vendredi 14 juillet 2017

Contrevenir aux attentes des lecteurs (2)

Je continue mes réflexions amorcées dans le billet de lundi.

Tous les lecteurs ont des attentes. Mais les écrivains, pour se renouveler, veulent parfois explorer des nouvelles avenues et contrecarrer ces attentes.

Dans quelle mesure est-ce qu'on peut se le permettre?

Surtout quand les attentes des lecteurs touchent à leur motivation première, c'est-à-dire leur envie de vivre une histoire.

Lire n'est pas un acte passif. En tout cas, pas autant que regarder la télévision. Quand il lit, le lecteur imagine les personnages, les ambiances et les lieux, il projette son vécu sur les personnages pour partager leurs émotions.

L'auteur peut garder un peu de flou sur certains éléments d'un récit, par exemple le passé des personnages ou des scènes traumatisantes, car le lecteur remplira de lui-même les "trous". Cependant, j'ai souvent entendu dire qu'il existait des scènes essentielles dans un roman, des moments clefs qui expliquent la psychologie d'un personnage et qui doivent, tôt ou tard, être montrés au lecteur, pour qu'il puisse les vivre. Je suis plutôt d'accord avec cette théorie.

Je crois qu'on peut difficilement contrevenir à l'envie qu'à le lecteur de vivre l'histoire. C'est pour ça qu'il lit après tout! Oui, on peut délibérément lui cacher une scène, la lui raconter par mille témoignages de seconde main et lui laisser résoudre le casse-tête, mais il ne faut pas, idéalement, que tous les moments clefs d'un roman lui soient racontés ainsi. Car les témoignages de seconde main ne sont jamais aussi clair que les événements eux-mêmes...

Ou alors c'est juste moi qui suis voyeuse et qui adore qu'on la mette au cœur de l'action?

Qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce qu'on peut contrevenir à cette attente des lecteurs? S'abstenir délibérément de leur présenter des moments marquants d'un récit? Pas juste en retarder la présentation, non, mais l'escamoter totalement?

Comme lecteur, êtes-vous frustrés lorsque ça arrive?

2 commentaires:

Daniel Blouin a dit…


En tant que lecteur, je crois que les expérimentations sont les bienvenus, quitte à utiliser un pseudonyme si nécessaire, parce qu'on aurait peur que les expérimentations déçoivent ou froissent des lecteurs. Cela me fait penser à Anne Rice qui écrivait sous un pseudonyme ses romans qui se voulaient plus osés (notemment "Belinda" que j'ai beaucoup aimé, mais je ne vous recommende pas la série "Les infortunes de la belle au bois dormant", qui lui a probablement tout de même permi d'extérioriser de manière thérapeutique certains de ses fantasmes intimes).
Sous un pseudonyme, peut-être parce qu'elle vivait aux États-Unis et qu'elle ne voulait pas que ses voisins viennent brûler sa maison alors qu'elle n'était pas encore une grande vedette internationale devenue intouchable.
Tiens ça m'amène a une question, est-ce qu'en écrivant sous un pseudonyme, les auteurs oseraient aller plus loin dans leurs expérimentations de style ou de contenu, sans souci du jugement possible de l'entourage (famille, amis, éditeurs, auteurs et lecteurs). A vos plumes chers "anonymes" en puissance, nous raffolons de votre créativité, débridé si possible !!!

Gen a dit…

@Daniel : Je parlais plutôt d'expérimentations qui touchent à la structure du récit, pas tellement à son propos...

Mais oui, c'est sûr, les pseudonymes peuvent être utiles pour se donner plus de liberté. (Quoique, au Québec, c'est pas comme si on risquait de froisser des milliers de lecteurs fidèles...) Les nouvelles sont également très pratiques à ce niveau : 1- elles sont moins diffusées et 2- c'est toujours plus facile de commencer par expérimenter sur 10 pages que sur 200!