jeudi 7 janvier 2010

Paradis clef en main de Nelly Arcand

J'ai pris mon temps avant de le commenter celui-là. Probablement parce que je voulais me laisser le temps de le digérer. Après tout, lire un livre sur le suicide après que l’auteure se soit justement donné la mort, disons que c’est un peu délicat.

Peut-être aussi que j’ai attendu parce qu’on m’a appris à ne pas dire du mal des disparus. Fallait que je laisse la poussière retomber avant de pouvoir avouer que j’ai été un peu déçue de cette œuvre de Nelly Arcand.

Une bonne partie du roman décrit les épreuves à travers lesquelles le personnage principal, Antoinette, doit passer afin de prouver à une compagnie d’assistance au suicide qu’elle est résolue à mourir. Or, ces épreuves m’ont laissée de glace. Je les ai trouvées exagérées, grossières, surréalistes… et pas nécessairement aptes à mesurer le désespoir où la résolution des candidats au suicide. De plus, suite à son suicide raté, Antoinette, nous dit-on, est paraplégique, ce qui signifie qu’elle a toujours l’usage de ses mains. Or, étant donné sa méthode de tentative de suicide, une quadraplégie aurait été plus crédible. Mais bon, ça n’aurait pas changé grand chose au propos, je suppose…

Ces défauts mis à part, le roman a tout de même de grandes qualités. L’écriture est toujours celle de Nelly : forte, juste, avec des métaphores qu’on avait pas vu venir et qui nous coupent le souffle par leur pouvoir évocateur. Les relations entre les personnages sont poignantes. On s’attache à l’oncle affectueux, mais soupçonné de tous les maux. On n’a pas de peine à cerner la mère rendue insupportable de perfection et qui refuse de vieillir. Il n’y a qu’Antoinette, au fond, qu’on n’arrive pas vraiment à comprendre. C’est voulu, je crois, puisqu’elle ne se comprend pas elle-même.

Au final, Paradis clef en main est loin d’être un mauvais livre. Ce n’est cependant pas le cri du cœur auquel on aurait pu s’attendre dans les circonstances, ni le genre de décharge d’émotions brutes auxquelles Nelly nous avait habitués. Ceux qui aborderont ce livre comme je l'ai fait, en cherchant un peu l’auteure entre les lignes, resteront sur leur faim. Ceux qui s’y lanceront comme dans une œuvre de fiction dotée d’un bon fond de réflexion l’apprécieront, je pense, au final, même s’ils n’y trouveront sans doute pas exactement ce qu’ils cherchaient.

4 commentaires:

richard tremblay a dit…

C'est bien de ça que j'ai peur. Ça va être difficile de faire abstraction de sa mort pour lire ce roman.

Gen a dit…

En effet. Surtout qu'il y a des phrases qui sonnent très vraies.

Mais en même temps, le ton est détaché... Enfin, c'est étrange.

Sylvie a dit…

Je n'ai rien lu de Nelly Arcand. Je ne sais pas, j'ai toujours eu un malaise vis-à-vis cette fille. Comme si elle allait me mettre malgré moi dans le fauteuil du voyeur. Je passe peut-être à côté de quelque chose.

Gen a dit…

Malgré les titres qui laissent planer l'idée qu'en effet on va se retrouver dans le fauteuil du voyeur, j'ai toujours trouvé que les livres de Nelly (entk Putain et Folle, les deux seuls que j'ai lus en entier) nous forçaient plutôt à entrer dans sa peau (avec tout ce que ça sous-entendait de mal de vivre, de douleur et d'étouffement)... et c'était nettement moins confortable qu'un fauteuil.

Avec Paradis clef en main, on dirait que, cette fois, oui on est plutôt là en passager. Toujours pas en voyeur, parce qu'il n'y a pas grand chose à voir, mais pas non plus aussi "intime" que d'habitude.

Enfin, peut-être avait-elle décidé d'explorer une nouvelle voie...