mercredi 26 mai 2010

L'Aquilon de Carl Rocheleau

C'est mon second contact avec la "collection nova" des Six Brumes. J'avais trouvé ma lecture précédente  excellente, mais un peu maigre, quasiment squelettique en fait. Séduisante pour un squelette, mais ça manquait de chair.

En ouvrant "L'Aquilon", je me préparais à une déception semblable. Je ne doutais pas que ça allait être bon :  j'étais vendue par avance à ce concept de l'éternel hiver, mais j'avais peur que ce soit trop court. Le verglas m'a laissé de nombreux souvenirs. Beaucoup de froid et d'humidité. Beaucoup d'histoires de relations humaines. Bien de la matière pour imaginer, quoi.

Or, justement, dans "L'Aquilon", la crise du verglas ne s'est jamais terminée. Le Québec est pris depuis huit ans dans une gangue de glace. La vie des gens s'est reconstruite tant bien que mal autour de cette nouvelle réalité. La plupart sont partis dans le sud. Ceux qui restent vivent dans des centres de réfugiés ou dans quelques rares immeubles encore debout. "L'Aquilon", c'est l'un de ces immeubles. C'est là qu'habitent les personnages qui peuplent les nouvelles de Carl Rocheleau. Mais "L'Aquilon", c'est aussi le vent du nord qui souffle en rafale et glace les veines, éparpille les vies.

C'est ce souffle du vent que j'ai ressenti en lisant ce recueil de nouvelles interreliées. C'est avec lui qu'on passe d'une pièce à l'autre, d'un personnage à l'autre. Comme le vent, on ne reste là qu'un seul instant, le temps de voir les choses chavirer, changer.

On finit le petit bouquin avec un certain sentiment d'accomplissement. La bourrasque a passé, on a visité tout le monde, la boucle est bouclée. Il ne flotte plus dans la tête du lecteur qu'une odeur de neige... et de café.

Bref : une belle réussite et, surtout, une délicate maîtrise de la forme courte. :)

10 commentaires:

ClaudeL a dit…

Une odeur de neige? Ça se prend bien en ce matin de canicule!

Gen a dit…

Ouaip, ce petit bouquin est une bonne alternative à l'air climatisé. En fait, si tu veux découvrir un peu un écrivain de la communauté SFF avec un texte qui est à peine de la SF (plutôt une réalité alternative), c'est un bon choix. On s'y concentre surtout sur les relations humaines, la façon de réagir au climat, etc. Guillaume Voisine comparait ça à la "Canicule des pauvres", version "Verglas" ;)

Pat Isabelle a dit…

Dans un commentaire que je n'ai jamais écrit,(parce que la plupart de mes commentaires restent dans mon cerveau) je me disais que la SF n'était pas franche, que c'était une sorte de drame social dans un futur qui n'en était pas réellement un.
Après le lancement du livre et avoir écouté l'auteur, je me suis dit: il faut que je relise le nova. Je ne l'ai pas encore relu, mais je crois que je vais avoir une approche et une opinion différente.

Gen a dit…

@Pat : Je crois que c'est ce qu'on appelle de la SF "de facto"... Au sens où l'élément "science" est peu présent, mais implicite.

De toute façon, je t'avouerais que c'est le genre de cas où l'étiquette m'indiffère. Ça n'a pas les éléments de hard SF que certains peuvent détester, mais la société est tout de même radicalement "autre". Bref, un mélange des styles comme je les aime ;)

Gen a dit…

Cela dit, faudrait que tu m'expliques ce que Carl racontait au lancement (ça a dû être une des activités du Boréal que j'ai manqué, faute d'ubiquité)

Guillaume Voisine a dit…

"Guillaume Voisine comparait ça à la "Canicule des pauvres", version "Verglas" ;) "

No no. Les mots de l'Ermite, sorry ;)

Cela dit, excellent roman indeed.

Frédéric Raymond a dit…

C'est ici que devient utile l'étiquette fiction spéculative!

J'ai beaucoup aimé l'Aquilon moi aussi. J'ai l'impression que le format Nova est plus satisfaisant sous forme de micronouvelles plutôt que sous forme d'une histoire suivie. Sintata, de Bellavance, est aussi divisé en pseudo-nouvelles et il est lui aussi très satisfaisant.

Gen a dit…

@Guillaume : Oups, désolée de la méprise ;) J'avais pas mon Brins d'éternité sous la main pour vérifier.

@Fred : En effet, fiction spéculative lui irait bien. Pour ce qui est de la forme versus le format, je ne pense pas que les micro-nouvelles soient un passage obligé, mais c'est vrai que ça sort bien. Cela dit, l'Aquilon est aussi un peu plus long que certains autres Nova.

Carl a dit…

Merci, Gen, pour ton commentaire. Ça me réchauffe le coeur (!). Côté étiquette, j'avouerais que je plaçais "L'Aquilon" dans l'uchronie, tout simplement. Au moment de l'écriture, ça faisait réellement huit ans que le verglas était passé, alors ça me paraissait logique de refaire le trajet par une autre voie. C'est en travaillant avec Guillaume qu'on a décidé de ne pas pousser dans cette direction et de placer cette crise du verglas dans un moment inexistant de notre histoire.
Merci encore !

Gen a dit…

@Carl : Mais de rien mon cher! ;) Et "uchronie" me semble quand même une bonne catégorie. Pour moi, il était évident que tu évoquais ce verglas-là, même si ça reste implicite.