lundi 5 décembre 2011

Pourquoi j'aime les arts martiaux

J'ai passé mon primaire et mon secondaire à être une petite grosse première de classe... pas besoin de vous spécifier, je suppose, que j'ai mangé quelques volées, en plus de me faire régulièrement abreuver d'insultes et bousculer. Jusqu'au jour où je suis devenue assez méchante en paroles et assez rusée côté relations sociales, jouant un gros bras contre un autre, pour ne plus compter au rang des victimes faciles. 

Cependant, pendant longtemps j'ai regretté de ne pas avoir su me défendre physiquement. Que, contrairement à lui, mes parents ne m'aient pas inscrite à des cours de karaté (remarquez, à l'époque, j'haïssais tellement les cours d'éducation physique, où tout le monde riait de moi, que c'est normal que m'inscrire à une activité sportive ne leur ait pas effleuré l'esprit). Je ne voulais pas devenir une adulte qui craindrait de sortir seule le soir, une grande gueule incapable de se protéger quand les mots ne suffiraient plus. Alors dès que j'ai eu la chance d'apprendre les arts martiaux, j'ai sauté dedans à pieds joints.

Et là j'ai découvert tout un monde que je ne soupçonnais même pas : celui de mes ressources intérieures. Parce qu'un art martial, c'est une affaire de gestes, de techniques et de stratégies, oui, mais c'est surtout un combat contre soi-même, contre ses propres limites. L'adversaire cesse rapidement d'être un opposant pour devenir un outil, le moyen d'affronter la peur, l'épuisement, la douleur et de repousser tout ça d'un cran. Dans un dojo, on apprend très vite que tomber, c'est pas grave, parce qu'on peut se relever. Que la colère et l'agressivité vagues qu'on ressent parfois dans la vie, sans personne vers qui les diriger, ce sont des moteurs très puissants si on sait les contrôler et les utiliser. Pendant un combat, on ne peut penser qu'au moment présent, ce qui nous coupe de nos soucis et nous permet, une fois l'entraînement terminé, de les considérer d'un regard neuf, en les remettant en perspective.

Les arts martiaux m'ont appris à me défendre, mais ils m'ont surtout fait prendre confiance en moi-même, en mes propres ressources et capacités. Chaque entraînement est une occasion d'accomplir des choses dont je ne me croyais pas capable un instant auparavant. Chaque combat professionnel que je regarde est une opportunité d'apprendre, de me fixer de nouveaux buts, un idéal à atteindre, de me motiver.

Après un temps, j'ai découvert que l'état d'esprit qu'on atteint durant un combat, cette concentration qui permet de repousser toutes les distractions, toutes les limites, d'utiliser à bon escient notre énergie, on arrive à s'y glisser dans d'autres circonstances. À l'utiliser pour affronter tous les obstacles que la vie met en travers de notre route. À se relever, encore et encore, plus souvent qu'on s'en serait cru capable.

Alors pourquoi j'aime les arts martiaux? Parce que ce n'est pas seulement un sport. C'est une façon de vivre. Et de survivre.

14 commentaires:

Prospéryne a dit…

Superbe billet Gen! C'est pour les mêmes raisons que j'aime autant mes propres cours d'arts martiaux et que je continue malgré les bleus et les bosses. Parce que de combattre nous révèle avant tout à nous-même. On peut tricher contre des adversaires, mais pas contre soi-même.

Gen a dit…

@Prospéryne : En effet :) Et qu'est-ce que quelques bleus à côté du plaisir de se vider complètement de toute énergie négative?

ClaudeL a dit…

En tout cas, me semble que souffrir d'intimidation ou de complexes, à te lire, je m'inscrirais tout de suite. Tu donnes vraiment le goût et de façon positive.

Gen a dit…

@ClaudeL : Pour moi, ça a vraiment été un remède miracle et ça continue de l'être. Ce ne sont pas tous les dojos où l'ambiance permet de se réaliser autant (la personnalité du professeur est importante pour installer une bonne ambiance), mais quand on tombe sur une bonne gang, disons que ça nous réconcilie avec beaucoup d'aspect de nous-mêmes.

Isabelle Lauzon a dit…

Très inspirant! Un beau chemin à suivre, quand on le fait pour les bonnes raisons... avec les bons profs surtout.

Étant banlieusarde, je ne me suis jamais vraiment sentie menacée physiquement. J'avoue que je serais sûrement une grosse patate inutile en cas d'attaque... ;P

À mon avis, ce ne serait pas une mauvaise chose d'apprendre l'autodéfense à nos filles dans les écoles. Nous, les femmes, nous sommes facilement perçues comme des victimes... Apprendre un art martial, avec la philosophie dont tu nous parles dans ton billet, ça pourrait aussi régler pas mal de problèmes d'ego aussi... (et d'intimidation... ouais, je sais, le sujet de la semaine...)

Gen a dit…

@Isa : Tant qu'à moi, réserver les cours d'autodéfense aux filles, c'est une erreur. Ça contribue à l'image de l'inégalité des sexes et du gars comme agresseur.

C'est beaucoup plus valorisant et rassurant de suer de concert avec les gars et de les voir échouer à des trucs où nous on réussi.

Ça permet aussi d'apprendre à repérer le type d'hommes qui ne considérera jamais une fille comme son égale (même quand elle vient de le battre dans les règles de l'art) et de s'en tenir très très loin à l'avenir.

Et oui, la philosophie règle plusieurs problèmes, tant de confiance en soi que d'ego démesuré!

Vincent a dit…

Je suis d'accord avec Gen là-dessus. Réserver les cours d'autodéfense aux filles n'est pas une bonne chose. Contrairement à mon habitude, je ne ferai pas une réponse à rallonge. Mais disons qu'il y a plusieurs raisons à ça et Gen en soulève déjà quelques-unes. :)

Gen a dit…

@Vincent : Oui, svp, ne repartons pas dans le combat des sexes, on l'a déjà couvert en long, en large, en travers, en diagonale, en quadrillé... ;)

Isabelle Lauzon a dit…

Hé! Pas de chicane! Pas frapper la Madame! Hihi!

Je sais que les gars aussi subissent des coups durs... et méritent aussi d'apprendre l'autodéfense... Mais je me demandais s'il était bien sage d'inclure là-dedans les gars (et les filles, il y en a) qui ont déjà une propension à la violence et à l'intimidation des autres... Ce ne serait pas leur donner des armes de plus pour le faire?

Ou bien, en leur montrant la logique des choses et la philosophie (et surtout, en améliorant leur confiance en eux, car l'intimidation part de là, que ce soit pour l'agresseur comme pour l'agressé), en arriverait-on à briser la spirale de la violence, en mettant tout le monde sur un même pied d'égalité?

Qui cibler pour ces cours à l'école? Tous? Les moins privilégiés par la vie, ceux qui sont des cibles faciles? Pas évident... vous êtes mieux placés que moi pour dire ce qui serait le plus pertinent... En tout cas, ça prendrait un sacré bon prof, avec une philosophie de vie saine à inculquer à nos jeunes... (pas comme le méchant "sensé" dans Karaté Kid, hein! LOL)

Gen a dit…

@Isa : Techniquement, si le prof tient sa classe serrée les élèves qui auraient une tendance à l'intimidation seraient soit ramenés dans le droit chemin grâce à leur confiance en eux renouvelée (comme tu le soulignes) ou exclus rapidement de l'activité à cause de leur attitude.

De plus, il y a moyen d'axer les cours sur la défense, sans leur donner plus d'armes au départ. Et en voyant la volée qu'ils pourraient se manger en attaquant, ptêt que les intimidateurs potentiels seraient assez effrayés pour y penser à deux fois! lolol!

Par contre, étant donné qu'il faut laisser au prof la possibilité d'exclure un élève avec une attitude problématique, ce ne serait pas une bonne idée de donner ces cours là dans un cadre scolaire.

Et oui, ça prend un sacré bon prof. Mais il y a quand même pas mal de bons modèles dans le milieu des arts martiaux. ;)

Isabelle Lauzon a dit…

Alors, activité parascolaire où les jeunes s'inscriraient sur une base volontaire? Avec observation et suivi avec les éléments perturbateurs, s'il y en avait... Et possibilité de les exclure de ce groupe "privilège" s'ils ne respectent pas les règles... Ouais, ça se ferait je pense.

Mais tsé, c'est comme vouloir refaire le monde, là. Ce sont de bonnes idées, mais ça prend des volontés un peu partout pour arriver à quelque chose... Et je perds espoir quelque peu envers les bonnes volontés en vieillissant, moi... Le cynisme de la vieillesse qui commence à rentrer, faut croire... :S

Gen a dit…

@Isa : De toute façon, je pense que du moment où ce serait institué en système, ça perdrait tout effet. Qui dit système dit ratés.

Il faut surtout une vigilance des parents, une écoute pas juste des enfants, mais aussi des intervenants qui les fréquentent.

Et si jamais on a un enfant qui a une mauvaise estime de lui, ben alors on peut essayer de lui offrir les cours d'arts martiaux. S'il accroche, ça l'aidera. S'il accroche pas, ce sera le moment d'essayer les cours de peinture, de patin, etc. N'importe quoi pour qu'il ait un refuge, un endroit où se réaliser.

Pat a dit…

Voilà!
Le court d'art martial n'est pas une fin en soit, ni la réponse adaptée à tous les jeunes qui subissent de l'intimidation ou qui ont un problème d'estime.

Le mot-clé est «se réaliser».

Trouver une activité -n'importe quoi, vraiment- qui font passer les heures comme des minutes. Quelque chose qui permette de créer des liens, de lancer des perches.

Bon sang, pourquoi j'ai pas compris ça quand j'étais kid ;)

Gen a dit…

@Pat : En effet, c'est pas une fin en soi ou une réponse universelle.

Par contre, à la réflexion, je me demande s'il n'est pas nécessaire de trouver au moins une activité physique qu'on haït pas trop, en parallèle des activités intellectuelles.

Le sport, ça rend bien dans sa peau. Et être bien dans sa peau, c'est laisser très peu de place à l'intimidation.

Moi aussi j'aurais voulu comprendre tout ça plus tôt! ;)