mardi 1 février 2011

Ru de Kim Thuy

J'ai probablement pas besoin de vous dire de quoi ce livre parle. Tout le monde, je crois, a entendu parler de cette vietnamienne, survivante des boatpeople immigrée au Québec, qui a raflé tous les prix littéraires de l'année en racontant ses souvenirs de réfugiée.

Tout le monde a parlé de la finesse de son écriture dépouillée, de l'émotion qui se dégage de ses confidences. Le texte est éclaté, se déplaçant entre le Vietnam et le Québec, entre l'enfance et l'âge adulte, entre le rire et les larmes, tout en gardant une cohérence, un certain fil conducteur. Petit à petit, le passé et le présent de l'héroïne nous sont dévoilés. Et l'héroïne, on le devine, n'est pas tout à fait l'auteur, bien qu'elle en soit très proche. Certains se sont sentis perdus dans cette structure éclatée, mais c'est qu'il faut se laisser porter sur les mots, comme on se laisserait porter par une conversation, sans se demander où cela va nous mener.

Le livre a donc été encensé sur toutes les tribunes, mais il y a un détail que personne ne semble avoir soulevé. Le ton du récit, ce ton de la confidence, jamais larmoyant ni tout à fait rieur, pas le ton du journal intime, ni celui de la tribune publique, ce ton de qui écrit avec une certaine pudeur, en se disant que cela pourrait être lu, mais qui se livre tout de même beaucoup, parce que ce n'est pas certains qu'il sera lu, ce ton éclaté, cette série d'instannés de la vie... ce ton, c'est une voix qui nous est bien connue, à présent.

Car c'est le ton du blogue que j'ai vu dans Ru. Le ton des meilleurs blogues. Ceux où on a envie de revenir, jour après jour. Dommage que le livre, lui, se termine aussi vite.

(Lecture 2011 #6)

10 commentaires:

Dominic Bellavance a dit…

Le livre est dans ma "wish list" depuis un certain temps. Je me suis longtemps borné contre ces livres qui raflent tous les prix littéraires, mais j'ai tôt fait de réaliser que, s'ils ont reçu autant d'attention, c'est surement pour une bonne raison.

Gen a dit…

@Dominic : Moi en tout cas il m'a donné envie d'en écrire un du même genre... ou plutôt il m'a fait regretter de ne rien avoir d'aussi fort à raconter dans mon vécu réel.

ClaudeL a dit…

@Gen: oui le ton et même la disposition des textes ressemble à un blogue, tu as raison et je n'avais pas remarquer. Bravo, je crois bien que tu es la première à le mentionner (faut dire que je n'ai pas tout lu sur elle), mais il est certain que ce qui a fait son succès c'est aussi son histoire. Pas tout le monde qui peut s'assurer d'une originalité par sa seule identité. Des matantes Deux, ou des mononcles Huit, c'est pas donné à tout le monde. Je raccourcis parce qu'il est évident qu'on ne gagne pas tant de prix pour cette seule raison.

ClaudeL a dit…

"pas remarqué". Je suis bien bonne pour parler de la langue française, moi qui ne maîtrise pas encore mes participes passés, gr...

Une femme libre a dit…

Il y a tout un débat là-dessus, un blogue peut-il être de la littérature?

Gen a dit…

@ClaudeL : En effet, c'est pas donné à tout le monde d'avoir de telles histoires à raconter! Et t'en fais pas pour les participes... mais chiale pas trop sur les fautes des autres! lolol ;)

@Femme libre : Tant qu'à moi, le blogue, c'est un médium pour publiciser des textes. Ils peuvent être plus ou moins littéraires.

ClaudeL a dit…

@Gen: si tu savais comme je me retiens! Et je ne chiale pas tellement sur les fautes, seulement sur le choix de l'anglais quand il existe un mot français!
Et au final, je voudrais surtout rendre les gens fiers de l'utiliser et que nous demeurions vigilants. Je ne dois pas avoir le tour! Ou bien je suis trop sérieuse. Ou les deux.

Gen a dit…

@ClaudeL : J'ai surtout l'impression que pour les gens de ma génération, la frontière entre les deux langues commence à être de plus en plus floue, parce que le bilinguisme est en hausse. Des fois ça m'énerve d'être confinée au français. Comme ça m'énerverait d'être confinée à l'anglais.

Ce que j'aime des langues, c'est que ce sont des réalités vivantes et évolutives. Si on est trop puriste, on risque d'empêcher la langue d'évoluer.

richard tremblay a dit…

Saperloche, je l'avais dans ma ligne de mire depuis un sacré bout de temps; j'attendais juste que quelqu'un en dise du bien ;-)

Gen a dit…

@Richard : Je sais pas si ce sera ton style, mais moi il m'a touchée. J'ai eu l'impression d'écouter l'auteure raconter ses souvenirs. Et quels souvenirs!