lundi 16 novembre 2009

Un auteur peut-il tuer son héros?

Un article de cyberpresse posait la question la semaine passée. Pour le lire, c'est ici.

Ma première réaction est : Merde, bien sûr que oui! Sinon, l'histoire deviendra immanquablement prévisible. (Qui ne s'est jamais dit en regardant un film "C'est sûr que le héros meurt pas là : il reste encore une heure"? ou "Ben non, il arrive rien à Potter : il reste cinq livres!"). Il faut qu'on puisse craindre la mort du héros. Ou alors on coupe les pattes au suspense.
Ma deuxième réaction : On voit que la discussion de l'article ne reste pas longtemps sur les romans et dérive bien vite sur d'autres médias (série télé, série de bandes dessinées) où, je crois, l'aspect sériel est beaucoup plus fort et où, de toute façon, le public est plus indulgent. On demande moins à un film, une bande dessinée ou une série télé qu'à un roman.

Pourquoi? Je pense que c'est parce que lire un roman demande plus d'effort. Après tout, c'est une grosse montagne de mots. Faut les trier, les décoder, imaginer tout le décor... En retour, on veut avoir l'impression que l'auteur s'est forcé. Qu'il a raconté son histoire sans essayer de sauver son héros par complaisance ou par paresse.

Ma troisième réaction : King n'est pas le maître pour rien. Il a élevé au rang d'art le fait de tuer les personnages auxquels on s'était attachés. Il fait mourir le garçonnet dans Cujo. Et dans la Tour Sombre, lorsqu'il nous dit, dans le septième tome, qu'Eddie et Roland seront bientôt séparés par la mort, on se met à angoisser. On sait qu'il va tuer l'un des deux. Et qu'il le fera probablement de façon tout à fait banale, injuste et cruelle. Normale. Parce que mourir est normal.

En fait, je vois même pas comment on peut poser la question que la journaliste pose. Est-ce que c'est parce que je suis une jeune femme impitoyable?

17 commentaires:

ClaudeL a dit…

Elle voulait faire réagir!!!!!!!!

Gen a dit…

@ClaudeL : Ça marche :p

Vincent a dit…

Vaut mieux être impitoyable! Comme tu dis, c'est trop facile et bonbon de garder les personnages en vie sans raison.
Et "wow" pour la Tour Sombre de King! La mort rend la vie d'autant plus précieuse.

Frédéric Raymond a dit…

Tant que c'est bien fait, il n'y a pas de problème. Par exemple dans le premier livre de George R. R. Martin... Je ne dirai pas qui meurt, mais vous vous doutez bien de qui je parles si vous l'avez lu !

Gen a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Gen a dit…

Ben oui, je sais de qui tu parles. :) Appelons-le N. Avec du recul (je relis justement la série en ce moment), je trouve qu'il meurt de façon tout à fait satisfaisante : on s'y attendait pas, ça nous choque (mais jamais autant que la mort qui frappe dans le septième tome de King), mais c'est cohérent avec le reste de l'histoire.

Le problème est plutôt que GRRM nous laisse pognés avec une floppée de personnages dont aucun n'est aussi sympathique que le mort... ça finit par se placer, mais c'est long.

Elisabeth a dit…

Je pense, corrigez-moi si je me trompe, que ça dépend aussi du genre littéraire. Le lectorat de King s'attend beaucoup plus à la mort de l'un des personnages-clé (et aimé) que les lectrices de Twilight par exemple. C'est aussi un lectorat qui comprendra pourquoi l'auteur agit ainsi alors que pour le second...

Gen a dit…

@Élisabeth : Techniquement, King et Meyer sont dans la même section de la librairie... mais je t'accorde qu'ils ne sont pas dans la même ligue.

Sauf que est-ce que les auteurs doivent s'empêcher d'écrire une histoire crédible et fouillée et originale pour ne pas faire de peine à leurs lecteurs?

JK Rowlings l'a fait... Et je vais m'abstenir de commenter. Pour ce qui est de Meyer, le quatrième tome devrait lui valoir la pendaison...

Elisabeth a dit…

Peut-être est-ce une question de lectorat alors? D'un autre côté, il faut également que l'auteur soit «capable» de tuer ses personnages. Je ne crois pas que tous le soit...

Gen a dit…

Je crois que c'est un mélange lectorat/auteur oui...

Mais je crois qu'on tombe aussi dans la question du nivellement par le bas... Si un auteur s'assure un lectorat en publiant quelque chose de fleur bleue et gentil et sans trop de dent, est-ce qu'il n'encourage pas les autres auteurs à l'imiter et les lecteurs à s'habituer aux histoires sans risque?

Twilight aurait été bien plus intéressant si Edward avait été moins parfait... et la fin moins cliché!

En même temps, il est loin d'être obligatoire de tuer le héros. Il faut juste qu'on sente que c'est possible.

... et c'est sûr que c'est pas à sa place dans un livre pour jeunes enfants (j'imagine pas "Martine meurt en revenant de l'école" lol!)

Elisabeth a dit…

Petite anecdote personnelle si tu me le permets: Mon 3e tome est sorti depuis seulement 6 semaines et plusieurs lecteurs-lectrices m'ont déjà fait remarquer que je suis trop dure avec mes personnages et que je devrais davantage «épargner» mes héros alors que selon moi, je ne le suis pas assez... C'est peut-être là le reflet de cette habitude dont tu fais mention, celle des histoires sans risque.

Gen a dit…

Anecdotez, anectodez très chère! ;)

C'est effectivement ce à quoi je pensais. L'histoire semblait sans risque et là les lecteurs trouvent que tu les secoues trop.

Moi je dis : secoue plus fort! On se rappelle bien davantage une histoire qui nous choque qu'une histoire pépère.

Fred parlait de G.R.R. Martin plus haut. Je suis en train de le relire. Et j'ai abordé le premier tome en sachant que mon personnage préféré allait y connaître une fin prématurée... j'ai d'autant plus savouré ses apparitions.

C'est comme la vie quoi : elle n'est jamais si belle que lorsqu'on est conscient qu'elle n'est qu'éphémère.

Joe G. a dit…

De mémoire récente, l'anime Gurren Lagan tue un protagoniste à mi-serie avec brio.
L'idée semble d'offrir une alternative valable au personage qui disparait et de ne pas donné l'impression au lecteur qu'il vient de se faire avoir. Un peu comme le 2e Robin tué pour faire plaisir au fan et laisser place à Tim Drake.
Ceci dit, je ne suis aucunement d'accord que le public est plus indulgent envers les autres mediums que le roman. Je dirais même l'inverse puisque généralement les fans de roman vont suivre l'auteur plutôt que l'oeuvre.
Sinon, tout confondu, y'a des morts "classique" dans Rocky 2 au cinéma, The Sandman en comic, The Wire en télé et Cowboy Bebop en animation.
Petite note sur l'article de cyberpresse, Cerebus est le comic indi. auto-publié le plus long avec plus de 600 numéros.

Gen a dit…

Hum... Bon point Joe pour les autres médiums...

Peut-être est-ce plutôt que les séries en général (BD, télé, suites de film) sont souvent axées sur les personnages? Et même sur un seul personnage.

Avec quelques exceptions notables, dont The Wire... et plusieurs autres bonnes séries (peut importe le médium) où il y a plus d'un personnage fort. Dans ce temps-là, on peut toujours en tuer un si on le fait correctement.

Bon exemple avec Rocky :) Dire que tous les critiques de cinéma crachent sur cette série... Les morts commencent dans le III par contre ;)

Joe G a dit…

Je partage ton avis que la narative ciblé sur un seul personage semble être une généralité.
En comics Marvel et DC tentent de garder le statut-quo afin de créer des point d'entrées plus facilement pour d'éventuels lecteurs et empècher la disparité des histoires advenant la sortie d'un film.(Marvel appartient à Disney et DC est une subdivision de WB)
À la télé le contenue épisodique est privélégier par les diffuseurs, encore une fois pour les points d'entrées. À ce se rajoute le "star system", coté marketing c'est plus facile et payant batir un show/film autour d'un acteur connu qu'une panoplie de no-name; Ce qui donne qu'un personage disparait simplement pcq l'acteur ne renouvelle pas son contrat.

L'editeur en chef de Marvel, Joe Quesada, disait dernièrement qu'un évennement tel la mort d'un perso était un outil qui permettait de générer de grosse vente, mais il se garde d'écoeurer le lectorat en le sur-utilisant.

Luc Dagenais a dit…

Dans bien des cas, je crois que l'intérêt n'est pas de savoir si oui ou non le héros/perso. princ. pourrait mourir, mais plutôt de voir comment il se tire d'affaire devant l'adversité, le malheur et les mésaventures.

Il y a ce conseil de Vonnegut aux auteurs de nouvelles, qui dit "Be a sadist. No matter how sweet and innocent your leading characters, make awful things happen to them -- in order that the reader may see what they are made of."

Je suis peut-être vraiment sadique, mais tant comme auteur que lecteur, je préfère habituelleemnt voir les personnages souffrir que mourir...

Quoique, j'avoue avoir payé le 0,50$ pour voter la mort de Robin dans ma jeunesse; j'étais jeune, mais ce fut jouissif! >8-)

Gen a dit…

@Luc : C'est sûr que le plus intéressant, c'est voir le héros subir des épreuves et s'en tirer... mais ça revient à ce que je disais au début : il faut qu'on puisse croire qu'il court véritablement un risque. Sinon, l'auteur aura beau être le pire des sadiques, on sera moins touchés.

Pour ça, l'idéal je crois, c'est que l'auteur ait déjà tué un de ses personnages importants. Après ça, on sait qu'on doit s'attendre à tout, non?