mercredi 23 janvier 2013

Comme on se retrouve - Extrait

Le numéro hivernal d'Alibis sera bientôt en kiosque (ou dans votre boîte aux lettres). Sous sa page couverture enneigée se cache la dernière aventure de Marie, l'espionne du SCRS que vous avez peut-être rencontrée dans Trois coups l'annoncent. Encore une fois, des faits politiques réels ont inspiré le récit.

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Obscurité surchauffée, odeur de sueur et d’essence. À l’arrière de la camionnette sans suspension, à moitié étouffée par ma burqa, je suis secouée dans tous les sens. Circonstances peu propices au sentiment de satisfaction qui m’envahit pourtant.


Karfi Ben Nadr, l’homme qui a organisé une vingtaine d’attentats suicide dans les deux dernières années, dort à mes côtés, bourré de sédatifs. [...]

Sensation de décélération. Que se passe-t-il ? Trop tôt pour le prochain changement de véhicule. Je porte la main à mon oreillette, appelle le chauffeur et l’agent.

— Pourquoi est-ce qu’on ralentit, les gars ?

Réponse du chauffeur, laconique comme toujours lorsqu’il parle en anglais :

Check point.

Mon cœur accélère. Mon souffle raccourcit. Maudite burqa. Je respire mal. Ce point de contrôle n’était pas prévu.

— Des locaux ?

— Non, c'est nos voisins du sud, me répond John.

Des Américains. Mon corps reprend un rythme normal. Ce sont nos alliés. Quand on n'essaie pas de les espionner, ce sont même de bons alliés. Un peu cow-boys, mais ils obtiennent des résultats. Par tous les moyens possibles. Ne pas y penser. Évaluer la marche à suivre.

— John, en cas de besoin, t'as tes vrais papiers sous la main ?

— Évidemment. Silence, Marie, c'est notre tour.

Bruit parasite. John a enlevé son oreillette. Voix étouffées à l'extérieur du véhicule. Impression d'un rythme, d'un accent familier qui me rappelle de mauvais souvenirs. Je respire à nouveau trop vite. Les relents de chloroforme qui montent de la burqa enveloppant Nadr n'aident pas. On dirait que l'air me colle à la langue, sans descendre dans mes poumons. Du calme. Analyser la situation. Il ne me sert à rien de m’emparer de l’une des armes placées sous le tapis du plancher : je ne vais pas tirer sur des soldats amis. Si tout va bien, ils n'ouvriront pas l'arrière du véhicule. S'ils ouvrent, vais-je enlever ma burqa ou pas ? Me saisir de mon passeport canadien, dissimulé dans mes sous-vêtements ? Ou alors présenter mes papiers locaux ? Nadr dort toujours. Parfait.

La rumeur s'amplifie à l'extérieur. Le véhicule vibre. Quelqu'un en est descendu. Nouveaux bruits de parasites dans mon oreillette, suivis de la voix de John, lointaine.

— Mais si vous le savez, pourquoi est-ce que…

On frappe contre la porte arrière du véhicule. Une fois. Deux fois.

Le rythme est unique en son genre : calme, lent, presque moqueur. Il écorche mes nerfs, se fraie un passage dans ma tête et y débusque mes peurs. Non, impossible ! Je me recroqueville autour du souvenir de mes douleurs. La dernière fois que j'ai entendu des sons pareils, c'était il y a trois ans. J'étais menottée à une chaise, dans le sous-sol d'un bâtiment n'appartenant pas, officiellement, à l'agence gouvernementale américaine qui l'utilisait comme salle d'interrogatoire. Et c'est l'inquisiteur en chef qui cognait contre la porte. Un psychopathe qu'on m'avait demandé d'amadouer et d'espionner. J'avais été découverte. Avant d'entrer dans la salle, le tortionnaire s'annonçait en frappant…

Trois fois.

5 commentaires:

Hélène a dit…

Hé!hé!, faut lire le reste! Merci de partager cet extrait.

Gen a dit…

@Hélène : Oh oui, faut lire le reste! ;) Et pour les amateurs, je réfléchis présentement à une troisième aventure de Marie. Pauvre elle! :p

Isabelle Lauzon a dit…

Ouiiii! Une autre aventure de Marie!!! (héhé, la sadique en moi se frotte les mains)

J'ai reçu mon Alibis hier et j'ai super hâte de relire cette nouvelle en version finale! :D

Gen a dit…

@Isa : Je promets rien, mais ça mijote là! ;) Il me manquerait juste un nouveau projet de loi débile des conservateurs pour me donner la touche finale d'inspiration! :p

J'ai même pas eu le temps de regarder mes exemplaires! lol!

Isabelle Lauzon a dit…

Oh! Je ne m'en fais pas, les conservateurs ont toujours le chic pour nous sortir une loi débile... Patience... ;P