lundi 27 février 2017

Qu'est-ce qui a changé?

Je ne sais pas si c'est mon hibernation post-bébé qui m'en a fait prendre conscience, mais il me semble que je remarque ces dernières années que quelque chose a changé dans les rapports hommes-femmes. Les premières fois que j'ai entendu le vocable "culture du viol" je l'ai trouvé un peu exagéré... comme beaucoup de femme ayant passé trente ans. Mais depuis, j'ai changé d'avis.

Je m'explique : je tiens ce blogue depuis presque dix ans maintenant. Comme mon adresse courriel est affichée et que les commentaires sont ouverts, je reçois donc une certaine quantité de spam, que je filtre par réflexe.

Mais je remarque dernièrement que, depuis trois ou quatre ans, parmi les messages de spam envoyés par des robots, il s'en glisse des moins automatisés (ou entk des automatisés en français!), des attaques personnelles de nature sexiste qui semblent être semées au hasard. J'vous épargne le détail, mais ça ressemble souvent à des "J'te f********." O.o Beurk!

De la même manière, je me suis toujours déplacée à pied, au centre-ville et près de chez moi. Pré-bébé, je peux compter sur les doigts d'une main le nombre de fois où je me suis fait siffler ou héler. Mais depuis deux ans, me semble que c'est rendu fréquent. Que des "heille, beau bébé!" me sont lancés d'un bord à l'autre d'une rue... alors que je me promène sans bébé ou poussette! Que des gars qui font du paysagement chez mes voisins ou réparent leur toiture me sifflent souvent tandis que je prends une marche avec ma fille.

Qu'est-ce qui se passe? Je ne suis pas soudain devenue plus sexy qu'à 25 ans (pas pantoute même!). Pourquoi est-ce que, brusquement, je reçois ce genre de message? Quand ils se produisent "en vrai" (plutôt qu'en virtuel), ils sont souvent issus de gars plus jeunes que moi (dans la jeune vingtaine). Est-ce que c'est le symptôme d'un changement de culture avec la jeune génération? Je trouve souvent que les vingtenaires sont plus "genrés" que les trentenaires, étonnament plus coincés sur les questions biologiques et sexuelles (j'ai notamment eu des collègues de cet âge qui étaient gênées de venir m'emprunter des serviettes sanitaires, alors que, dans ma génération, me semble qu'entre filles on se gêne pas). Est-ce que ça pourrait expliquer cette dérive, cette manière lourdaude d'aborder l'autre sexe? Si oui, va falloir réagir, parce que c'est inacceptable.

Je lis de plus en plus d'articles où des vedettes se plaignent du même genre de traitement (multiplié par mille!). Est-ce que c'est parce que le discours féministe actuel les rend moins tolérantes?

Je ne pense pas. Entre les psychodrames nationaux autour du voile et des réfugiés, la tuerie dans une mosquée et l'élection de Trump, j'ai de plus en plus l'impression que quelque chose a changé dans les dernières années. Que l'intolérance sous toutes ses formes (qu'elle soit sexiste ou raciste ou religieuse) est devenue acceptable.

Mais qu'est-ce qui a amené ce changement? Comment est-ce qu'on peut revenir en arrière?

11 commentaires:

Claude Lamarche a dit…

Hypothèse, vraiment simple hypothèse: si on peut l'écrire sur les réseaux sociaux, c'est qu'on peut le dire de vive voix? Si d'autres l'écrivent, ça autorise tout le monde à le penser et donc le dire?
Et comme personne n'empêche les gens qui écrivent bien peinards dans leur chambre... alors que nous avions des parents, des professeurs pour nous "corriger" quand nous parlions devant eux.

Il est loin en effet le temps où les élèves angoissaient à la simple idée d'aller parler devant la classe. Aujourd'hui, faudrait un peu les retenir de dire tout ce qu'ils pensent. En fait, faudrait surtout changer leurs pensées.

Pourtant, j'ai confiance que les trentenaires bien élevés... élèvent bien leurs enfants.

Daniel Blouin a dit…

Outre les réseaux sociaux, des auteurs parlent de la montée de l'individualisme de pair avec l'industrialisation, spécialisation des tâches (importance grandissante de l'individu au travail), diminution de la taille des familles, accroissement du statut social.
D'autres mentionnent la responsabilité importante du Marketing qui nous bombardent de concepts d'individualisme vers leurs produits ou leur marque.
Mais au fond, ils exploitent simplement et habilement nos travers inhérents.
Personnellement, je me demande s'il ne s'agit tout simplement pas d'une capacité innée de l'humain qui revient en force régulièrement, sautant une génération pour revenir a l'autre, chaque génération voulant être différente de la précédente?
Est-ce que c'est de la résistance de notre insconscient collectif face aux changements du monde moderne ou en est-ce une résultante?
N'observe-t'on pas aussi une montée d'agressivité collective, parce que les inégalités sont de plus en plus visibles?
Hum, peut-être que c'est simplement la folie humaine qui ose montrer son omniprésence et nous nous retrouvons donc dans un monde peuplé de zombies, mais ceux-ci parlent, disent n'importe quoi et prennent même le pouvoir.

Gen a dit…

@Claude : En effet, il y a sans doute un effet de perte des inhibitions. Au début, les gens osaient pas écrire des affaires si extrêmes... Puis ils l'ont fait, sans conséquence. Ils ont commencé à les chuchoter... Y'a pas eu de conséquence, alors ils en ont parlé à haute voix, se sont trouvé des représentants politiques et maintenant c'est devenu un système. Beurk! :(
J'essaie d'élever ma puce de mon mieux, mais un jour elle ouvrira son compte Facebook et alors, qui sait ce que ça donnera? :S

@DanielBlouin(aka Papa) : L'individualisme a le dos large. Si les gens étaient vraiment juste individualistes, ils se foutraient de ce que fait leur voisin ou quel linge il porte. La montée de l'agressivité, causées par les inégalités de plus en plus visible, ça me semble déjà plus plausible... Mais, euh, c'est historiquement pas la première fois. ;)

Nomadesse a dit…

Oh la question... La question. On fait une thèse là-dessus ensemble? Ce serait le fun!

Mmm. Le recul. Ça m'étonne toujours de constater à quel point les gens croient que les choses vont toujours vers l'avant. Juste le mot "progrès" a un sens tellement positif, pointant vers l'avenir. Comme tu es historienne, peux-tu compter le nombre de fois que les choses ont reculé, sur un plan ou un autre?
Juste à penser qu'une femme pouvait divorcer sous le régime français au Québec. Puis tiens, elle ne pouvait plus après...jusqu'aux années 60.

Les exemples sont tellement nombreux. C'est sidérant.

Alors, reculer deux pas, quand on a avancé de un, c'est très commun. C'est pour ça que ça me fait peur quand des femmes disent haut et fort qu'elles n'ont pas besoin du féminisme car elles aiment les hommes galants. Eh boy... Il ne faut pas avoir compris grand chose à la fragilité de la ligne grise qu'est l'égalité...

Moi aussi, je commence à recevoir des messages plates. Ça ne m'était jamais, mais jamais arrivé avant (je tiens mon blogue depuis 2003). Je crois que la "parole libérée" qu'a permis les réseaux sociaux, sans condamnation, la parole "sans filtre, comme du vrai monde" des radios poubelle et de certains politiciens, ont permis à ces attitudes rétrogrades de revenir sur le marché... Et c'est plus que dommage. Il va falloir faire quelque chose. Car la parole, ce n'est pas inoffensif, ça mène à des gestes, un moment donné (et je crois aussi que l'attentat de Québec est dû à cette parole "libérée").

Bref, bref, aussi bien éduquer nos enfants parce qu'ils devront se défendre dans ce monde-là...

Gen a dit…

@Nomadesse : Non merci pour la thèse, la maîtrise m'a suffit! :p

Et en effet, en tant qu'historienne, je sais très bien que le progrès (entk, au point de vue social) est une fiction complète. Les reculs sont nombreux (à choisir entre le Québec des années 40 et l'Égypte antique - divorce, droit de propriété, relative liberté sexuelle, etc - j'hésiterais pas une seconde!)

Il y a eu des dérives dans le discours féministe (et j'en vois encore), mais en effet, dire qu'on n'en a plus besoin, c'est oublier que le féminisme, à la base, lutte pour l'égalité (même si ce qui fait les manchettes, c'est quand y'a des filles qui veulent juste "tirer la couverte" de leur bord).

Messages plates pour toi aussi, hein? Je me demande si ce n'est pas lié au fait que la génération qui n'a jamais vécu sans les réseaux sociaux a atteint l'âge adulte. Eux, se "garder une ptite gêne", ils connaissent pas : l'anonymat total ou alors la vie 100% exposée, mais 100% mise en scène, c'est naturel à leurs yeux.

Ouais, élever des enfants là-dedans, ça s'annonce pas la joie! (J'vais tout de suite apprendre à ma fille ma phrase préférée : "l'opinion des autres, je m'en câlisse"... ok, ptêt pas tout de suite là... :p )

Une femme libre a dit…

L'éducation des filles à savoir se défendre, oui. Mais surtout l'éducation des garçons au respect de l'autre, au contrôle de ses impulsions et au savoir intégré que tout n'est pas permis. Enseigner aux enfants le courage et la noblesse du coeur, non seulement ce n'est pas dépassé, mais c'est plus d'actualité que jamais.

Gen a dit…

@Femme libre : J'ai toujours de la misère avec cette vision, parce que je ne connais aucune mère qui a éduqué son garçon en lui disant "Plus tard, tu pourras agresser les filles, parce que t'es le plus fort". Je comprends que l'idée est de poursuivre la sensibilisation plus longtemps et de manière plus soutenue, mais de dire qu'il faut "éduquer les garçons", ça me semble très condescendant envers les 70% de garçons fort bien élevés qui existent déjà!

Et dans le billet, je parlais surtout des commentaires reçus des gars (parce qu'ils sont dégueux!) mais les trolls de l'Internet sont répartis entre les deux sexes. Et les femmes sont souvent plus insidieuses.

Alors l'idée que tout n'est pas permis, faudrait l'enseigner à tout le monde. Pour ce qui est d'enseigner la noblesse et le courage, j'ai écrit 3 Hanaken! lol! J'ai fait mon boutte là! :P (Je niaise, comme souvent quand je veux pas pleurer...)

Vincent a dit…

@Gen: Merci de la part de la grande majorité des gars qui sont bien élevés. On est pas des prédateurs parce qu'on est des gars. Et des mal-élevés y'en a chez les deux sexes, comme tu le soulignes.

Une femme libre a dit…

C'est en effet aux Hanaken que je pensais en parlant de courage et de noblesse du cœur!

Nomadesse a dit…

Pour éduquer les gars, je pense que ça veut simplement dire, de leur montrer, que la "faiblesse" n'est pas dans le féminin, qu'être un gars ce n'est pas nécessairement à une image de force... Et très sincèrement, pour avoir les deux genres à élever: le défi est très grand pour un garçon! Pas à cause du garçon, mais à cause de la société... Une fille qui aime les jeux vidéos et les superhéros? Bien sûr. Le contraire? C'est tellement plus facile de permettre à une femme d'être forte que de permettre à un gars d'être sensible...

Et j'ai reçu des messages de femmes pas pires pantoute aussi... Enfin.

Soupir. Soupir. Soupir.

Gen a dit…

@Femme libre : Je m'en doutais! ;) Merci!

@Nomadesse : Cette éducation-là, en effet (que les deux sexes sont des humains À LA FOIS sensibles et forts), elle est nécessaire. Et tant qu'à moi, elle sera plus efficace que celle reliée directement aux agressions.

Et je sais que la société met une pression très forte sur les gars. Je ne les envie pas du tout. On sait, en tant que fille, à quel point les autres filles peuvent être nos pires ennemies quand on veut sortir des moules, mais je crois qu'on ne se rend pas toujours compte que c'est la même chose pour les gars. Nos chums sont faits forts pour accepter les insultes et regards condescendants qui viennent avec leurs statuts de papas impliqués.

On peut juste espérer qu'avec la génération de ton coco, ça va devenir moins pire. Que nos enfants vont pouvoir être des personnes avant d'être des hommes et des femmes.

Pour les messages de femme... ouais, comme je disais, ils sont même plus insidieux souvent.