mercredi 15 juin 2011

Trois coups l'annoncent - Extrait

Bon, puisque Pascale a lancé la campagne de pub (lol!) voici le début de la nouvelle qui m'a valu le Prix Alibis 2011. Pour l'écrire, je me suis inspirée de deux éléments : un changement législatif mineur, dont j'ai poussé les conséquences à l'extrême, et quelques lectures concernant les psychopathes, qui me sont tombées sous les yeux suite à l'affaire du colonel Russel Williams. Le croisement des deux a donné ce texte, définitivement le plus dur que j'aie écrit. Pour le lire en entier, faudra commander la revue
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Obscurité totale dans la chambre. Oppressante. C'est ainsi que Sean aime dormir. Silence, hormis le bruit de ses pas qui s'approchent. Le matelas se creuse sous son poids. Rouler vers lui, tout naturellement, malgré mon esprit qui se rebelle. Poser ma tête contre son épaule, caresser ses cheveux. Ne pas tenter de repérer l'odeur du sang sur sa peau. Il s'est douché de toute façon. Jamais il ne viendrait au lit avec du sang sur les mains.

Garder un silence compréhensif. Contrôler mes angoisses, mon envie de fuir. De le fuir. Lui et le récit horrible qui va bientôt lui monter aux lèvres et déborder, m'éclabousser, comme la toux sanglante d'un cancéreux. Me raccrocher à cette image. Le cancéreux n'est pas contagieux. Les histoires de Sean ne le sont pas non plus. Pas pour moi. Elles se contaminent les unes les autres, s'encouragent, mais ne m'affectent pas. Le croire est vital.

- C'était une femme ce soir, Marie.

Passer de ses cheveux à son front. Effacer ses rides du bout des doigts. Lui donner la réponse qu'il attend. Poser la question dont je ne désire pourtant pas la réponse.

- Encore ? Ça a été difficile ?

 - C’était une Iranienne. Il a fallu plus que des menaces et des coups frappés contre la porte pour la faire parler.

Ne pas réfléchir à ce que cela implique. Ce n'est pas à ce sujet qu'il me faut plus de détails.

- Une Iranienne ?

- Oui. Jolie une fois son voile arraché. Mince, fragile, mais coriace. La frapper ne donnait rien. Mais quand je l'ai pliée en deux sur la table et que Mark et Tom sont entrés, elle a brisé. Je crois qu'elle se sentait encore plus nue qu'une femme ordinaire.

Tenter d'enregistrer sans imaginer la scène que les mots suggèrent. J'y arrivais avant. Sauf que ça devient de plus en plus dur. Sean se sent en confiance. Il détaille davantage. Il explicite. Il change. On m'avait avertie que cela finirait par arriver.

8 commentaires:

Philippe-Aubert Côté a dit…

Ah Ah, c'est bien comme début :-) On veut avoir la suite :-)

S'il y a un Sean au début, verra-t-on un Bean à la fin?

Gen a dit…

@Phil : Heu... pas vraiment l'ambiance je dirais! ;)

Luc Dagenais a dit…

Epic Drool! Et dire qu'avec les problèmes avec Postes Canada je risque de ne recevoir mon exemplaire qu'en novembre... 8-S

Gen a dit…

@Luc : Si ils têtent trop longtemps, on va tous passer à la version électronique finalement!

Une femme libre a dit…

Mais c'est affreux cet extrait. Le contenu, pas l'écriture, plus vraie que vraie. Horrible. Mais quand même, ça donne envie de connaître le contexte et ce que fait cette femme qui caresse les cheveux de cet homme violent. Un psychopathe? Une espionne?

Gen a dit…

@Femme libre : Affreux, en effet. Je ne savais pas que j’avais ce genre de texte en moi. Mais oui, il y plane bien des mystères! ;)

Pierre H.Charron a dit…

J'adore ces séquences de phrases très courtes. Ca donne un rythme qui me plait beaucoup.
La course au Alibis est lancé!

Gen a dit…

@Pierre : Je me suis inspirée du style de mon texte écrit pour l'Ermite en 2010 (Sang, cendres, poussière). Ça donne effectivement beaucoup de rythme au texte. On m'a dit que c'était presque insupportable par moment plus loin dans le récit.

J'adore me faire dire des choses pareilles! :p