vendredi 23 mars 2012

Le sujet de l'heure

Le sujet de l'heure partout où je vais est évidemment la hausse des frais de scolarité et la manif qui s'en est suivie hier (manif pour laquelle je tiens à féliciter les participants : au moins 100 000 participants et pas de casse, bravo!).

Je ne sais pas trop quoi dire à ce sujet. J'ai à la fois trop d'opinions et pas assez...

Voyez-vous, j'ai étudié à l'Uqam, haut lieu du syndicalisme étudiant. La première année où j'y étais, je crois qu'on a manifesté contre une coupure de 103 millions dans le programme de prêts et bourse. Lors d'une manif à laquelle j'ai participé, on s'est fait charger par l'anti-émeute. Un colon qu'on avait jamais vu de notre vie avait lancé une roche à un policier. Des rumeurs ont circulé par la suite voulant que c'était un policier infiltré parmi nous pour faire bouger les choses et disperser la foule.

La deuxième année, il y a eu une grève pour protester contre les frais afférents (communément nommés "frais champignons"). Puis il y a eu d'autres coupures dans les prêts et bourses, des promesses électorales non tenues, la menace de hausser les frais...

Ce que j'ai retenu de tout ça?

Que le gouvernement, à partir de maintenant et pour toujours, devrait indexer automatiquement TOUS ses frais, tarifs et seuils d'admissibilité en fonction de l'augmentation (ou de la diminution) du coût de la vie.

Parce que ce qui fait mal, c'est pas les augmentations normales, c'est les rattrapages. Et c'est parce qu'on fait du rattrapage tous azimuts depuis dix ans que mon "pouvoir d'achat", depuis que je suis sur le marché du travail, fait juste diminuer. (Bon c'est aussi parce que le gouvernement gère notre argent n'importe comment, en s'en servant pour engraisser ses amis, mais ça c'est une autre histoire...)

Savez-vous ce qui est drôle? Quand j'étais étudiante, avoir voulu, j'aurais probablement pu trouver l'argent pour aller dans le Sud. Depuis que je suis une bonne contribuable qui travaille et qui a une maison (sur laquelle je paie de somptueuses taxes municipales), j'ai plus les moyens! Je commence à croire que les étudiants auraient peut-être les moyens d'encaisser la hausse, mais leurs parents, non!

Savez-vous ce qui est moins drôle? Voir les policiers circuler en équipe de quatre dans les corridors du métro, les mains près des matraques, l'air plus arrogant que nerveux. Se sentir scrutée par ces représentants de l'ordre du pouvoir et devoir rassurer sa collègue de travail qui prend le métro pour la première fois depuis longtemps, "Mais non, t'en fais pas, il arrivera rien, ils sont là par principe", en espérant que c'est vrai et que personne ne se sentira provoqué par leur présence ostentatoire au point de poser un geste capable de mettre le feu aux poudres.

18 commentaires:

ClaudeL a dit…

Moi aussi, je suis partagée. Mais au moins, la démocratie est sauve, au sens où on peut encore manifester.
Pour avoir manifester aussi quand j'étais jeune prof, je sais par contre que les chefs, syndicaux ou non, sont de bien bons rassembleurs pour te faire faire à peu près ce qu'ils veulent en te donnant des arguments aussi démagogiques que ceux de l' "adversaire".

Gen a dit…

@ClaudeL : En effet, avec ce qu'on avait vu les derniers jours, c'est déjà un grand pas de constater que le droit de manifester est à peu près sauf! (je me prononcerai pas sur l'état de la démocratie par contre)

Et des chefs rassembleurs? Dans les asso étudiantes? Faut pas exagérer! :p

Isabelle Lauzon a dit…

Billet très intéressant, qui me rejoint dans mes propres sentiments partagés... De part et d'autre, il y a des bourdes, des maladresses, des gestes non pertinents qui sont posés... À moins d'être directement impliqué (ce qui n'est pas le cas), il est dur de choisir un camp.

Pour ma part, ouaip, le coût de la vie augmente tout le temps. Je comprends qu'une telle hausse tout d'un coup, c'est gros à avaler, je protesterais aussi, mais d'un autre côté... Quand mon compte d'hydro monte en flèche ou que l'épicerie et l'essence me coûtent un bras, qu'est-ce que je peux faire, hein? Même si je manifestais, tout le monde s'en sacrerait pas mal... Donc, sentiments partagés ici. Je préfère regarder tout ça de loin. :S

Gen a dit…

@Isa : Comprenons-nous bien : je suis contre cette hausse sauvage. Mais je pense que réclamer la gratuité à grands cris comme le font les étudiants, c'est utopique. La voie à suivre serait au milieu, mais personne ne semble vouloir y aller.

Enfin, là après cette manif pacifique, peut-être que notre Mouton Premier va bouger.

Gen a dit…

Oh et je suis également contre l'attitude résignée qui consiste à baisser la tête et à payer. Faut juste choisir ses batailles.

Prospéryne a dit…

Gen, je crois qu'on se rejoint: ajuster les tarifs au coût de la vie, c'est normal, mais le coût de la vie, c'est pas +75% sur 5 ans!

Gen a dit…

@Prospéryne : Tout à fait! Mais partis comme on est là, on est aussi bien de s'habituer à ce genre de hausse. Quand ils vont dégeler les frais de garderie, ça sera pas beau non plus!

Pat a dit…

«Représentants du pouvoir»
J'aime beaucoup la nuance!

Moi aussi, j'étais TRÈS heureux de voir que la manifestation d'hier s'est déroulée sans accrochage. Une telle foule, une telle énergie... ça aurait facilement pu dégénérer...

Gen a dit…

@Pat : La nuance me semble s'imposer de plus en plus dernièrement. Lorsqu'on est rendus à six ou sept "incidents" où les policiers ont tiré des civils, plusieurs manifestations dispersées par la force, etc, on se demande si c'est bien l'ordre qui est visé...

Avec une telle foule, les dangers de dérive étaient quand même moindre. C'est facile de trouver 1000 personnes prêtes à casser des vitres, mais 100 000?

Hélène a dit…

En effet, ajuster les frais selon le coût de la vie, logiquement, ce serait vivable. Mais le gouvernement et le bon sens, c'est deux. Si au moins on avait les bourses en conséquences- pas les prêts! J'ai passé 10 ans de ma vie à rembourser mes prêts après trop d'années à m'y fier, et ma dette total à la fin dépassait le salaire annuel de mon premier emploi!

Gen a dit…

@Hélène : Encore heureux pour toi : moi je n'avais pas droit aux prêts étudiants. J'ai plusieurs de mes amis qui ont dû compter sur des prêts personnels "normaux" pour payer leurs études. Mettons que ça a pas été long que les paiements ont été lourds!

Avantage : avec un prêt personnel, mettons qu'ils se sont accumulé de moins grosses dettes!!!

Grand-Langue a dit…

On vient au monde à gauche et on meurt à droite! Et quand vous étiez étudiante, avouez que le cochon payeur (le travailleur), vous n'en aviez rien à foutre!

J'espère bien que vous ne trouvez pas les hausses exhorbitantes! Elles sont minimes, ridicules. Si on croit que ces hausses sont importantes, c'est parce que nous avons une piètre opinion de notre système universitaire. La gratuité mèene à la faillite, à la médiocrité.

De fait, je ne comprends pas cette mobilisation, on dirait de l'hystérie générale.

Les voisins paient 85% du prix de mes études, je fais la grève pour qu'ils paient 100%! Le monde est tellement injuste, j'ai le mgoût de m'ouvrir les veines! Non mais...

Je ne peux entrer dans la danse, même si 100,000 étudiants marchent au soleil dans la rue, je conserve le sens du discernement.

Ce qui m'importe c'est la qualité de notre système universitaire. À quoi sert la gratuité si c'est de fréquenter un établissement de pauvre réputation. Déjà, quand nous embauchons, nous tenons compte de l'institution fréquentée, c'est un élément très important, quoi qu'on en dise.

Grand-Langue

Gen a dit…

@Grand-Langue : Désolée, mais quand j'étais étudiante, je trouvais déjà que ceux qui réclamaient la gratuité exagéraient. Peut-être parce que j'ai toujours travaillé et que je n'ai jamais eu droit aux prêts et bourse.

Pour faire une telle sortie, j'en viens à me demander si vous avez lu mon billet...

Grand-Langue a dit…

Gen,

Bien sûr que j'ai lu votre billet. J'ai aussi relu mon commentaire qui ne s'oppose pas à votre billet mais qui fait allusion à cette fausse dramatique qu'expriment certains étudiants.

Il y a beaucoup de théâtralité dans ce mouvement! À l'UQAM on sort pour un pet. Sur le marché du travail, on paie! Notre vision change. La réalité étudiante, quand on ne connait rien d'autre, peut sembler misérable.

Il faut remettre les choses en perspective.

Les coupures dans les fonds de recherche (surtout en science), l'octroi des prêts et bourses devraient eux, devenir des sujets d'actualité.

Grand-Langue

Nomadesse a dit…

Quant à moi, je fais partie du mouvement de grève, étant donné que je suis retournée aux études. Lorsque je suis revenue et que la hausse a été annoncée, je ne savais pas trop quoi en penser. Les frais ont été gelés pendant longtemps (ils sont dégelés depuis 2007 et augmentent chaque année), les gens semblaient être pour que les étudiants paient, les universités avaient des déficits...

J'ai fait des recherches. J'ai alors appris plein de choses. D'abord, l'université n'est pas sous-financée, mais elle est financée différemment maintenant. Les 65% d'étudiants en humanités (sciences humaines et sociales) reçoivent 10% des subventions (enseignement et recherche). Un professeur me confirmait que lors des réunions annuelles, les profs en santé et en sciences ne comprenaient pas trop ce qu'on voulait dire en parlant de "sous-financement". Peut-être que la gestion des universités est à revoir. Je ne parle pas de rendre tout égal (les recherches en sciences coûtent plus cher pour l'équipement entre autres), mais il y a certainement un déséquilibre. Il faut aussi éviter des gouffres financiers comme l'Ilot Voyageur. Éviter des primes hors de prix et des bonis aux dirigeants. C'est une revendication des étudiants.

Je ne suis pas pour la gratuité. Ça marche, c'est sûr. Mais nous ne sommes pas en Scandinavie. Il faut respecter une bonne partie de la population plus à droite.

Les étudiants ne veulent pas augmenter les impôts. Ils proposent d'autres solutions.

- Surveiller les dépenses universitaires (j'en ai parlé plus haut).

- Les dix paliers d'imposition. Je l'ai expérimenté: je reçois une augmentation pendant l'année. Je découvre en faisant mon rapport d'impôts que je viens de passer un palier (en ce moment, il y en a trois, alors la courbe est brusque!). Pouf! Je dois payer beaucoup plus d'impôts parce que je suis théoriquement plus riche (j'ai gagné 500$ de plus que le revenu de ce palier bonyenne!) C'est plate. Au lieu d'en avoir trois, pourquoi ne pas en faire dix? Ça voudrait dire plus d'argent dans nos poches, moins de frustration quand on a reçoit des augmentations et l'État aurait aussi plus d'argent (car la courbe graduelle permettrait un meilleur équilibre). Fantastique!

- Augmenter les redevances minières à 20% au lieu de 16%. Vive nos ressources, profitons-en si on en a! Pourquoi ne pas prendre une plus grande part du gâteau? L'Australie vient d'augmenter à 30%!

Il y a plein de solutions proposées, beaucoup de logique là-dedans. J'en suis donc venue à appuyer les étudiants. Et j'aurais aimé pouvoir faire passer le message au gouvernement autrement que par une grève, mais les discussions ont été courtes...

Je suis désolée pour Grand-Langue, mais venant des régions, ayant des parents qui font partie de la basse classe moyenne, je sais fort bien que cette hausse aurait été suffisante pour me faire abandonner mon bac. Je veux permettre à ceux qui me suivent d'avoir les mêmes possibilités que moi.

Les cotisations du RRQ ont augmentées dernièrement. Elles augmenteront encore, car une grande partie de la population entreront dans la retraite. Demande-t-on aux babyboomers de payer pour toutes ces années où ils n'ont pas assez payé pour assumer correctement leurs pensions? Ben voyons! Ce sont les étudiants présentement à l'université qui permettront à ceux qui quittent le marché du travail de recevoir leur chèque.

Vivre en société, ça veut dire être un minimum solidaire. Et ça va dans tous les sens: pour les enfants, les études, les maladies, la vieillesse...

Et si on veut financer ces programmes et rembourser nos dettes, il faut peut-être étudier les bonnes idées qui nous viennent, parfois, de notre jeunesse! Et ça, ça commence par l'ouverture d'esprit.

Philippe-Aubert Côté a dit…

Nomadesse, j'applaudis votre commentaire! :-)

Gen a dit…

@Grand Langue : Ben si vous avez lu, pourquoi discuter de points dont j'ai pas parlé? Évidemment que c'est théâtral un mouvement de manifestation! C'est le but!

@Nomadesse : En effet, mon raisonnement est très semblable au vôtre.

Le principal problème présentement pour le gouvernement québécois, ce n'est pas qu'il manque d'argent, c'est qu'il le gère extrêmement mal.

Et là on n'a même pas commencé à parler des dépenses somptuaires et de la corruption!

Nomadesse a dit…

Ah les CCC (Collusion-Corruption-Construction)... Ne commençons pas sur le sujet! Simplement pour dire que deux ans et demi avant de faire une commission d'enquête publique... Je dirai au gouvernement "Je me souviens" lors des prochaines élections.