mardi 2 juillet 2013

L’important, c’est pas la taille, c'est ce qu’on fait avec

Après cinq ans de publication, l’arrivée d’un chèque de droit d’auteurs dans ma boîte aux lettres est devenu un événement presque banal. Et après quelques moments de découragement devant les montants parfois dérisoires que j’ai obtenu, j’en suis venue à une conclusion : l’important avec les chèques de droits d’auteur, c’est pas la taille, mais ce qu’on fait avec!

Bon, clarifions déjà deux choses :  premièrement dans ce billet, je m’adresse aux écrivains à temps partiel, comme moi, qui ne peuvent pas encore vivre de leurs droits d’auteurs et, deuxièmement, dans le domaine des chèques, comme dans d’autres, c’est sûr qu’une taille imposante n’est pas un défaut… c’est juste que des fois, faut se contenter de moins! ;)

Ok, alors il y a trois erreurs qu’on peut faire en recevant un chèque de droits d’auteur :

1- Calculer le salaire horaire que ça nous donne pour le temps passé à écrire le livre et à le vendre dans les salons.

2- Comparer le montant du chèque avec le montant qu’il vous faudrait annuellement pour vivre si vous écriviez à temps plein.

3- Mettre cet argent dans votre compte courant et le dépenser sans y penser.

Bon, la première erreur, on la fait tous une fois. Dépression garantie. Y’a pas vraiment de remède miracle contre un taux horaire merdique. Moi j’essaie juste de ne pas y penser. Ou alors je me rappelle toutes les années où j'ai écrit sans être payée du tout.

La deuxième erreur n’en est pas vraiment une. Si vous espérez un jour vivre de votre plume, vous devez, dans une certaine mesure, vous livrer à ce genre de calculs. Le problème, c’est que ça prend généralement des années avant que votre nom commence à être connu dans le milieu littéraire et plus de temps encore avant que vous soyez un peu connu du public et donc que vos livres se vendent bien. Alors faut être patient. Très patient. Et garder à l’esprit que ça se peut que le montant des chèques ne soit jamais assez important pour que vous en viviez. Surtout si vous espérer un train de vie de style "classe moyenne de banlieue".

En attendant que votre plume rapporte des montants conséquents, ne commettez pas la troisième erreur. L’argent de vos droits d’auteur, comptabilisez-le à part. Ne l’utilisez pas pour payer la prochaine facture d’électricité. Ni même pour simplement gonfler votre budget de livres. Bientôt, la facture suivante arrivera et vous allez oublier quels livres ont été achetés avec quel argent. Vos droits d’auteur, c’est du revenu d’écrivain. Utilisez-le pour faire des dépenses d’écrivain.

Si vous avez la chance d’être dans une situation où vous pouvez prendre des congés sans solde de votre emploi, je pense que c’est le meilleur endroit où dépenser des droits d’auteur. Quelques jours, une semaine ou même un mois d’écriture à temps plein, voilà quelque chose qui vaut la peine d’être acheté avec vos droits d’auteur. Je me suis payé une semaine l’an passé et je recommencerais n’importe quand!

La somme est plus modeste ou l'employeur moins compréhensif? Vous pouvez consacrer l'argent à des bouquins de référence. Ou à du matériel informatique (plusieurs se sont achetés « Antidote » avec leurs droits d’auteur), bref à quelque chose qui vous sera utile pour écrire. Ma fidèle Bibitte (mon ordinateur portable) a été payée en partie par des droits d’auteur. 

Vous avez toujours rêvé de visiter le pays X, la région W et vous pensez que ce sont des lieux très inspirants? Mettez l’argent des droits d’auteur de côté. Un jour, vous atteindrez la somme vous permettant de vous payer le voyage. Ou alors vous pensez qu’un écrivain doit posséder une écharpe blanche et une plume Mont Blanc? Ça aussi vous pouvez vous le payer avec des droits d’auteurs… Et que dire des inscriptions aux ateliers et aux congrès, sinon que ce sont des dépenses d’écrivain parfaitement logiques et souvent très fructueuses? :)

Bref, tant que l’argent des droits d’auteur représentera un revenu de surplus, sur lequel vous ne comptiez pas, utilisez-le pour investir dans votre pratique littéraire. Pour vous payer du luxe, peut-être, mais du luxe intelligent (pour la Mont Blanc, on peut discuter, mais bon…), dont vous vous rappellerez.
 
Quand les sommes deviendront plus importantes (et, surtout, récurrentes), ce sera le moment de les investir dans le paiement de dépenses courantes. Par exemple, la totalité de vos factures d'électricité de l'année. Ou de les consacrer à défrayer le coût de votre connexion Internet. Ou de votre téléphone. La règle sera, selon moi, de choisir un poste de dépense auquel vous penserez souvent. Rien de tel que de vous dire "C'est parce que j'écris que la lumière s'allume" à chaque fois qu'on touche un interrupteur.

Je crois que plus vous rendrez les fruits de votre travail littéraire visibles et tangibles dans votre vie quotidienne, moins vous risquez de vous décourager devant les sommes reçues.

Après cinq ans de publication, ma plume n’est même pas proche de me faire vivre (mais en six mois, j'ai quand même gagné l'équivalent d'un mois de mon salaire régulier). Cependant elle m’a payé une semaine d’écriture à temps plein, trois ateliers, deux chambres d’hôtel lors de congrès Boréal, un voyage en France, un ordinateur portable et un trenchcoat de cuir qui fait très « écrivaine de policier » et que je porte 5 mois par année. À chaque fois que je l’enfile, je souris.
 
Bref, l’important, c’est pas la taille des chèques, c’est ce que vous faites avec! ;)

19 commentaires:

ClaudeL a dit…

Je ne l'ai pas fait, mais Louise, quand elle a commencé à être artiste peintre professionnel a pris un de ces comptes, l'a parti à 5,000$ et a commencé à payer son matériel, ses voyages d'exposition et y a ajouté ses revenus. Elle n'a jamais eu besoin d'en remettre. Ce compte ne sert qu'à l'artiste.
Je n'ai même pas essayé en tant qu'auteure, hihi!
C'est comme les REER, plus tu commences jeune...

Gen a dit…

@ClaudeL : Je me demande ce que ça aurait donné si j'avais fait ça en tant qu'écrivain... À part les salons du livre, c'est vrai qu'on a pas tellement de dépenses... mais les revenus sont pas toujours extra non plus. ;)

Sébastien Chartrand a dit…

Personnellement, je compte sur une feuille très détaillée mes revenus d'auteurs depuis février dernier. Honnêtement, je suis assez satisfait et j'ai décidé de lier une dépense précise à mes revenus d'auteurs: à défaut de vivre de ma plume, j'en étudie. Du moins cette année (touchons du bois pour l'année prochaine), toutes mes frais universitaires sont couverts par l'écriture. Déjà une bonne chose !

Je parlais avec un autre auteur (sacrément plus expérimenté et plus réputé) qui disait que dans son budget, tous les frais de maisons (paiements, électricité, chauffage, taxes et réno)étaient assumés par ses revenus d'écriture.

J'aime bien le concept de lier une dépense précise à l'écriture. Et ça permet de se dire "sur mon salaire régulier, je n'ai plus à prélever de montant pour cette dépense-là".

Je trouve ça vraiment encourageant, vu ainsi...

Philippe-Aubert Côté a dit…

Je n'avais jamais pensé au troisième conseil sur l'usage des chèques de droit d'auteur... Excellent point!

Gen a dit…

@Sébastien : Ah oui, j'avais pas pensé aux frais universitaires! C'est aussi un excellent poste de dépense! :) Comme tu dis, l'important c'est de pouvoir penser "ça, c'est payé par ma plume maintenant". Ça permet de faire une série de petits pas dans la bonne direction! (PS : j'envie les auteurs capables de payer leurs frais de maison avec leurs chèques! lol!)

@Phil : Ça m'a pris quelques années avant de réaliser que certaines dépenses faites avec mes droits d'auteur me remontaient le moral, tandis que si je dépensais l'argent sans y penser, ça me décourageais. Donc là, je partage! :)

M a dit…

J'en suis à environ 25% (l'an passé) de mon salaire annuel qui provient de mes droits d'auteurs et autres revenus de travail autonome liés à l'écriture. Jusqu'à maintenant, cette année, c'est presque 50-50 entre mes revenus perso et mes revenus d'emplois. Je suis d'accord avec toi: il faut que ces revenus servent à quelque chose de spécial... Pour moi, c'est de payer les dettes qui trainent depuis trop longtemps!

Gen a dit…

@M : Bonne affaire : si on écoute la doyenne, un écrivain sans dette, c'est un écrivain qui peut espérer écrire à temps plein! ;)

Hélène a dit…

Merci des conseils! Moi j'en suis encore à attendre le jour où je serai payée pour écrire, c'est beau le bénévolat mais bon... Sages conseils. Je pourrais recycler mon logiciel de comptabilité pour la gestion de mon budget d'écrivaine, ce serait amusant et encourageant. Je rêve de me payer une retraite d'écrivain quelque part de très isolé, un jour!

Annie Bacon a dit…

J'ai fait la première erreur en revenant de mon premier salon du livre. Soupir! La déprime!
Et je fais encore régulièrement la deuxième!
Il faut croire que je n'apprend jamais!

idmuse a dit…

Euh... coudonc, les salons, ça coûte si cher que ça? [mode panic on]

Gen a dit…

@Hélène : De rien, les conseils sont gratuits (comme quoi je ne serai jamais riche! ;) Plus c'est isolé la retraite, moins ça devrait te coûter cher, alors ça me semble un bon projet! ;)

@Annie : Comme je disais, la deuxième on n'a pas le choix de la faire de temps à autre. Faut juste pas penser seulement à ça. Et plus on attribue les chèques à des postes de dépense, plus on voit la progression.

@idmuse : C'est pas que ça coûte si cher les salons, c'est que c'est vraiment pas payant!!! Quand tu passes 10 heures en arrière d'une table et que tu vends 10 livres, ça fait un livre à l'heure (pas pire), soit en moyenne 1$ de l'heure (oh oh...)

Une femme libre a dit…

Avec le titre, je m'attendais à un billet pornographique, pas économique! ;o)

Pat a dit…

Je crois que j'ai commis toutes ces erreurs en un seul chèque! Quel débutant!!

Romain d'Huissier a dit…

Je mets tout l'argent de mes droits d'auteur sur le livret A de ma petite fille.

Isabelle Lauzon a dit…

Je crois bien que je vais échapper aux erreurs 1 et 2...

Mais pour la 3e, tu me fais réfléchir, là! Jusqu'ici, mes revenus d'auteure ont surtout servi à renflouer les caisses, dans le but de rembourser mes dépenses reliées à la littérature en général (livres, hôtels, logiciel Antidote, portable...). Bref, je suis loin du compte!

Mais je crois bien que je vais appliquer ton concept pour mon prochain chèque de droit d'auteur. Acheter quelque chose de conséquent, dont je vais me rappeler longtemps... Bonne idée! (Me reste plus qu'à trouver quoi!) :)

Gen a dit…

@Femme libre : Lol! ;) J'espérais bien que quelqu'un aurait l'esprit tordu! ;)

@Pat : Hep, on le fait tous au moins une fois. C'est en pensant à ton accès de découragement des derniers jours que j'ai écrit ce billet. Parce que, bon, me suis tapée une dépression ou deux avant d'apprendre! ;)

@Rom1 : Je sais pas c'est quoi un livret A, mais ça semble une bonne idée si c'est pour un enfant et que tout est rassemblé au même endroit! ;)

@Isa : Renflouer les caisses vidées par des dépenses reliées à la littérature, c'est pas un mauvais poste de dépense, mais c'est sûr que ça manque un peu de tangible...

Le premier GPS avait pas été acheté avec des droits d'auteur en théorie? ;)

Isabelle Lauzon a dit…

Nope, c'était un cadeau de chéri! Tsé, moi, j'étais humble dans cette histoire, je voulais attendre d'avoir publié mon premier roman avant d'acheter un GPS, mais va savoir pourquoi, Chéri s'est soudainement inquiété de me voir partir (toute seule derrière le volant!!!) pour Québec, puis Trois-Rivières... Alors il s'est dépêché d'en acheter un! LOLOL

Je me souviens avoir dépensé un chèque de droits d'auteurs pour une pile de bouquins, mais je ne me rappelle plus des titres, alors c'est peut-être pas tout à fait en accord avec ton concept du "tangible"... Va falloir que je continue d'y réfléchir, mais j'aime l'idée!

Gen a dit…

@Isa : Comme je dis, les livres, c'est bien juste si tu achètes tous tes livres avec des droits d'auteur, sinon c'est sûr que tu vas les mélanger avec d'autres.

Dominic Fortin-Charland a dit…

Excellent article ! Je ne peux qu'approuver.