mercredi 14 mai 2014

Scène de bureau (35)

J'étais rentrée tôt ce lundi-là, parce que je travaillais à colliger, corriger, mettre en page et réécrire  un gros dossier et que je voulais avancer mes affaires avant que Collègue-bruyante n'arrive et me dérange.

Une heure plus tard, toujours pas de Collègue-bruyante. Wow! Elle a choisi ce matin-là pour être en retard! J'arrive pas à croire à ma chance. Mon travail a super bien avancé. Le document est dû pour ce jeudi, mais si je maintiens le rythme, j'aurai fini sans problème dans les temps.

Je me lève et je vais me chercher un café. À la machine à café, je croise mon patron.

Patron - Pis, comment ça avance ton dossier?

Moi - Super bien, je devrais finir mercredi en avant-midi, ça nous donnera une marge de manœuvre en cas d'ajustements de dernière minute.

Patron - Parfait. En passant, Collègue-bruyante est malade. Elle ne rentrera pas cette semaine.

La nouvelle me surprend. Collègue-bruyante est rarement malade (malheureusement pour nous, parce que quand elle est absente, ça nous fait des vacances). C'est bizarre qu'elle soit justement malade la semaine où elle devait préparer...

Moi - Hum, elle ne devait pas préparer votre conférence de vendredi?

Patron - Oui.

Moi (distraitement, en versant mon café et en ajoutant du lait) - Un gros truc, documents à rassembler, statistiques à interpréter, des textes à écrire, un Powerpoint à monter... Vous aviez prévu travailler ensemble là-dessus toute la semaine...

Patron - En effet.

Moi (en toute innocence, m'apprêtant à prendre ma première gorgée de café) - Comment vous allez vous débrouiller? Pouvez-vous assigner une autres de mes collègues pour vous aider?

Patron - Non, elles sont toutes trop occupées, pis tu sais bien que dès qu'on a de la rédaction ou des Powerpoint, à faire, faut que ce soit toi ou Collègue-bruyante qui s'en occupe.

Je hoche la tête, même si j'ai mes réserves sur la question. Quand Collègue-bruyante doit rédiger ou monter un Powerpoint, je suis souvent mise à contribution pour l'aider. Et je n'ai jamais compris pourquoi il ne nous a pas trouvé des collègues avec au moins des capacités minimales de rédaction et d'utilisation d'un logiciel de présentation!

Moi - J'suis prise jusqu'à mercredi sur mon dossier. Vous aviez prévu trois jours de travail pour préparer votre conférence. Pis elle a lieu vendredi. Vous allez faire quoi? Annuler la conférence?

Patron - Oh non, je peux pas faire ça. Tu vois, j'ai pensé que...

Oh, oh, je commence à avoir une idée de ce qu'il va dire.

Patron - On a deux options. Soit tu prends les deux mandats et je t'autorise toutes les heures supplémentaires qu'il te faut cette semaine.

Moi - No way!

Patron - Ouais, c'est ce que je pensais. Alors, je pourrais essayer de faire une partie de la rédaction et Collègue-bruyante pourrait sans doute travailler un peu de chez elle pour monter le Powerpoint et avec ton aide...

Moi - On arrivera pas à temps.

Patron (en s'éloignant) - Ben oui, ben oui, on va arriver.

Et en effet, nous arrivâmes. Mon dossier se boucla un peu plus vite que prévu (sans interruption de la Collègue-bruyante, ça a aidé). Patron gribouilla à la main des brouillons à peu près indéchiffrables de ses textes de conférence qu'il ne me resta qu'à retaper, corriger et réécrire. Et le jeudi midi, alors que je croyais que Collègue-bruyante était en train de préparer le Powerpoint depuis son lit de malade, j'appris qu'elle avait refusé de travailler de chez elle, ne se disant pas assez en forme.

J'ai donc fini le Powerpoint en heures supplémentaires ce soir-là. Bon prince, Patron m'a permis de me commander du poulet et de souper en travaillant. J'suis sortie du bureau à l'heure où, d'habitude, je commence à penser à aller me coucher. Et Patron m'avait bien dit d'être à mon poste le vendredi matin au cas où il aurait besoin de mon aide pendant sa conférence.

À partir de ce jour, je me suis promis qu'à chaque fois qu'on évoquerait devant moi la possibilité que je fasse le boulot de deux personnes dans des délais impossibles, même si la possibilité était ensuite officiellement écartée, moi aussi je me ferais porter pâle! Non mais!

10 commentaires:

Guillaume Voisine a dit…

T'as commandé du poulet, j'aurais plutôt mangé du dindon ;)

Gen a dit…

@Guillaume : J'trouvais que y'avait déjà assez de dindon comme ça dans cette farce! :p

Vincent a dit…

*Cot cot cot*

Nomadesse a dit…

Et pourtant, c'est ça que l'on dit aux gens qui travaillent au gouvernement depuis plusieurs années. Je peux te le dire: je l'ai vécu. Mais comme ils ont une réputation très mauvaises (qui va défendre les fonctionnaires, non mais!), on s'en fout. Alors ça démissionne à tour de bras pour aller chercher ailleurs, ou ça fait des burn-outs. Très le fun: on semble changer le discours depuis quelques temps (ironie).

Gen a dit…

@Vincent : Ouais, je sais, toi aussi tu t'es ramassé dans ce genre de situation.

@Nomadesse : Le problème, c'est que c'est rendu une façon de fonctionner généralisée partout (les vacances, les congés de maladie, etc, sont rarement remplacés), alors non, personne ne va plaindre les fonctionnaires.

En fait, les gens ont tendance à réagir devant ce genre d'abus en disant "Ben moi aussi je l'ai vécu, j'ai survécu, qu'ils endurent". (Contre les fonctionnaires s'ajoute le "pis moi j'ai pas de régime de retraite"). Les gens jalousent souvent ceux qui sont moins abusés qu'eux-mêmes au lieu d'essayer d'obtenir des conditions semblables. Résultats : la situation de tout le monde se dégrade.

Claude Lamarche a dit…

Tu as encore la tête là-bas, toi?

Gen a dit…

@ClaudeL : La tête, non! Mais plein de notes! ;p Hihihihi!

Nomadesse a dit…

Tout à fait d'accord. On ne se rend pas compte souvent qu'on se tire dans le pied à nous aussi...

Gen a dit…

Je sais pas pourquoi autant de gens semblent vivre dans la peur totale que les autres aient droit à un meilleur traitement qu'eux-mêmes.

Combien de fois j'ai entendu des mères plus âgées dire "Dans mon temps, on avait juste 3 mois (ou juste 6 mois) de congé de maternité". En oubliant commodément que nos grands-mères avaient pas de congé payé du tout!

(Et je me demande combien de ces femmes auraient supporté un six mois de congé supplémentaire à 55% de leur salaire au lieu de 70%, mais ça c'est une autre histoire...)

Isabelle Lauzon a dit…

Aaaaaaahhh! C'était donc ça, le truc pour se sauver de l'ouvrage plate et du stress???

Ah, ok, je vais caller malade demain... pour 2 ou 3 semaines, ça devrait aller... lolol