mardi 13 septembre 2011

Un pays à l'aube, Dennis Lehane

Je n'avais pas encore tâté de Dennis Lehane, même si l'auteur américain est en train de prendre une dimension presque mystique dans le milieu du roman noir (notamment depuis qu'il a écrit le livre Mystic River, base du film du même nom). Quand j'ai appris qu'il s'était mis au roman historique, je me suis dit que c'était le moment de me lancer. Je me suis donc procuré Un pays à l'aube (The Given Day).

Le roman se déroule en 1918 et 1919, principalement à Boston. L'Amérique se remet de la Première Guerre et n'est pas encore plongée dans la Crise économique. La ségrégation raciale règne. On discute de prohibition.

À Boston, un policier gagne 23 sous de l'heure, pour une semaine de plus de 75 heures et il doit lui-même payer son uniforme et son équipement. S'il est blessé ou tué en service, aucune compensation n'est versée... et il perdra probablement son emploi! Même les conducteurs de tramway, les débardeurs des quais et les Noirs employés de maisons ont de meilleures conditions de travail que les policiers.

La révolte gronde donc dans les rangs des représentants de l'ordre. Alors que le Bureau d'investigation, l'ancêtre du FBI, traque partout les communistes, le club social de la police commence à murmurer le mot interdit : "syndicalisation". Mot associé aux rouges, aux communistes, aux bolchéviques et aux extrémistes de tout acabit, soupçonnés de poser des bombes, de répandre la contagion et de vouloir la fin de l'Amérique qui les a pourtant accueillis.

Le récit suit trois personnages. Le plus important est Danny Coughlin, d'origine irlandaise, fils aîné d'un capitaine de la police. Danny a été chargé d'infiltrer les milieux syndicaux et anarchistes. En échange, on lui promet un poste de gradé et la fin de la misère. Sa route croisera celle de Luther Laurence, un Noir qui échouera à Boston par un curieux concours de circonstance et sera associé aux premières luttes pour l'égalité. Enfin, Babe Ruth, la légende du base-ball, nous servira de temps à autre un regard extérieur sur les événements. Car Babe est à mi-chemin entre ces classes populaires qui s'agitent et les puissants qui les écrasent sans pitié.

Au moment où Lehane a écrit le livre, il faisait oeuvre d'historien. Au moment où je l'ai lu, dans cette ambiance post-11-septembre, alors que le gouvernement canadien multiplie les lois spéciales pour baîllonner les syndicats et que les écarts se creusent entre les riches et les pauvres, le roman a pris des allures inquiétantes de réflexion sur notre présent.

Le tout aurait pu être pénible à lire, mais le récit est servi par une plume brillante, qui dissecte les êtres et nous en expose les côtés les plus vulnérables afin qu'on les aime de tout coeur. Lehane est vraiment un maître.

À lire et relire et relire. À mettre au programme des cours d'histoire et de littérature, mais également de politique et d'économie.

(Lecture 2011 #37)

4 commentaires:

richard tremblay a dit…

La bibliothèque l'a, ouf, je le mets sur ma liste des livres à emprunter.

Gen a dit…

@Richard : Bon choix, tu m'en diras des nouvelles... Euh, mais... c'est ptêt pas à lire avant que ton moral soit remonté! Hihihihihi ;)

richard tremblay a dit…

J'aurais surtout besoin d'un super bon livre, quel qu’en soit le sujet. Merci de la suggestion :-)

Gen a dit…

Ça m'a occupée à temps plein pendant 4 jours de mes vacances, alors je dirais que c'est ce qu'il te faut! :)