saison quand il pleut. Je ne suis pas endettée jusqu'au cou (ma maison est payée depuis deux ans et c'est pas un taudis) et je ne crève pas de faim. Par contre, faut accepter de faire des sacrifices pendant une bonne période (12 ans dans mon cas). On a rénové petit à petit au lieu d'acheter neuf et on a tout fait sans engager personne, on a jamais eu de véhicule neuf non plus, mais on ne roule pas en brouette pour autant ;) J'ai cuisiné une fois pis une autre, j'ai un jardin de 30'x50' et je fais des conserves, on chauffe avec du bois que l'on coupe nous-même etc... J'en vois déjà sourciller :) mais croyez-moi, j'étais, et je suis toujours, très heureuse, même s'il y a eu des bouts plus difficiles. Et j'ai jamais eu le temps de penser à être dépressive entre quatre murs, j'étais bien trop occupée pour ça! :) Je pense personnellement, sans vouloir vexer personne, que ma génération aimerait tout avoir tout de suite sans avoir à faire de concesssion... Sans rancune!
@Elisabeth : Je comprends ton point de vue, mais il y a une grosse différence entre nous deux : six années. Dans le milieu de l'immobilier, ça a fait une énorme différence. C'est sûr qu'on pourrait vivre en région, où les maisons sont moins chères. Mais dans notre cas, avec la job de mon chum, c'est impensable. On habite déjà à la distance limite permettant un transport en commun facile (et nous évitant de subir de plein fouet les hausses de l'essence, le prix du parking montréalais... et la mauvaise conscience écologique).
À part ça, notre maison n'était pas neuve à l'achat, on la rénove nous-mêmes, on use notre linge à la corde, on n'achète pas de produits alimentaires transformés, je cuisine, on a enduré un appartement pourri pendant 7 ans pour économiser, on a un réseau d'amis avec lequel on échange films et livres pour éviter d'en acheter, notre loisir principal (se taper dessus) ne nous coûte pas un sous... Notre seul luxe s'appelle Internet.
Je ne peux même pas dire que je trouve ce train de vie difficile. Je ne me sens pas privée, juste raisonnable. Sauf que même ce niveau là serait impossible avec un seul salaire. À deux, c'est déjà juste. Et là on parlera par de mettre de l'argent dans un REER...
@Pierre : Ouais, un cercle vicieux. Quoique personnellement, je me contenterais du laptop et d'Internet. ;)
Je te concède volontiers que je ne vis pas à Montréal, ni même en banlieue de... et que la valeur des maisons s'est moins emballée. Par contre, si le prix des habitations a monté, celui des taux d'intérêts a pris toute une débarque. Je paie 1.95% pour mon véhicule (que j'ai mis sur l'hypothèque parce que le taux était plus avantageux) alors que c'était entre 6 et 7% quand nous avons acheté il y a 11 ans. Et c'était 15% en 1981. Tout est relatif...
Je ne voulais surtout pas t'accuser de ne pas faire d'efforts pour vivre «simplement», je me doutais déjà que vous faisiez votre «possible». Je tenais toutefois à dire que c'est possible de vivre ainsi pour certains, même si le salaire n'est pas faramineux, au cas où y'aurait des gens désireux de l'essayer. Tout dépend du contexte, bien sûr...
Bref, je vous souhaite de pouvoir un jour avoir la possibilité de vivre avec un seul salaire, surtout si vous voulez des enfants ;) Comme Pierre, je ne perds pas espoir, même si l'horizon est sombre. En espérant que je ne t'ai pas donné envie d'exercer ton loisir principal sur moi... :)
@Elisabeth : lol! Non, t'en fais pas. Je sais pas si ça transparaissait dans mon commentaire, mais je suis plus découragée qu'agressive sur ces questions-là.
Tous ceux que je connais qui réussissent à vivre avec un seul salaire ont quelques années de plus que nous et ont acheté leur maison avant que les prix ne s'emballent (ou sont encore en loyer, un choix que là j'admets que je n'étais pas prête à faire). Nous, on a acheté au pire moment : les prix avaient monté et les taux n'avaient pas encore descendus. Résultat : c'est vraiment l'hypothèque qui pose problème. À moins que mon chum ait une augmentation faramineuse, je ne vois pas le jour où on arrivera à la payer sur un seul salaire.
Faut dire aussi qu'on a étudié assez longtemps tous les deux, ce qui a diminué nos économies (même si on a évité les dettes d'études)... Que veux-tu, on est le fruit de parents qui prétendaient qu'étudier longtemps était le gage de bons salaires... Yeah right! Mon plombier va dans le sud deux fois par an et roule en Audi.
Pas besoin de me dire ça à moi;) mon chum travaille en construction et a un taux horaire que 90% des bacheliers et bachelières (ou plus haut niveau) que je connais n'auront probablement jamais. Tout ça sans compter les avantages sociaux comme le régime d'assurance maladie qui est le meilleur au Québec (il paie 100% des médiacaments!!!!!!!!) et le régime de retraite (également le meilleur au Québec, il paraît). Vive les études et les auteurs qui gagnent 10%... :(
Je crois que je vais retourner broyer du noir là... ou convaincre mon chum de devenir électricien...
Oyez, oyez! Broyeurs de noir, la lumière est au bout du tunnel! Peut-être...
Je pense moi que la technologie nous sauvera (on peut pas se refaire, hein?). Comment? Et bien en commençant par le télétravail!
Ca ne marcherait pas pour les travaux exclusivement manuels (construction, plomberie,...), mais comme vous le dites, ce ne sont pas eux qui sont le plus à plaindre. Par contre, le travail de bureau, celui-là j'aimerais qu'on m'explique pourquoi on ne peut pas le faire à la maison??
Ca fait 7 ans maintenant que je télé-travaille. Je code depuis chez moi, ou depuis le café du coin. J'ai des réunions avec l'Inde 3 nuits par semaine, suis en contact quasi permanent avec mes chefs en Californie grâce aux messageries instantanées et je développe sur une machine qui croupit dans un «Data Center» quelque part en banlieue de Toronto, machine que je téléguide à distance, on a des outils pour partager des présentations par Internet… En gros, on n’a vraiment jamais besoin d’être absolument dans la même pièce.
Si moi je peux le faire, tout le monde le peut.
On peut donc travailler (et même de plus longues heures que les horaires de bureau, du coup) ET s'occuper des enfants à la sortie de l'école ET pas devenir dingue dans les transports ET sauver la planète (plus de transport) ET habiter plus loin et donc se permettre une maison ET avoir un peu de verdure autour de soi ET déjeuner tranquillement avec sa moitié les midis ET…
«Oui mais c’est mon employeur qui veut pas»… Avez-vous demandé ? Non ? Faites-le ! Une société a des employés, après tout cela profiterait à tout le monde. C’est aux employés de mettre la pression sur la direction. Du coup, la compagnie peut économiser pas mal de $$ en locaux, etc…
Voilà, voilà, abracadabra, c’est résolu…
Heu, Alex, tant qu'à moi, ça ne résoud rien du tout. Et même, l'imbrication vie professionnelle/ vie personnelle à ce niveau là, pour moi ça confine au cauchemar.
De un, tu l'as dit toi-même : les heures peuvent même être plus longues que d'ordinaire. Et elles le seront. Et tu pourras la chercher la compensation financière. Parce que, après tout, ton patron ne pourra pas contrôler tes heures de travail, alors pourquoi devrait-il te payer à l'heure en se basant sur ta parole?
De deux, tu en décroches quand de ton boulot?
Le télétravail de 9 à 5, pour sauver le temps de transport et pouvoir dîner avec les enfants : merveilleux. Le télétravail à toute heure du jour où de la nuit, au besoin de l'employeur : ça va pas, non?
C'est sûr que si tu adores ton emploi et que tu es heureux de t'y consacrer même dans tes loisirs, c'est différent. Mais moi je travaille pour vivre, je ne vis pas pour travailler...
Et oui, mon employeur m'offrirait cette option. Je pourrais travailler de chez moi une journée par semaine. Il me serait cependant impossible de réclamer du temps supplémentaire cette journée là. Malgré ça, j'y penserai, peut-être, le jour où ils me fourniront l'ordinateur et paieront ma connection Internet. Parce qu'il est hors de question que je paie moi-même mes outils de travail (surtout que le réseau du bureau est le truc le plus infecté que j'aie jamais vu!!!)
Bin non: si je bosse la nuit, du coup je fais une pause le jour, c'est pas mal. Pis rien ne t'empêche de bosser que de 9 à 5 aussi. Pour pointer, le plus simple est d'envoyer un email quand tu commences et un autre quand tu finis le travail, l'email sera tamponné avec la date et l'heure par le serveur. Aucun employeur ne peut disputer ça... (sans compter qu'avec les messageries instantanées on voit tout de suite qui est connecté, et quand).
Et pour l'employeur c'est moins cher de payer une connexion internet chez toi plutôt qu'un loyer pour des bureaux au centre-ville...
Finalement, le seul truc, c'est qu'il faut un bureau chez toi. Quand tu es dans le bureau, c'est le travail, quand tu en sors, ça ne l'est plus...
Dans les conditions idéales que tu décris, je suis d'accord : ce serait idyllique. Mais par ici les employeurs sont pas prêts à offrir ça.
La meilleure que j'aie entendu : "Qui me dit que vous serez pas devant votre ordi à lire votre journal?". J'ai failli répondre : "Bof, anyway, même au bureau, y'en a qui bloguent, alors ça changerait quoi?" :p
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