jeudi 9 septembre 2010

Sang de pierre, Élisabeth Vonarburg

Ça faisait un bout de temps que je n'avais rien lu de la Grande Dame. Pas par désintérêt, mais à cause d'une soif de découverte. Après tout, Élisabeth, si intéressante fut-elle, reste Élisabeth. J'avais envie de goûter à quelque chose de différent.

Cependant, quand une amie m'a offert ce recueil de six nouvelles, je m'y suis plongée avec joie. Je m'étais dit que je ne ferais pas de billet au sujet du recueil, mais finalement je n'ai pas pu résister. Voyez vous, j'avais oublié à quel point la puissance évocatrice de la plume d'Élisabeth peut m'inspirer et à quel point ses interrogations sur les notions de masculin et de féminin me rejoignent. J'avais oublié aussi combien il est délicieux de lire un recueil de nouvelles où l'auteur prend le temps de nous expliquer en quelques mots les circonstances de rédaction ou les sources d'inspiration de chaque texte. Bref, lire Sang de pierre m'a donné l'impression de poursuivre mon atelier d'écriture de cet été, exemples à l'appui!

La nouvelle Éon exploite un thème classique de la SF, doublement classique chez Élisabeth : celui d'une société unisexe où l'un de ses membres s'interroge soudainement sur cette uniformité. J'ai bien aimé le début et les éléments qui amènent le personnage à s'interroger, mais j'ai trouvé la finale un peu nébuleuse.

Dans Le Language de la nuit, Élisabeth dit avoir rendu un hommage inconscient à Le Guin. J'ai adoré cette nouvelle très atmosphérique, récit des premiers jours d'un explorateur coincé sur une planète inconnue qu'il doit explorer. Cet explorateur rencontrera une forme de conscience inattendue et... et le reste est en suspend! À vous de relire et d'essayer d'échaffauder votre suite.

Le début du cercle offre une construction complexe, double, mettant en parrallèle l'histoire de Henri, qui sait que ce nom n'est pas son vrai nom, mais qui ne se rappelle pas comment il en est venu à le porter et celle de Saul, l'amant d'Emmanuelle Cara, la plus grande artiste du siècle. On comprend très vite que les deux hommes ne sont qu'un et on suit Henri dans sa quête pour redevenir Saul. Au passage, on en apprend plus sur le destin d'Emmanuelle et sur une mystérieuse femme-médecin. Cette nouvelle est sans doute le texte du recueil dont le rythme est le plus rapide, mais je n'arrive pas à décider si je l'ai appréciée ou pas. Beaucoup d'idées soulevées, notamment sur la question de l'identité personnelle vs le clonage, n'ont pas abouties.

Celles qui vivent au dessus des nuages est mon coup de coeur dans ce recueil. Peut-être parce qu'Élisabeth y récupère un thème de la mythologie grecque, celui de Zeus changé en pluie d'or afin de féconder Danaée... ou peut-être, tout simplement, parce que la Grande Dame y brosse en quelques phrases une planète-colonie dure et mystérieuse, ainsi qu'une relation mère-fille tout ce qu'il y a de plus authentique.

Sang de pierre est sans doute la nouvelle qui m'a laissée le plus perplexe. Sa structure narrative est étrange. Élisabeth nous explique pourquoi elle l'a choisie et le tout fonctionne, mais... mais on dirait qu'on nous passe le film du récit au lieu de nous le faire lire! Et c'est normal au fond : le narrateur témoin nous raconte son histoire tandis qu'il fait le montage du film de sa vie. Une expérience de lecture, y'a pas à dire!

Finalement, le recueil se conclut avec Terminus, un autre de mes coups de coeur. C'est rare qu'Élisabeth écrit des récits aussi durs, teintés de désespoir, de résignation. Dans cette nouvelle, une femme voyage entre les univers possibles et à chaque fois qu'elle croire une autre version d'elle-même, cette version meurt, souvent sous ses yeux. L'impuissance ressentie par le personnage ne peut que nous toucher et nous faire refermer, pensif, ce recueil d'univers...

5 commentaires:

richard tremblay a dit…

Tiens, j'y pense, moi aussi ça fait longtemps que j'ai rien lu de mâme Vonarburg. Aussi bien reprendre par celui-ci qui a l'air bien.

Gen a dit…

Il a aussi l'avantage de ne pas faire partie d'un trop long cycle ;)

Philippe-Aubert Côté a dit…

Je connais bien Madame Vonarburg mais pas madame VonarBUG :-)

Je vous laisse deviner les images hilarantes que ça suscite chez moi :-p (Mouhahahaha)

Gen a dit…

@Phil : lololol! Dis-lui pas!!!! :p

richard tremblay a dit…

Y a ceux qui écrivent Élizabeth aussi, mais pas nous trois.