lundi 10 juillet 2017

Contrevenir aux attentes des lecteurs (1)

Soyons honnêtes : les écrivains (moi y comprise) sont des êtres égoïstes qui écrivent parce qu'ils aiment ça. Et une chance qu'ils aiment ça, parce que c'est long (surtout pour moi), c'est dur (plus ou moins selon le sujet) et ça paie pas (sauf pour les deux ou trois que vous connaissez déjà).

Cela dit, même s'ils écrivent d'abord pour eux-mêmes, ils aiment bien avoir des lecteurs.

Toutefois, ces lecteurs ont des attentes. Certaines peuvent être contrecarrées sans problème (et même, les lecteurs en seront parfois heureux), mais d'autres doivent être respectées.

Sauf que... comment est-ce qu'on fait la différence?

Par exemple, je sais que plusieurs lecteurs ont besoin d'apprécier le personnage principal, soit en le trouvant sympathique, soit en vivant à travers lui une expérience cathartique (par exemple en aimant l'haïr, parce que c'est une franche fripouille).

Mais est-ce qu'on peut imaginer mettre en scène un personnage principal antipathique, qui laisserait les lecteurs froids? Ou alors un personnage au comportement erratique, incompréhensible?

Dans quelles circonstances est-ce que ça fonctionnerait?

Personnellement, j'ai l'impression que ce serait possible uniquement sur une courte durée, parce que, pour moi, le pont entre le récit et le lecteur, le point de contact qui permet la "magie" du récit, ce sont les émotions humaines partagées entre les personnages et le lecteur. Et donc, si le lecteur reste froid ou qu'il ne comprend tout simplement pas le personnage, la magie n'opérera pas.

Qu'est-ce que vous en pensez vous?

3 commentaires:

Nomadesse a dit…

Effectivement, il faut s'attacher à un personnage (il peut être secondaire toutefois, mais assez proche du principal). C'est d'ailleurs l'un des problèmes que j'identifie dans certaines séries/livres: le manque d'attache. Comme si je m'en foutais complètement de ce qui arrive à ces gens-là parce que je n'y crois tout simplement pas. Je ne les sens pas "humains". Et ici, "humain" est pris dans le sens très large: on peut s'attacher à une plante "humaine" ou à une bebitte... En autant qu'elle fait le lien avec nous, avec le lecteur. Quand ça manque je décroche. Mais c'est quand c'est là, je lis, même s'il y a parfois d'autres choses qui me stresse! ;)

Daniel Blouin a dit…


Je pense qu'il faut pouvoir aimer un ou plusieurs aspects des personnages. Personnellement, s'il y a juste des méchants, je décroche totalement. Si les personnages sont juste un peu fous,¸ça va, mais je n'ai pas de patience pour le sadisme exagéré.
Mais le sujet du jour ma fait penser à un livre que je lis présentement. J'adore le personnage qui nous raconte ce qu'il a vécu à une certaine époque de sa vie, et c'est donc presqque tout le temps lui qui est le narrateur. Mais de temps en temps il dit des choses comme : "Je ne le savais pas à ce moment là mais j'apprendrai plus tard ce n'était pas une bonne décision" ou dans le même genre : "cela s'avèrera catastrophoque par la suite".
Donc il nous vend des punchs, il nous dit à l'avance des choses que nous voudrions peut-être apprendre avec lui, de manière chronologique, avec les émotions du moment. Mais bon, c'est peut-être juste moi qui n'aime pas ça.
Donc, peut être que le "narrateur" est un personnage tout aussi important (qu'il fasse partie de l'action ou non) et qu'on doit l'aimer, le détester gentiment ou à tout le moins l'appécier lui (ou elle) aussi.

Anonyme a dit…

(Gen qui blogue en anonyme)

@Nomadesse : Oui, tout à fait : si on est pas touché, on risque de décrocher, parce qu'on s'en fout! Et "humain" doit être pris dans le sens large. Comme je disais, je crois que le point de contact, le pont, ce sont les émotions. Si ça c'est là et que ça sonne vrai, on pardonne beaucoup! (Malheureusement pour moi, en SF, l'un de mes genres préférés, l'élément humain est souvent négligé. Pas aussi souvent que la réputation du genre le laisse entendre, mais quand même fréquemment).

@Daniel Blouin : D'un point de vue de la technique d'écriture, le narrateur est effectivement traité comme un personnage à part, même lorsqu'il semble se confondre avec le personnage principal. Et le narrateur peut être plus ou moins bavard (vendre des punchs) et avec plus ou moins de personnalité. Mais c'est sûr que c'est un personnage central du récit : c'est le narrateur qui nous parle la plupart du temps. Alors oui, je crois que le lecteur doit l'apprécier, sinon il n'ira pas loin dans sa lecture!