vendredi 9 février 2018

C'était pas ton meilleur

Dans la dernière année, il est arrivé deux fois qu'on me dise au sujet de deux textes distincts "C'était bon, mais c'était pas ton meilleur."

Chaque fois, ça m'a foutu un coup au moral. Et ça a, bien évidemment, enclenché une série de remises en question. Est-ce que je ressentais désormais de la pression pour écrire et cela amoindrissait le résultat? Avais-je (déjà!?!) fait le tour de mes thèmes et commençais à me répéter? Est-ce que j'écrivais désormais trop pour mes capacités?

J'avais pourtant l'impression d'avoir donné le meilleur de moi-même dans chacun de ces textes, comme je le fais depuis des années. Et puis je n'avais pas ressenti de pression en les écrivant. Au contraire, même si l'écriture est désormais mon seul métier, il me semble que les journées de création pure sont toujours aussi rare... et donc toujours aussi magiques et plaisantes! Coudonc, est-ce que j'avais juste mystérieusement perdu le peu de talent dont le sort m'avait dotée?

Alors que je me désespérais toute seule dans mon coin, d'autres personnes m'ont donné leur opinion sur ces mêmes textes : elles avaient adoré et jugeaient que c'était clairement parmi ce que j'avais écrit de mieux.

Vous pouvez pas savoir (en fait, non, vous devez vous en douter!) à quel point j'ai été soulagée d'entendre ça. Ouf! Je n'étais pas bonne pour la retraite, j'étais encore capable de plaire à des lecteurs!

Puis j'ai réfléchi aux premières critiques, celles qui m'avaient tant remuée. "C'était bon" m'avait-on dit d'entrée de jeu, "mais c'était pas ton meilleur." Deux évidences m'ont soudain rattrapée. Un, on ne m'avait jamais dit que j'étais rendue nulle. Deux, peut-être que je me mettais trop de pression.

Vous voyez, depuis que j'ai commencé à écrire, je crois, naïvement sans doute, que je m'améliore avec chaque texte. En tout cas, que chaque histoire m'apprend quelque chose de nouveau sur l'écriture. Alors je m'imagine toujours que le dernier texte publié est mon meilleur (par opposition à mon texte tout juste achevé, mais non encore accepté pour publication, qui est sans contexte la pire mocheté du monde). Une chance que je sais que je suis pas la seule à penser de même! :p

Sauf qu'après dix ans de publications, peut-être que ce n'est plus tout à fait vrai. Je dois avouer qu'il y a des histoires qui semblent plus simples à raconter désormais. Des textes pour lesquels je n'ai pas l'impression de réinventer la roue, mais simplement de plonger dans mon coffre à outils littéraires afin de choisir ceux qui feront passer un bon moment à mes lecteurs.

C'est possible que ces textes-là, aux yeux de lecteurs habitués à ma plume, ben ils semblent "moyens", puisqu'ils sont effectivement dans la moyenne de ce que je fais. Peut-être qu'il faut que je commence à accepter que je ne serai pas toujours meilleure que tous mes textes précédents, même si j'ai l'impression qu'il me reste tellement à apprendre...

Ah pis non, ça ressemblerait trop à de la lâcheté. J'vais plutôt continuer à donner tout ce que je peux, renouveler mes efforts côté exploration et innovation... pis je prévoirai des mouchoirs pour les fois où le résultat sera quand même juste "moyen"! ;)

9 commentaires:

Alain a dit…

Dans mon expérience, certains lecteurs peuvent avoir un coup de cœur lorsqu'on écrit un texte qui vient particulièrement les chercher (que ce soit à cause du thème, du style ou du genre). Ces lecteurs peuvent par la suite ressentir de la déception lorsque nous livrons un texte très différent. Ils recherchaient une certaine expérience, ils ne la trouvent pas. Et ça c'est indépendant de la qualité du nouveau texte.

Moins sérieusement: aimerais-tu mieux qu'on te dise: "C'est ton meilleur, arrête d'écrire, tu feras jamais mieux"?

Gen a dit…

@Alain : Oui, je suis consciente de la question du coup de cœur. Sauf que j'ai ressenti l'envie de tout mettre sur le dos du coup de cœur et de me reposer un peu sur mes (rares) lauriers. D'où ce message où je m'auto-botte les fesses! :p

Ahahahahahahaha! J'accepterai ce commentaire après avoir reçu un Nobel! :p

Vincent a dit…

Haha! Penses-tu qu'on donne un Nobel à quelqu'un dans l'espoir qu'il arrête d'écrire?

Gen a dit…

@Vincent : Non, pour ça c'est les Goncourt j'pense... (Oh, chus méchante! Sans blague, y'en a d'excellent... pour pallier aux pénuries de somnifère... ok, j'arrête là! En toute honnêteté, j'en ai lu deux ou trois sans bailler).

Claude Lamarche a dit…

Quand j'étais étudiante, j'ai eu des bons résultats, d'autres fois moins bons, même si j'avais fait de mon mieux chaque fois, l'important était de passer.
J'ai le même but: passer c'est à dire être publiée. Après, qu'on me dise c'est meilleur que, c'est moins bon que... ça ne me touche plus vraiment, le livre ne m'appartient plus, je ne peux plus rien y faire.
Mais avant la publication, là, je suis comme toi, si on me dit: "c'est pas aussi bon que les précédents, ce n'est pas assez de qualité pour une publication", là, je déchante. Et si en plus, je coule la reprise... Je me pose les mêmes questions que toi.
Je ne sais pas pour toi,mais moi, je manque de personnes autour de moi qui me dise que c'est bon, ou mieux que si je faisais ceci ou cela. Un-e mentor, quoi. Un-e agent-e, un-e directeur-trice littéraire avant publication.

Claude Lamarche a dit…

oups "qui me disent!

Gen a dit…

@Claude : Je suis trop critique envers ce qui se publie pour me contenter d'écrire quelque chose de publiable. ... Alors quand on me refuse, c'est la catastrophe et la remise en question pour moi aussi! lolol! Puissance mille!

Par contre, j'ai de la chance : avec les années, je me suis entourée de bons lecteurs critiques (souvent écrivains eux aussi) capables de me guider (c'est à charge de revanche par contre, alors des fois ça veut dire que je dois lire leur 600 pages de manuscrit à mon tour!). Notamment mon chum, qui n'écrit pas, mais qui a assez aiguisé son œil de lecteur et son jargon technique pour désormais me dire des trucs comme "me semble qu'ici ton narrateur décroche du point de vue choisi".

Annie Bacon a dit…

Je pense qu'on avance un peu comme une action profitable en bourse: Sur le long terme, notre écriture s'améliore tout le temps, mais si on regarde de plus prêt, on voit que la courbe qui monte est en fait constituée de multiples petites montagnes et vallées.

Je pense très honnêtement que ça va me prendre 3-4 livres avant de réussir à remonter au niveau des chroniques publiées l'année dernière. Mais, comme dit Alain plus haut, si je pensais que c'est mon "meilleur à vie", je serais obligée d'arrêter!

Gen a dit…

@Annie : J'aime bien cette comparaison avec l'action boursière! :) Et pour ce qui est de remonter au niveau des Chroniques... ben disons que tu traînais cette idée depuis longtemps, non? Et elle était vraiment, mais vraiment forte! :D Mais oui, je suis sûre que tu vas en trouver une autre aussi forte bientôt, même si c'est pas immédiat. (L'action "Annie Bacon" a une bonne cote! ;)