samedi 19 décembre 2009

Une tradition solitaire

D'aussi loin que je me rappelle, la fin de semaine avant Noël donnait lieu à une réunion bien spéciale dans ma famille maternelle. Ma mère, ma grand-mère, ma petite soeur et moi nous réunissions le samedi matin dans la cuisine de ma mère pour une "popote des fêtes". (Les gars de la famille se trouvaient commodément quelque chose à faire ailleurs, histoire d'éviter la corvée, et, pour une fois dans l'année, on leur en voulait pas, trop contentes de se retrouver entre filles).

On préparait la viande à tourtière dans un immense chaudron (celui qui servait aussi à la fin de l'été pour ébouillanter les pots pour le ketchup aux fruits), en chantant des chants de Noël, échangeant les derniers potins familiaux et en nous chicanant à savoir quel était déjà le mélange d'épices employé l'année d'avant et s'il fallait ou non mettre quelques patates dans la viande.

Pendant que l'une d'entre nous surveillait la cuisson de la viande, les autres épluchaient des pommes, préparaient de la pâte à beigne, de la pâte à biscuit, des carrés aux Rice Crispies, du sucre à la crème, du sucre à tarte... Une fois la viande cuite, on commençait à préparer la pâte à tarte. Ma mère et ma grand-mère étaient des as du rouleau à pâte, capables de faire deux fonds de tarte le temps que je prépare un dessus. Voyant ça, ma petite soeur a abdiqué le rouleau et s'est toujours cantonnée au rôle de doreuse de croûte avec du jaune d'oeuf (et mangeuse de retailles de pâte crue). Moi j'essuyais les moqueries, mais je m'obstinait. À quatre, on avançait vite. Les tartes s'empilaient, le four ne désemplissait pas... À côté de nous, les lutins du Père Noël, c'était de la petite bière!

À la fin de la journée, il y avait de la farine partout dans la cuisine, nos mains sentaient le clou de girofle, la maison était surchauffée parce que le four avait marché toute la journée, le salon était envahi par les sous-plats horribles (ceux qu'on n'aurait jamais sortis devant la visite) destinés à protéger les tables des tartes, tourtières, plats de beignes et plaques de biscuits qui y refroidissaient, mais on avait de la bouffe de prête pour tout le temps des Fêtes... sinon pour l'hiver! Le soir, une fois les gars revenus, on mangeait notre première tourtière de la saison (et on les empêchait de dévorer tous les beignes).

Depuis trois ans, ma mère n'est plus en état de faire ce genre de corvée et ma grand-mère est trop âgée à présent. Cependant, je poursuis la tradition en solitaire. J'ai donc cuisiné toute la journée aujourd'hui, en compagnie de mes souvenirs.

Bilan de la journée : deux tourtières, une livre de cretons, quatre pâtés au poulet, deux gigantesques brioches aux fraises et six douzaines de petits bonhommes en pain d'épice. Pas mal pour une fille qui roule toujours sa pâte à la moitié de la vitesse atteinte par la grand-mère moyenne ;)

6 commentaires:

Pierre H.Charron a dit…

À la lecture de ton dernier paragraphe, il me semble qu'il me vient une petite fringale tout d'un coup ;)

ClaudeL a dit…

M'a fait rire avec tes petits lutins.
Je n'ai jamais fait de bonhommes en pain d'épice et jamais mangé non plus des faits-maison. Quelques tourtières parfois, une bûche la veille de Noël, parce que je reçois à Noël, mais le reste, acheté. Les traditions se perdent... Mais faut dire que ma mère non plus ne cuisinait pas beaucoup. Steinberg a changé notre vie!

Elisabeth a dit…

Une pensée pour toi qui a dû modifier ta façon de vivre le temps des Fêtes... J'espère que tu pourras réinstaurer la tradition avec tes propres enfants un jour ;)

Gen a dit…

@Pierre : c'était un peu le but ;)

@ClaudeL : Les bonhommes en pain d'épice, ce fut mon ajout aux traditions familiales. J'en avais mangé des très bons chez une amie, alors on a passé trois Noël a essayer des recettes trouvées sur le web avant de tomber sur celle que je fais depuis! :) C'est long tout faire ça soi-même, mais ça vaut tellement la peine!

@Elisabeth : Merci pour la bonne pensée. Oui, j'espère bien pouvoir enrôler mes enfants un jour ;p

Luc Dagenais a dit…

Woah!

Gen, ton billet se lit comme une nouvelle: un bon build up, une touche d'humour ici et là, un passage touchant; on en veux d'autres comme ça!

En plus, comme Pierre, ça m'a ouvert l'appétit

8-b..

Gen a dit…

lol! Merci Luc! ;)