mardi 5 avril 2011

Faiblesse : cartésianisme aigü

Pat a eu l'idée de nous faire parler de nos faiblesses en tant qu'écrivain. Bon, ça me semble un peu curieux, parce que je suis pas sûre qu'on est capables d'identifier nous-mêmes nos lacunes (sinon, on les corrigerait), mais bon je me lance : "Je m'appelle Gen et je suis cartésienne".

Ce qui me pose deux problèmes majeurs.

Problème 1 : oubliez ça la "fontaine à idée".

Je rencontre souvent des gens qui ont, à tout moment, des super idées, qui improvisent des jeux de mot, qui pensent à des concepts narratifs sur un coin de table, qui sortent toujours des mots d'esprit, qui vous inventent d'un claquement de doigt un personnage original... Mon chum, par exemple, est excellent dans tous ces domaines.

Moi? Nulle. Pour avoir une idée potable, il me faut deux-trois heures de réflexion, un crayon pis ben du papier. Et encore, la première esquisse est nulle, clichée, plate. Ce n'est qu'après avoir tourné le truc dans tous les sens, changé deux personnages de sexe, déplacé l'action ailleurs, ajouté un motif mythologique en arrière-plan, pillé les cauchemars de Vincent et les conversations entendues dans les trois derniers mois que je finis par avoir un truc raisonnablement intéressant entre les mains.

Alors, forcément, tout mon texte devient un objet construit, ordonné, sans beaucoup de spontanéité. Pour une fille qui a tendance, dans sa vie réelle, à oublier de se tourner la langue sept fois dans la bouche avant de parler, c'est un peu étrange...

Problème 2 : phrases académiques et donc anonymes.

Mon cartésianisme caractérisé a également un grand impact au niveau de mes phrases. Elles sont courtes et simples. Je les voudrais claires et percutantes, mais je dois admettre qu'elles sont le plus souvent sans relief, académiques, anonymes. Je ne manque pourtant ni du vocabulaire pour les enrichir, ni des capacités grammaticales pour en varier les formulations et les allonger. Cependant, ce n'est pas ce qui me vient naturellement. Étant donné que j'en suis consciente, j'essaie de travailler là-dessus quand je ré-écris. J'ai aussi une tendance à abuser des coordonnants (cependant, donc, toutefois, mais, etc...). Là encore parce que mon esprit semble toujours rechercher la précision, souvent au mépris de l'envolée lyrique.

J'ai bien l'impression que c'est l'effet de mon esprit trop ordonné sur ma syntaxe qui m'empêche le plus de me développer en tant qu'écrivaine, car il me prive d'un atout précieux : une voix propre. Mes textes sentant le construit et l'effort, ils pourraient avoir été écrits par n'importe qui de suffisamment minutieux et acharné. J'essaie de compenser ce défaut en me démarquant au niveau des thèmes et du contenu, mais ça ne pourra pas me porter durant toute une carrière (un moment donné, les combats vont vous sortir pas les oreilles!).

Alors j'expérimente des tons, des ambiances, en attendant de trouver la manière d'écrire qui coulera aisément, celle qui s'imposera d'elle-même et que je n'aurai pas besoin de contrôler dans ses moindres détails pour la rendre agréable.

Ça viendra je suppose.

9 commentaires:

Vincent a dit…

C'est quand même bizarre que tu dises que tu n'es pas une fontaine à idée parce que tu es cartésienne. Je pense être très cartésien aussi, ça ne m'empêche pas d'avoir des idées farfelues. :p

Tu as des bonnes idées aussi, que tu aies besoin de les travailler plus ou moins ne change rien, du moment qu'une idée est bonne au final, c'est ce qui compte. :)

En passant, je ne fais pas de cauchemars inspirants, je fais ce que j'appelerais des "rêves noirs". Le cauchemar est effrayant pour le rêveur, tandis que dans le rêve noir, le rêveur n'est pas effrayé: il participe ou observe mais sans être affecté.

Je ne suis sans doute pas le seul qui fait ce genre de rêve où la maniaque à la hache qui trucide des enfants c'est le rêveur lui-même... non? (Oups! En ai-je trop dit?)

Cela ne veut pas dire que je ne fais pas de cauchemars, mais mes cauchemars sont communs et ne sont pas des bonnes sources d'idées.

Gen a dit…

@Vincent : lol! Je sais que toi tes rêves de maniaque à la hache te font pas peur, mais moi une fois que tu me l'as raconté, j'ai du mal à dormir! hihihih

Pour les idées farfelues... bon, c'est ptêt pas parce que je suis cartésienne... je suis sans doute encore trop sérieuse! ;)

Pat a dit…

J'adore cette réflexion, Gen.

Tu pars de ce que tu es en tant que personne (cartésienne) et tu notes les caractéristiques qui en découlent (construction plutôt que spontanéité).

Très intéressant.

Ce que tu dis au sujet de ta «voix propre» m'intrigue beaucoup. Est-ce que ce cartésianisme étouffe nécessairement ta voix? Ne peut-elle pas être «construite» plutôt que surgie spontanément?

Ce que je veux dire, c'est que j'admets que l'écrivain «découvre» sa voix, mais je ne suis pas sûr que ta méthode (beaucoup de travail acharné) soit un facteur qui nuise à son affirmation.

D'ailleurs, je suis persuadé qu'il est déjà facile de différencier du «Geneviève Blouin» des textes d'autres écrivains. Les thèmes et le contenu font parti de cette fameuse voix, non?

Gen a dit…

@Pat : On définit habituellement la voix comme la manière d'écrire qui se démarque. Or, pour l'instant, ma façon d'écrire ne se démarque pas tellement.

Est-ce qu'on peut avoir une "voix" construite? Probablement. J'ai tendance à croire que la voix est la façon spontanée d'écrire, qu'on polit ensuite, mais je suis ptêt dans le champs. Peut-être que certains écrivent d'abord et arrivent ensuite à retravailler pour donner un ton original au texte...

Mais un ton retravaillé volontairement peut-il être vraiment original?

Ah, j'haïs ça me poser autant de questions!!! :P

Et oui, je suppose que thèmes et contenus font partie de la voix...

Didie a dit…

Oh, my god, ton problème numéro 1 est l'opposé TOTAL du mien. Est-ce que tu me donner un bout de ton cerveau que je puisse devenir un tant soit peu organisée, moi aussi?

Gen a dit…

@Didie : Ben non, sinon non seulement je vais être moins organisée, mais j'suis pas sûre que je vais arriver davantage à avoir des idées sautées! hihihihi ;)

Audrey a dit…

C'est fou comme on a tous des faiblesses différentes. Je me demande d'où elles viennent. Est-ce que ça vient de notre caractère si on est doués ou non pour trouver l'idée géniale et totalement exploitable en 30 secondes ?
En tout cas, j'ai bien hâte de voir si dans quelques années, nos faiblesses seront les mêmes.

Isabelle Lauzon a dit…

Tiens, tiens, il va falloir que je me prête à l'exercice moi aussi... En résumant, parce que j'ai beaucoup, beaucoup de faiblesses! :D

En passant : Wow! Très jolie, ta nouvelle photo! ;)

Gen a dit…

@Audrey : Je ne pense pas que nos faiblesses vont rester les mêmes... les miennes, en tout cas, changent tranquillement. Avant, j'avais du mal à caractériser mes personnages.

@Isa : Ben oui, faut que tu te joignes à nous! Et pour les photos... C'est encore oeuvre du fils de Lucille! :D