mercredi 9 février 2011

Brins d'éternité - #28

La couverture de Martin Pelletier est à souligner. Je sais qu'on y perd un peu les noms des auteurs, mais le dessin lui-même est de toute beauté. Je sais pas pour vous, mais je n'ai pas pu m'empêcher d'imaginer un monde où on risquait de croiser une bête semblable... Et voilà, j'étais partie dans les mondes de la fiction pure avant même d'ouvrir le numéro! Pas mal quand même! ;)

Ensuite, je me suis mise à lire...

Le vieil homme et la Lune de Valérie Larouche constitutait une belle entrée en matière. Un vieil homme y raconte à ses petits enfants des histoires de la Lune. La technique d'écriture bien maîtrisée, mais le récit semble un peu confus, jusqu'à ce qu'on comprenne avec la finale que la confusion était volontaire.

Confidences de Pat Isabelle donne pour sa part la parole à un robot industriel qui a développé une certaine méfiance envers... je n'en dis pas plus. Il aurait fallu un peu plus de contexte pour bien apprécier la finale je crois, mais c'est quand même très intéressant.

Premier Acte de Jean-Pierre Laigle ne m'a pas fait une grande impression. Bien écrit, mais les théories du complot me laissent déjà froide d'habitude, alors quand on les souffle aux stéroïdes fantastiques ou science-fantastique, je décroche tout à fait. Heureusement, c'était court.

Home, sweet home de Claude Bolduc est un pur délice :  un choc culturel sauce SF raconté avec la fluidité habituelle de l'auteur. Et, tiens donc, après avoir lu Entre les bras des amants réunis du même auteur, on dirait qu'une thématique se dégage. Claude aurait-il récemment découvert les joies d'être propriétaire?

L'âme soeur de Martin Lessard décrit les effets d'un artefact d'origine extra-terrestre sur le comportement humain. Le tout me plaisait bien, jusqu'à la finale où il flotte des relents de sexisme qui m'ont franchement dérangée. Quand un auteur met dans la bouche d'une entité omnisciente que l'intellect des femmes est plus modéré que celui des hommes, ça peut être juste pour servir son histoire... mais la lectrice risque de se poser des questions, surtout si ça conclut le récit. Bref, impression finale de SF très gender-oriented typique des années 70-80.

La troisième dimension de Romain Lucazeau m'a ensuite remise de bonne humeur. Imaginez une variation sur Les fourmis de Bernard Werber croisées avec un Michael Crichton. Une belle trouvaille, bien racontée, avec une fin qui nous laisse nous inquiéter un peu pour les personnages. Bravo! :)

Seidhr de Marie-Claude Bourjon a le mérite d'être court. Pour le reste, ayant été formée à l'école de "une pensée claire s'exprime clairement", je n'arrive pas à apprécier les récits aussi oniriques/poétiques. J'ai juste envie d'agripper l'auteur et de le secouer en lui hurlant "KOSSÉ QUE TU RACONTES EXACTEMENT?!?". Bref, pas mon truc. Point positif : c'est court!

Mécanique de ta disparition de Thomas Geha est bien écrit, bien construit, relativement original dans son propos... mais froid. On ne croit pas du tout au procédé voulant que cette histoire est une lettre écrite à son amoureuse disparue. Je suppose qu'il y a toute une dimension symbolique à voir là-dedans, avec la femme qui disparaît dans une rue laissée à l'abandon, mais je n'ai pas particulièrement envie de la chercher. En bref : bof.

Les fictions sont suivies de deux articles qui discutent de la SF. Je retiens du premier (de Lilia Kessens) que les écrivains Français de l'imaginaire commencent à s'intéresser à l'histoire plus qu'au style. Tant qu'à moi, y'était temps. Quand ils en seront rendus à penser au lecteur, je me mettrai sans doute à lire les Français avec plus de plaisir. Je retiens du deuxième qu'il y a des essayistes que je ne lirai jamais avec plaisir.

Au final, un excellent numéro que j'ai eu l'impression de lire extrêmement rapidement. Je crois qu'il faut en blâmer la qualité des textes! :)

(Lecture 2011 #9)

Pssst! Y'a une partie de la gang des artisans de Brins d'Éternité qui seront à la soirée des Six Brumes ce soir. J'y serai aussi (avec Vincent! événement rarissime puisqu'il est pantouflard comme pas un!). C'est un rendez-vous! :)

14 commentaires:

Guillaume Voisine a dit…

Des textes comme Seidhr sont, à l'instar de certains écrivains Français, plus axés sur le style que sur l'histoire en tant que tel. (Ça ne veut pas dire qu'il n'y a PAS d'histoire).

Je trouve ça important que Brins d'éternité publie un certain nombre de ce genre de nouvelle. Le lecteur de l'imaginaire moyen est habitué à ce que l'écriture s'efface complètement au profit de l'histoire. Ce n'est pas mauvais en tant que tel, mais une consécration soutenue et non contestée de cette approche littéraire m'apparaît perverse. Je veux dire, tant qu'à être, autant regarder des films hollywoodiens...

Cela dit, je suis d'accord avec toi sur un point: ces nouvelles doivent être courtes pour fonctionner. Je n'arrive pas à concevoir un vingt pages si denses en revue...

Gen a dit…

@Guillaume : Je trouve ça bien moi aussi qu'on fasse une place à ce genre de texte (tant qu'ils restent courts! lol!). Je vais ptêt finir par arriver à les apprécier! hihihihi Mais disons qu'entre l'écriture qui s'efface et l'écriture omniprésente, je vote pour un juste milieu! ;)

Hugo a dit…

Geneviève, je partage ton avis sur les textes trop intenses stylistiquement mais qui ne semblent pas raconter d'histoire - pas ma tasse de thé non plus, même si Guillaume a raison d'en publier quand même - il en faut pour tous.
Le juste milieu que tu évoques ressemble à du Sernine, où l'histoire et le style forment de la grande SF. Il est rare de trouver ce genre de fiction chez des débutants, évidemment, les uns préférant l'histoire, les autres, les mots.

Gen a dit…

@Hugo : Pas sûre que je suis d'accord avec la remarque au sujet des débutants : Sernine écrivait comme ça pas mal à ses débuts (si je ne m'abuse, pour ses premiers textes chez Solaris, il n'avait pas 30 ans, idem pour Joël). Y'a Ariane aussi chez la relève actuelle qui a une superbe plume, présente sans tomber dans l'excès.

Je pense que c'est une question de choix personnel, pas vraiment de métier. En plus, l'appréciation est souvent dans l'oeil du lecteur. Pour moi, une parenthèse dans un texte, c'est tout de suite une écriture qui "s'impose", alors que pour d'autre c'est de la ponctuation.

Anonyme a dit…

Bonjour,

Juste un petit mot pour vous dire que mon texte n'est pas du tout une lettre d'un homme à sa femme disparue, je ne vois pas ce qui vous fait penser ça... l'homme s'adresse juste directement à elle dans la narration.

J'ai commencé le numéro et ai bien aimé aussi la nouvelle de Romain Lucazeau... je lis les autres bientôt, et tenterai de faire un compte-rendu... en tout cas, très jolie revue, je pense que je vais m'abonner.

claude b. a dit…

Eh eh! Gen, c'est soit une maladie soit une obsession morbide, mais j'ai toujours eu tendance à pondre des histoires de maison par-ci, par-là. Sur tous les tons, de toutes les longueurs. Ça me titille, ça me gratouille, ça me chicote. N'ayons pas peur des mots: ça me hante!

D'accord avec Guillaume: une revue gagne à présenter un large éventail de styles - du moment que l'histoire correspond à sa politique éditoriale. Quand les textes sont réussis, ça ajoute à la richesse du contenu.

Isabelle Lauzon a dit…

Ah ben là! Va falloir que je le lise, je n'ai plus le choix! :D

Gen a dit…

@Gehathomas : Ce qui me fait penser ça... Heu, le fait qu'il s'adresse directement à elle? D'accord, je rephrase : cette lectrice-ci n'a pas cru au fait qu'il s'adressait à elle. Disons que l'artifice narratif m'a agacée. Mais bon, c'est juste moi.

@Claude b : Intéressant ça. Faudrait voir ce que docteur Freud en ferait de ton obsession! hihihihi ;) Pour les contenus diversifiés : je suis tout à fait pour. Et je me plains pas que le texte ait été là : il avait sa place. J'ai juste pas ce qu'il faut pour l'apprécier je pense! lol! Trop directe et impatiente ;)

@Isa : Ben quin qu'il faut que tu le lises!

Hugo a dit…

@Gen
J'avais écrit: "Il est rare de trouver ce genre de fiction chez des débutants". Rare ne signifie pas impossible.
D'ailleurs, tu soulignes avec raison le cas d'Ariane, mais elle demeure une rareté parmi la relève, en ce qui concerne la juste balance entre histoire et style.
Tiens, puisqu'on est sur ce sujet dérivé; on retrouvait/retrouve dans Solaris des textes essentiellement de cette nature ou carrément plus orientés histoire, alors qu'imagine... publiait plus de textes "exploratoires" qui ne racontaient pas nécessairement une histoire.

Gen a dit…

@Hugo : lol! ;) Sachant qu'une seule des deux revues a survécu, je ne m'étonne pas! :p (en fait, ça me rassure un peu : je ne dois pas être la seule à avoir du mal avec les textes peu orientés vers l'histoire!)

Ariane Gélinas a dit…

Merci pour ces bons mots à propos de l'"équilibre" de mon écriture ! Je pense d'ailleurs que cette "juste balance", pour reprendre les termes de Hugues, résulte de longues années d'écriture. Au départ, j'avais par exemple tendance à écrire de la prose poétique, un peu comme « Seidhr », notamment. L'ennui, c'est que je ne le faisais pas par choix, mais parce que mes "talents narratifs" étaient plus restreints. À présent, je pense pouvoir choisir le "style" qui convient à différents projets, selon l'effet visé. Certains de mes écrits seront donc plus "poétiques" que d'autres, et vice-versa (tandis que d’autres seront plus équilibrés). L'important, à mon avis, comme auteur, est de disposer du plus vaste éventail possible. Et, dans le même ordre d’idées, je suis tout à fait d'accord qu'une revue gagne à présenter un éventail de styles large et diversifié.

Gen a dit…

@Ariane : Mais de rien pour les bons mots : ils sont tout à fait sincères! :) Je suis d'accord avec toi : en tant qu'auteur, mieux vaut être capable d'adapter notre style au projet. Pour ma part, je dois faire le travail inverse du tien : je pense que je n'ai pas trop de mal à raconter, mais là il faut que j'apprenne à le faire avec un peu plus de panache! ;)

Ariane Gélinas a dit…

Je ne m'inquiète pas pour toi, Geneviève, tu as déjà un style assez personnel, et je ne doute pas que tu le peaufineras à travers les années (et ce, avec de plus en plus de panache ;) ) !

Pat Isabelle a dit…

Merci pour le commentaire.